Contenu du sommaire : Amour toujours ?
Revue | Le Temps des Médias |
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Numéro | no 19, automne 2012 |
Titre du numéro | Amour toujours ? |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier : Amour toujours...
- Présentation - Jamil Dakhlia, Géraldine Poels p. 5-11
- Watteau et Marivaux : deux témoins d'une mutation du sentiment amoureux au XVIIIe siècle - Hélène Duccini p. 12-21 Watteau (1684-1721) et Marivaux (1688-1763) sont tous deux contemporains et témoins d'une mutation de l'expression du sentiment amoureux au début du XVIIIe siècle. Ils expriment dans leurs oeuvres et avec des moyens différents ces changements. Le « marivaudage » est déjà présent dans les « fêtes galantes », nouveau genre, qui prend sa place dans la série de ceux reconnus par l'Académie de peinture, avec la réception de L'Embarquement pour Cythère que Watteau présente en 1718. Dans ses deux versions (celle du Louvre, puis celle de Berlin) du voyage vers Cythère, l'île qui a vu naître Vénus des flots de la mer, Watteau traduit les étapes du sentiment amoureux qui commence par des aveux chuchotés, puis s'épanouit dans une déclaration avant de permettre aux couples ainsi formés de prendre le large vers Cythère. Le théâtre de Marivaux est lui aussi marqué par cette forme nouvelle de l'expression du sentiment amoureux, plus personnel, plus respectueux du partenaire ou de la partenaire. Dans la conquête de la liberté propre au XVIIIe siècle, le choix du conjoint devient l'apanage des futurs mariés et leur sentiment finit par l'emporter sur les intérêts matériels des familles et le souci des lignages. Les pères ont leur mot à dire, mais les enfants ont le droit d'avoir eux-mêmes leur préférence. Le peintre et l'homme de théâtre, témoins de cette évolution, lui donnent une expression nouvelle dans des paysages mélancoliques et, au théâtre, dans les dialogues des « Jeux de l'Amour et du hasard ».
- Un couple épatant : l'auteur de la Nouvelle Vague et le censeur du cinéma - Frédéric Hervé p. 22-36 Entre 1956 et 1966, les rapports entre la Nouvelle Vague cinématographique et la censure ont été hautement conflictuels. Or les auteurs de la Nouvelle Vague ont proposé des représentations du couple et de l'amour dont on veut définir et mesurer le caractère transgressif. Pour cela, on confronte ici le contenu d'une sélection de films au discours par lequel les censeurs ont justifié les restrictions imposées à ces oeuvres. Cette analyse discursive et filmique est complétée par une évaluation statistique du phénomène. Il apparaît qu'un contentieux relatif aux nouvelles représentations de l'amour a bel est bien existé mais que l'antagonisme censeur ? auteur doit néanmoins être relativisé.
- Le continuum des représentations sexuelles dans le film « 10 » (1979) de Blake Edwards : du baiser amoureux au sexe explicite pour le plaisir - Verushka Lieutenant-Duval p. 37-49 L'étude de la représentation de la sexualité dans le film « 10 » (1979) de Blake Edwards fait apparaître un lien entre la présence et l'absence de l'amour romantique et la construction d'un sexe cinématographique plus ou moins vertueux. Nous voyons comment la sexualité à l'écran est organisée entre deux pôles qui opposent le « bon » sexe (celui qui se résume au baiser et où il y a présence d'amour) au « mauvais » sexe (celui qui est explicite et seulement pour le plaisir).
- Dix heures et demie du soir à la radio : l'amour sur les ondes - Christophe Deleu p. 50-65 Est-il possible de parler d'amour à la radio ? À l'époque d'Internet, marqué par l'imbrication de la sphère privée et de la sphère publique, on pourrait présupposer qu'il n'existe plus de limite à la liberté d'expression dans les médias. Nous voudrions au contraire montrer que notre paysage radiophonique reste très surveillé. Et que ce sont les sujets d'ordre sexuel qui sont les plus encadrés, et qui suscitent le plus de controverses. Pour cela, nous montrons dans quel contexte socioculturel les thématiques relatives à la sexualité sont apparues à la radio, et comment les pouvoirs publics ont été amenés à réguler la liberté d'expression (rôle dévolu aujourd'hui au Conseil supérieur de l'audiovisuel). Retracer l'émergence de la sexualité à la radio et étudier les décisions du CSA en matière de liberté d'expression permet de dessiner la frontière, aux contours parfois flous, entre ce qui dicible à la radio et ce qui est encore considéré comme attentatoire à l'ordre public.
