Contenu du sommaire : Jean-Marcel Jeanneney à l'OFCE
Revue | Revue de l'OFCE (Observations et diagnostics économiques) |
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Numéro | no 121, avril 2012 |
Titre du numéro | Jean-Marcel Jeanneney à l'OFCE |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Jean-Marcel Jeanneney ou le libéralisme intellectuel - Jean-Paul Fitoussi, Éloi Laurent p. 7-22
- La crise de la science économique française - p. 23-28
Vouloir le débat public en économie : l'OFCE, l'analyse et la politique économique
- La création de l'OFCE - p. 31-35
- Présentation de la revue - p. 37-39
- Janvier 1985 : l'OFCE a quatre ans - Jean-Marcel Jeanneney p. 41-48
- Relancer sans déraper - p. 49-61 Les politiques actuellement menées pour lutter contre le chômage et l'inflation s'inspirent de deux conceptions opposées: l'une ne fait confiance qu'aux mécanismes de la concurrence libérée de la plupart de ses entraves, l'autre affirme la nécessité d'en corriger les effets par de constantes interventions de l'État. La politique française actuelle, inspirée de cette seconde thèse, entend relancer l'investissement. Elle implique qu'on réduise des incertitudes paralysantes. Elle peut aussi utilement accroître le pouvoir d'achat des consommateurs et des entreprises dans la mesure où des capacités de production importantes sont inutilisées. Mais si les créations monétaires ne sont pas prudemment dosées, elles risquent d'accélérer la hausse des prix et de creuser le déficit de la balance des comptes. On ne peut desserrer cette contrainte extérieure qu'en accroissant, par une action de longue haleine, l'autonomie économique de la France et en persuadant les autres membres de la CEE de promouvoir des reprises simultanées de leur croissance économique. Quoique l'on fasse, la rapidité des progrès techniques imposera des mutations rapides. Il importe d'obtenir l'adhésion des Français aux changements inéluctables.
- L'inadéquation actuelle des politiques keynésiennes - p. 63-71 Actuellement on ne peut plus utiliser un accroissement de la demande globale comme principal remède pour lutter contre le chômage ou sa contraction pour combattre l'inflation. L'intégration internationale des économies fait que toute politique isolée de relance risque de provoquer un grave déficit de la balance commerciale et d'insupportables exportations de capitaux. Les endettements publics et privés sont devenus tels qu'ils ne peuvent plus guère être accrus. Les appareils productifs répondent mal aux demandes nouvelles et les anticipations des agents économiques contribuent à faire que les politiques keynésiennes d'expansion manquent leur but. Inversement une forte contraction de la demande ne va pas sans grands dégâts. Tout en étant attentifs aux variations de la demande globale pour les modérer, les gouvernements doivent d'une part mener des politiques de revenus pour agir directement sur les coûts et d'autre part stimuler et faciliter les initiatives propres à accroître des offres adaptées aux mutations rapides des techniques et des besoins.
- Le marché et l'État - p. 73-82 Dans C'était la Gaulle Alain Peyrefitte rapporte ce propos qui lui fut tenu en tête à tête par le Général le 12 décembre 1962, après le Conseil des ministres : « Le marché, Peyrefitte, il a du bon. Il oblige les gens à se dégourdir, il donne une prime aux meilleurs, il encourage à dépasser les autres et à se dépasser soi-même. Mais, en même temps, il fabrique des injustices, il installe des monopoles, il favorise les tricheurs. Alors, ne soyez pas aveugle en face du marché. Il ne faut pas s'imaginer qu'il règlera tout seul tous les problèmes. Le marché n'est pas au-dessus de la nation et de l'État. C'est la nation, c'est l'État qui doivent surplomber le marché. Si le marché régnait en maître, ce sont les Américains qui règneraient en maître sur lui ; ce sont les multinationales, qui ne sont pas plus multinationales que l'OTAN. Tout ça n'est qu'un simple camouflage de l'hégémonie américaine. Si nous suivions le marché les yeux fermés, nous nous ferions coloniser par les Américains. Nous n'existerions plus nous Européens »1.
- Du bon usage des modèles - p. 83-94 Le mérite des modèles économétriques est d'expliciter les interdépendances, d'en mesurer quantitativement les effets et de permettre ainsi de réaliser des projections ou de tracer des perspectives, sinon de formuler de véritables prévisions. Ils permettent en outre des analyses rétrospectives riches d'enseignements. Il faut toutefois avoir conscience de leurs limites. Le passé le plus récent, point de départ de leurs projections, est souvent mal connu. L'introduction nécessaire de données exogènes restreint le champ de leur valeur explicative et rend incertain l'avenir qu'ils décrivent. Les relations sur lesquelles ils sont fondés ne prennent qu'imparfaitement en compte des changements structurels susceptibles d'agir, lentement le plus souvent, mais parfois avec brusquerie, sur la marche des affaires. Considérant certains facteurs actuellement favorables, on est en droit de penser que la croissance pourrait être plus vive prochainement qu'il n'est indiqué par les modèles. Des risques d'accidents existent cependant.
