Contenu du sommaire : Les États sous contrainte économique
Revue | Pouvoirs |
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Numéro | no 142, 2012/3 |
Titre du numéro | Les États sous contrainte économique |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Les États sous contrainte économique
- Jalons pour une histoire des États face à la contrainte économique - Bernard Gazier p. 5-19 Cet article cherche, en se centrant sur l'expérience des États occidentaux et en prenant un recul historique de plusieurs siècles, à préciser les principales contraintes économiques auxquelles ils ont fait face et les marges de manoeuvre qu'ils ont pu exploiter. Après une première partie consacrée au repérage des diverses modalités d'États et de contraintes, l'article considère les séquences dans lesquelles les contraintes s'enchaînent, pour déboucher sur les changements majeurs apparus au xxe siècle.
- L'État : contraintes et liberté, approche économique - Maya Bacache-Beauvallet p. 21-31 L'article présente l'analyse en sciences économiques des contraintes qui limitent l'action de l'État. La contrainte budgétaire consiste à rappeler que la somme des dépenses publiques doit être inférieure ou égale aux recettes publiques, et ce de manière intertemporelle. L'article évoque alors les débats qui émergent avec les travaux keynésiens sur l'importance de cette contrainte budgétaire et la possibilité de s'en émanciper. La prise en compte des anticipations rationnelles des agents restreint l'action publique et crée la justification d'une nouvelle contrainte : l'autocontrainte. Ensuite, la concurrence fiscale et la mondialisation constituent une nouvelle contrainte à l'action publique. Enfin, le nouveau management public renouvelle l'analyse de la contrainte aux marges de manoeuvre de l'État.
- Les acteurs de la contrainte - Nicolas Jabko p. 33-42 Le discours politique tend à appréhender les contraintes économiques sur un mode incantatoire, comme résultant des « forces du marché » ou encore de la « spéculation ». Cet article s'attache à mieux identifier les agents économiques et les organisations qui imposent des contraintes aux États. Loin de comploter ou de spéculer activement contre ces derniers, la plupart de ces acteurs vivent en symbiose avec eux. Leurs logiques d'action sont différentes, selon leur statut privé ou public. Les acteurs privés s'attachent avant tout à poursuivre leurs intérêts économiques, tandis que les organisations publiques défendent les logiques institutionnelles qui les définissent.
- Qui gouverne l'économie ? - Yves Surel p. 43-60 La question du gouvernement ou de la régulation de l'économie et du système financier se pose avec une réelle acuité depuis que les crises bancaires, financières et celle des dettes souveraines ont débuté. La remise en perspective historique et comparative permet de montrer que l'économie, longtemps pilotée de façon principale par les États, est désormais gouvernée par un ensemble toujours plus nombreux d'acteurs publics et privés placés à différents niveaux de gouvernement. Administrations, firmes, groupes d'intérêt, think tanks élaborent ainsi des régulations complexes et évolutives dans un cadre faiblement institutionnalisé, qui donne parfois le sentiment d'un auto-gouvernement chaotique et dépolitisé. La question de la régulation de l'économie est de ce point de vue aussi celle, plus générale, de la place de l'État et du gouvernement des sociétés contemporaines.
- La marge de manoeuvre des États. Des démocraties sans souveraineté ? - Jean-Paul Fitoussi p. 61-70 Les gouvernements ont-ils encore des marges de manoeuvre ? Cette question ne peut que comporter une réponse positive. Les gouvernements n'ont-ils pas sauvé les marchés financiers d'une faillite annoncée en 2008 ? C'est donc de l'Europe qu'il s'agit : les pays membres de la zone euro se retrouvent dans la situation d'États fédérés orphelins d'un État fédéral. Il en résulte un déficit de puissance, reflet du déficit démocratique de l'Europe : d'un côté, une légitimité sans instruments, celle des États « fédérés », de l'autre, des instruments dont l'usage est limité par des traités internationaux. C'est donc d'une politique de l'impuissance plutôt que d'une impuissance du politique qu'il s'agit.
- La marge de manoeuvre des États. La dictature des marchés ? - Denis Kessler p. 71-91 La crise des dettes souveraines qui s'est aiguisée au cours de ces dernières années a fait réapparaître le thème de la dictature des marchés. Derrière celui-ci se cache une longue liste de reproches : les marchés auraient pour seul objectif la spéculation, ils seraient myopes et court-termistes, ils fonderaient leurs décisions sur la base de notations émises par des agences irresponsables et ils exerceraient une pression inadmissible sur les pays emprunteurs. En un mot, ils bafoueraient la démocratie. La plupart de ces critiques ne résistent pas à l'analyse. Elles découlent largement du besoin des gouvernements de désigner un bouc émissaire face à la réticence des citoyens à accepter des efforts. Ceux-ci paraissent d'autant plus injustes à l'opinion publique qu'ils visent à rembourser des dettes dont les citoyens ne se sentent pas individuellement responsables. Il n'en demeure pas moins vrai que, en menant des politiques budgétaires insoutenables, les États se sont eux-mêmes placés dans une situation de dépendance vis-à-vis des marchés conduisant à certains égards à une situation d'inversion de la tutelle.
- Pays en développement : les enjeux d'une « grande transformation » - Pierre Jacquet p. 93-105 La crise de 2007-2009, puis la crise de la dette de la zone euro amplifient le basculement déjà engagé du centre de gravité de l'économie mondiale vers les grands pays émergents. Le dynamisme et la croissance semblent aujourd'hui du côté des pays en développement, dont l'hétérogénéité est cependant très marquée. Chaque groupe fait face à des problématiques qui lui sont propres. Plutôt que chercher à inclure les pays en développement dans l'architecture actuelle de la mondialisation, les pays industrialisés doivent être prêts à négocier avec eux les contours d'une nouvelle gouvernance, davantage adaptée à ce renversement de situation et à la défense de biens publics mondiaux essentiels. Ils disposent pour cela d'un instrument, l'aide au développement, qui une fois modernisé peut jeter les bases d'une véritable politique publique mondiale.
- Les conséquences internes de la crise économique - Pere Vilanova p. 107-117 La crise économique et financière internationale s'est installée dans le temps, sa durée est imprévisible, et surtout, règne une grande incertitude en ce qui concerne le monde « du jour d'après ». L'enjeu de fond semble être la nature du changement du rapport entre la société et la politique, les formes de représentation des intérêts sociaux, les nouveaux clivages qui divisent nos sociétés et ne répondent plus à l'idée traditionnelle de « luttes de classe ». Un des grands dangers, à l'heure actuelle, est celui de la croissante fragmentation des « champs et modes de réaction » des différents groupes sociaux. Ou bien la politique revient, ou on n'a plus rien à dire, sinon subir le diktat systémique des marchés.
- Jalons pour une histoire des États face à la contrainte économique - Bernard Gazier p. 5-19
Chroniques
- Audiovisuel et pluralisme politique : De quelques pérégrinations du CSA entre réalisme et idéalisme - Boris Barraud p. 119-130
- Repères étrangers : (1er janvier - 31 mars 2012) - Pierre Astié, Dominique Breillat, Céline Lageot p. 131-144
- Chronique constitutionnelle française : (1er janvier - 10 mai 2012) - Pierre Avril, Jean Gicquel p. 145-181