- « Écris-moi et tu te diras qui tu es » : les sites de rencontre comme lieux de réenchantement de soi - Olivier Zerbib p. 66-86 Les sites de rencontre ont ceci d'intéressant qu'ils mettent en interrelations des individus par le biais de dispositifs normalisés, normés et rationalisés, tout en autorisant paradoxalement l'expression de formes de créativité dans la mise en scène d'eux-mêmes et dans les échanges avec autrui. En effet, ils donnent d'abord l'occasion d'observer les façons dont les individus asservissent ces dispositifs afin de communiquer une image d'eux-mêmes la plus favorable possible (il s'agit de séduire). Ils autorisent également l'analyse des voies par lesquelles ces actes de communication leurs fournissent l'occasion d'entamer un travail sur soi d'autant plus performatif que ce dernier se trouve médiatisé et inscrit dans le cadre de sociabilités tour à tour distantes et intimes. À l'image du personnage d'Oscar Wilde, Dorian Gray, dont les actes se trouvent influencés par le portrait qu'il contribue lui-même à dessiner, les utilisateurs des sites de rencontre produisent des récits d'eux-mêmes qui peuvent devenir performatifs par leur inscription au coeur de sociabilités électroniques. En apparence frustres et orientés vers la réduction des sentiments individuels à de pures logiques rationnelles et utilitaristes, les sites de rencontre autorisent au contraire le développement de formes de réflexivité inédites, bien loin de se borner aux logiques d'actions pratiques et conventionnelles sur lesquelles insistent pourtant la plupart des analyses qui en sont faites. En cherchant l'amour, les internautes en viennent à réfléchir non seulement à ce qu'ils sont et à celui ou celle qu'ils recherchent, mais encore aux ressources dont ils disposent pour exprimer leurs sentiments amoureux.
- Romances en séries, amour toujours et marketing - Magali Bigey p. 87-100 Les romances apparaissent comme un pur objet de consommation, élaboré, pensé, construit et consommé comme tel. Depuis des décennies, elles répondent à une recette qui fonctionne, reprenant un schéma narratif spécifique, une histoire contemporaine, mais surtout, elles font montre de stratégies marketing qui ont fait leurs preuves. L'objet de cet article est de montrer comment le lectorat anticipe ces lectures, comment il les lit, puis nous verrons quelles sont les stratégies mises en oeuvre par les différents éditeurs, avec les évolutions diachroniques et les éléments identificateurs du genre.
- La Chick lit : romance du XXIe siècle ? - Françoise Hache-Bissette p. 101-115 La Chick lit, écrite par des femmes, pour des femmes et sur des femmes, est apparue dans la presse vers le milieu des années 90, sous forme de chroniques avant de se décliner en livre. Ses auteurs revendiquent l'héritage de Jane Austen, tandis que ses détracteurs dénoncent une écriture formatée, et voient une filiation avec le roman rose des éditions Harlequin. Le marketing de la Chick lit s'inscrit dans une stratégie de multimédiatisation. Cette littérature, souvent qualifiée de post-féministe, est très critiquée par les féministes pour sa superficialité et les stéréotypes qu'elle véhicule. Les lectrices s'identifient pourtant à ces anti-héroïnes célibattantes à la recherche de l'amour de leur vie. La Chick lit s'inspirent des évolutions récentes de la société et des rapports amoureux et en dressent une satire divertissante.