Une mémoire au service de la prospective
- Quels lendemains à une conjoncture extérieure sans précédent ? : Des références historiques au service d'une prospective - p. 97-129 La concomitance des baisses récentes des prix des matières premières, de celui du pétrole et du cours du dollar est sans précédent, tout au moins en période de croissance économique. Un inventaire des périodes où de telles baisses ont eu lieu, remontant jusqu'en 1860, le montre. La conjoncture actuelle est donc une anomalie. Ses effets bénéfiques à l'économie française seront-ils éphémères ou bien ouvrent-ils la voie, grâce à des niveaux de prix durablement plus favorables, à une nouvelle ère d'expansion économique ? Les tendances séculaires des prix réels des matières premières et du pétrole sont à la baisse, mais avec d'amples fluctuations. Actuellement les prix des matières premières sont très au-dessous de la tendance et celui du pétrole très au-dessus. Une analyse des facteurs qui permettent d'expliquer les variations de prix réels ? progrès techniques, liquidités monétaires mondiales, ententes entre producteurs, nature de la croissance incorporant plus ou moins de matières premières et d'énergie ? conduit à penser que les prix des matières premières, même s'ils se relèvent, ne rejoindront probablement pas la ligne de tendance et que celui du pétrole, qui, descendu à 15 $ le baril, est encore élevé, ne remontera pas autant qu'on le pense communément. Cela devrait permettre une croissance plus forte des économies développées, mais à condition qu'un certain ordre économique mondial soit instauré par une coopération internationale et que les PVD producteurs de matières premières ne comptent plus sur des exportations accrues de celles-ci comme base de leur développement. Faute de quoi l'avenir serait sombre.
- Les prix récents des matières premières et du pétrole - p. 131-134 Les indices disponibles depuis la parution en juillet de l'article intitulé « Quels lendemains à une conjoncture extérieure sans précédent ? » confirment l'anomalie d'une baisse du dollar ne provoquant pas encore de hausse sensible des prix en dollars des matières premières et du pétrole.
- Relations historiques entre l'intensité des commerces extérieurs et la croissance des produits nationaux - p. 135-146 Une étude historique des variations de l'intensité des commerces extérieurs et de celles des taux de croissance des produits nationaux, menée sur un siècle et demi en France, au Royaume-Uni, aux États-Unis et sur les trente dernières années en d'autres pays européens, montre la complexité des relations entre les deux phénomènes. L'intensification du commerce extérieur tantôt stimule la croissance et tantôt la compromet. Son déclin coïncide souvent avec une stagnation ou une réduction des productions, qui peut être cause ou conséquence, selon les cas ; mais parfois aussi il accompagne un remarquable développement de l'économie nationale. Cela invite à remettre en cause les théories classiques des effets de la division internationale du travail.
- Monnaie et mécanismes monétaires en France de 1878 à 1939 - p. 147-203 Pendant les années 1878 à 1938 la France a expérimenté les principaux systèmes monétaires possibles. Cela permet d'apprécier le degré d'efficacité des mécanismes régulateurs qu'ils mettent en jeu, ainsi que leurs effets perturbateurs. De 1878 à 1914 le franc a fondé sa valeur sur des pièces d'or, qui circulaient en même temps que des billets convertibles, d'un montant plus élevé. Grâce à ce système une parfaite fixité des cours du change du franc en les autres monnaie-or fut assurée et, grâce aussi à quelques facteurs fortuits, une remarquable stabilité du coût de la vie fut obtenue. Les liquidités furent toujours adaptées aux exigences des affaires. Certes les excédents de la balance des paiements courants furent excessifs, aux dépens de la croissance, mais la responsabilité en incombe à des facteurs sociologiques. De 1914 à 1928 le franc fut une monnaie de papier, abstraite. De 1919 à 1926 son pouvoir d'achat s'amenuisa, davantage à cause de dépréciations spéculatives du cours du change que d'émissions excessives de monnaie. De décembre 1926 à juin 1928 une spéculation à la hausse du franc, qui était stabilisé en fait, provoqua d'amples entrées de capitaux, dont les effets furent inflationnistes. De 1928 à 1936 la convertibilité des billets, à un taux fixe, en lingots d'or, sans circulation de pièces d'or, n'évita pas que la balance des paiements courants soit d'abord largement excédentaire, puis fortement déficitaire. Elle n'empêcha pas une ample modification du cours du franc en livre sterling en 1931 et en dollar en 1933. Elle n'assura pas une stabilité des prix, qui furent d'abord en hausse, puis en baisse, à l'inverse de ce qui advenait dans le même temps à l'étranger. De 1936 à 1938 le franc fut à nouveau un papier monnaie, dont le pouvoir d'achat interne se détériora rapidement et le taux de change bien plus encore. La restauration de mécanismes régulateurs résultant de la circulation de pièces d'or étant aujourd'hui irréalisable, on doit se résigner à l'usage de monnaies abstraites, en dépit de mécomptes récents comme anciens. Pour tenter de doter néanmoins les économies de bonnes monnaies on ne peut plus espérer qu'en l'institution de banques centrales indépendantes des pouvoirs politiques et coopérant étroitement entre elles.