- L'« exotisme de la proximité » : l'amour à l'épreuve du monde agricole et du couple - Anne-Sophie Béliard, Nelly Quemener p. 116-129 L'émission « L'amour est dans le pré » propose depuis six ans une plateforme de rencontre amoureuse pour des agriculteurs et agricultrices célibataires. Elle présente la spécificité d'entremêler des relations amoureuses à la mise en scène d'un monde jusqu'alors inexploité par la télé-réalité, le milieu agricole. Cette confrontation produit des effets de distanciation et de proximité, tant par rapport aux représentations de l'amour montrées qu'au milieu agricole, que nous proposons d'analyser.
- Le courrier des lecteurs et des lectrices d'Union : scripts culturels de l'amour sexuel - Béatrice Damian-Gaillard p. 130-144 Adaptation du magazine anglais Forum, le mensuel Union, lancé en 1972 par le groupe de presse Hachette Filipacchi, se caractérise par la diffusion de productions d'amateurs issus du lectorat et par une définition libertine de la sexualité. Cet article propose donc d'analyser les représentations de l'amour sexuel telles qu'elles sont mises en scène dans le courrier des lecteurs et des lectrices d'Union, en lien avec son positionnement dans le secteur de la presse pornographique. L'analyse d'un corpus de lettres publiées en 2011 s'inspire de la théorie des scripts culturels et des études sociologiques sur la sexualité. D'un point de vue méthodologique, elle s'appuie, dans un premier temps, sur une étude quantitative qui débouche sur une cartographie des histoires d'amour représentées. Elle se prolonge, dans un second temps, par une analyse qualitative des modalités d'expression de la sexualité.
- La représentation du couple dans le magazine féminin Amina : une vision androcentrique - Virginie Sassoon p. 145-158 Cet article s'intéresse à la représentation du couple véhiculée par le magazine Amina, dont la particularité est de s'adresser aux femmes noires. Édité en France, le magazine est distribué en Afrique francophone, aux Antilles et en Europe. Notre analyse se fonde sur l'étude de l'intégralité des numéros parus entre 2007 et 2009 et convoque également le point de vue des producteurs du magazine. Si Amina valorise en premier lieu la réussite professionnelle, nous allons montrer que les normes qui imprègnent les contenus relatifs à la sphère de l'intime sont, sous couvert de neutralité, emprunts d'une idéologie patriarcale.
- Du romantisme à la relation pure ? Les amours des héroïnes de séries américaines depuis 1950 - Céline Morin p. 159-171 Les séries télévisées américaines ont dès les années 1950 problématisé les articulations entre modèles amoureux et vagues d'émancipation des femmes. Cet article, centré sur les amours des héroïnes, propose un découpage en trois temps de l'histoire de ces séries, qui tend à montrer que si le romantisme continue de sous-tendre les pratiques, il se trouve confronté à la dissymétrie qu'il provoque entre hommes et femmes et perd du terrain face à la « relation pure », nouvel idéal relationnel. Les femmes au foyer des années 1950 sont soumises à l'insatisfaction de leur condition et laissent transparaître les premiers échecs de l'amour romantique, alors que, deux décennies plus tard, au milieu des années 1990, les working girls célibataires, égéries de l'après-féminisme, constituent l'amour en une menace à leur indépendance et à leur épanouissement. Enfin la récente vague de quadragénaires, veuves ou divorcées, tente de dépasser la contradiction entre indépendance et amour, en pratiquant réellement la « relation pure ».
- Histoire(s) de la médiatisation de l'amour chez les écrivaines françaises contemporaines - Virginie Sauzon p. 172-186 À en croire certains discours désabusés, les relations amoureuses se trouveraient aujourd'hui irrémédiablement dégradées par divers changements sociaux récents, parmi lesquels l'exacerbation de nos désirs individualistes et la trop grande importance accordée à la sexualité. Cet article se propose de montrer que le désenchantement, particulièrement souligné (car politisé) chez plusieurs écrivaines contemporaines, vient moins d'un changement fondamental du rapport intime que de la permanence de discours amoureux normatifs. Ces auteures jouent en effet d'une intertextualité engagée, en mettant en scène différentes médiatisations possibles de l'amour pour mieux en montrer, contexte féministe à l'appui, l'enjeu idéologique : confiner encore et toujours les femmes amoureuses à un rôle hétéro-normatif, romantique et respectable.