- Aux nostalgiques de l'étalon-or - p. 205-210
- L'économie française pendant la présidence du général de Gaulle - p. 211-236 La croissance de l'économie française avait été rapide de 1949 à 1957, à peu près égale de celle des autres économies occidentales, mais elle était entachée de déséquilibres qui conduisirent à de graves difficultés en 1958. Sur l'ensemble de la période allant de 1958 à 1969 la croissance a été en France supérieure à celle de toutes les autres économies occidentales, à l'exception de l'Allemagne où elle a été légèrement plus forte, et du Japon où elle a été presque double. La formation brute de capital fixe a cru plus vite que partout ailleurs en Europe, sans parvenir cependant à égaler, en pourcentage du PIB, celle de nos principaux concurrents. La hausse des prix de la consommation est demeurée relativement rapide, de 4,2 % l'an en moyenne. La hausse réelle du salaire horaire a été de 3,6 % l'an et la masse réelle des salaires a grossi de 6,3 % par an. Une analyse conjoncturelle conduit à distinguer quatre phases : en 1958 la France a connu une récession sensible ; du début de 1959 au début de 1964 elle bénéficia d'une croissance du PIB marchand de 8,1 % l'an ; du 1er trimestre 1964 au 1er trimestre 1968 cette croissance ne fut plus que de 5,4 % l'an ; de juin 1968 à avril 1969 la France dut s' adapter au choc provoqué par les événements de mai 1968, mais du 1er trimestre 1968 au 1er trimestre 1969 la croissance du PIB marchand fut néanmoins de 4,7 %. Après le départ, à la fin d'avril 1969, du général de Gaulle et jusqu'en 1973 les performances de l'économie française furent encore brillantes, mais de manière aventureuse.
- L'héritage et le poids du passé - p. 237-245
- Quels lendemains à une conjoncture extérieure sans précédent ? : Des références historiques au service d'une prospective - p. 97-129
Écoute le monde qui vient : intégration globale et unification européenne
- Réflexions sur la crise économique mondiale - p. 249-287 Alors que la crise de 1974-1975 avait été ressentie comme un épisode, l'actuelle récession suscite de profondes inquiétudes. Ni la théorie des cycles longs, ni celles d'un état stationnaire, rassurantes à certains égards, ne rendent compte de la situation présente. L'inflation est à la fois salariale et monétaire. Elle n'est guère limitée par les commerces extérieurs ; les changes flottants l'entretiennent par un jeu de cliquet. Le chômage persistant a des causes très diverses, notamment la rapidité des innovations, l'insuffisance de l'auto financement des entreprises, des conditions trop inégales de concurrence internationale, la réduction des investissements et leur changement de nature. Les hausses du prix du pétrole n'ont été qu'un élément accidentel d'aggravation. Les risques de la conjoncture actuelle sont multiples. On peut craindre la poursuite de politiques restrictives de l'activité, l'éventualité d'inflations s'accélérant, une paralysie des initiatives privées, des insatisfactions ruineuses, une crise financière internationale ou un bouleversement trop rapide du commerce mondial. Cependant les chances de notre temps sont grandes : de prodigieux progrès techniques, la fin des illusions sur le collectivisme d'État, une meilleure conscience des problèmes nationaux et de la nécessité d'une coopération internationale.
- À la recherche d'un nouveau système monétaire international - p. 289-293
- Chômage en Europe et commerce mondial - p. 295-303
- Les effets d'une monnaie européenne - p. 305-308
- Oser vite une monnaie commune - p. 309-314
- Pour une monnaie européenne - p. 315-324 Une monnaie européenne est souhaitable, car elle accroîtra la mobilité des facteurs de production entre les pays l'utilisant et elle équilibrera la puissance du dollar et du yen. L'écu ne doit pas être une monnaie parallèle aux monnaies nationales, dont la valeur risquerait d'évoluer différemment, mais s'y substituer et être unique. Il ne sera pas défini par une panier de monnaies, ni par un poids d'or. Sa valeur sera initialement fixée par référence aux monnaies nationales disparaissant. Son cours légal le fera accepter dans tous les paiements. Et il sera admis comme réserve de valeur si la Banque centrale européenne le gère convenablement. Cette Banque devra être indépendante des gouvernements, ne pouvoir faire des prêts aux États et assurer des conditions de crédit à court terme identiques dans tous les pays utilisant sa monnaie. La création de l'écu, en tant que vraie monnaie, est urgente, parce que le SME, malgré ses mérites, a de graves inconvénients, les taux pivots de change étant révisables et le franc se trouvant, en fait, subordonné au mark. L'autre solution, qui consisterait à dévaluer périodiquement le franc, soit au sein du SME, soit en en sortant, serait néfaste pour l'économie française. L'adoption de l'écu impliquerait certes, en apparence, le renoncement à une souveraineté monétaire nationale. Mais celle-ci a toujours été plus ou moins illusoire. Déléguée et partagée au sein d'une institution européenne, elle serait, sous une autre forme, plus réelle.
- Réflexions sur la crise économique mondiale - p. 249-287