Territoires d'études
- Le corps sportif dans la presse illustrée pour la jeunesse. L'exemple de la série dessinée Jean-Jacques Ardent Athlète dans le journal Junior (1938-1939) - Sébastien Laffage-Cosnier, Christian Vivier, Jean-François Loudcher p. 187-204 En 1936, la Société Parisienne d'Édition lance le journal hebdomadaire de jeunesse Junior pour rivaliser avec l'arrivée des Comics. C'est dans ce contexte de bouleversement de l'édition des illustrés que Pellos (célèbre dessinateur de presse sportive) crée tous les épisodes de Jean-Jacques Ardent dans Junior de 1938 à 1939. Les aventures sportives de Jean-Jacques Ardent Athlète constituent un corpus de 58 planches de bandes dessinées à travers lesquelles le processus créatif du dessinateur consiste à convoquer des mythologies et à mettre en scène le corps athlétique du jeune Ardent idéalisé et façonné à « l'Ecole de la Vie » d'un « sport pur et loyal ». Le jeune lecteur est ainsi invité à devenir un homme par le sport. Plus encore, loin de prôner le retour à une tradition gymnique qu'il juge dépassée, Pellos, en ancien sportif, invite son lectorat à entrer dans l'univers le plus à même de fabriquer un homme idéal à travers une forme assez utopique du sport.
- La Commission arbitrale, l'invention du paritarisme dans le journalisme - Denis Ruellan, Joël Langonné p. 205-219
- Le corps sportif dans la presse illustrée pour la jeunesse. L'exemple de la série dessinée Jean-Jacques Ardent Athlète dans le journal Junior (1938-1939) - Sébastien Laffage-Cosnier, Christian Vivier, Jean-François Loudcher p. 187-204
Entretiens
- Le minitel rose : du flirt électronique... et plus, si affinités : Entretien avec Josiane Jouët - Jamil Dakhlia, Géraldine Poels p. 221-228
Recherche-actualités
- Positions de thèses - Jamil Dakhlia p. 229-239
- Colloque - Sébastien Soulier p. 240-241
- Journée d'étude - Florence Le Cam p. 242-243
Parutions
- Parutions - p. 245-254
Medianet
- Medianet - p. 255-258
Le point sur...
- Et le Web devint archive : enjeux et défis - Claude Mussou p. 259-266
- La valorisation du fonds photographique Hans Steiner (1907-1962) : les enjeux d'un partenariat institutionnel, scientifique et médiatique - Philippe Kaenel, François Vallotton p. 267-278 Le photoreporter Hans Steiner (1907-1962) a récemment fait l'objet d'une exposition itinérante et d'une publication de référence, issues d'un partenariat entre l'Université de Lausanne et le Musée de l'Elysée (Lausanne) qui possède plus de 100 000 oeuvres de Steiner (tirages d'époque, négatifs, diapositives ainsi que 7 500 planches cartonnées thématiques...). Le tout a été mis en ligne et complété par le dépouillement de plus d'un millier de reportages dans la presse illustrée helvétique. Ce corpus numérisé contribue à la relecture et à la « réimagination » de l'histoire sociale, politique et culturelle de la Suisse entre 1930 et 1960. Il permet de suivre le parcours de la photographie, du négatif à l'imprimé. Le terme de « redécouverte » a été associé avec récurrence à ce projet de valorisation de l'oeuvre photographique de Steiner. Mais comment juger de la « valeur » d'un photographe très présent en son temps et « oublié » par l'historiographie ? Comment opérer une révision sans tomber dans le révisionnisme ? Tout travail de recherche académique produit une plus-value, surtout lorsqu'il est associé à une plateforme muséale et électronique...
Chronique passé-présent
- L'amour au tribunal - Anne-Claude Ambroise-Rendu p. 279-283