Contenu du sommaire : Un revenu pour exister
Revue | Mouvements |
---|---|
Numéro | no 73, printemps 2013 |
Titre du numéro | Un revenu pour exister |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Éditorial
- Un revenu pour exister - Simon Cottin-Marx, Julie Garda, Baptiste Mylondo p. 7-9
Origines philosophiques du revenu universel
- Économie et politique du Revenu Inconditionnel d'Existence : Un hommage à André Gorz - Antonella Corsani p. 11-18
- Penser le revenu garanti avec Thomas Paine - Laurent Geffroy p. 19-22 En 1795, Thomas Paine, inspirateur de la Révolution américaine et député de la Convention française, publie un petit traité stimulant, la Justice agraire, en faveur d'un droit au revenu pour tous les hommes. Ce premier projet de revenu garanti universel et inconditionnel distribué par l'État trouve sa justification dans une critique raisonnée de la propriété privée et du simple droit d'assistance conçu sous la Révolution française. Le projet de Thomas Paine ne demeure pas moins respectueux de l'ordre social établi et contraste, sur ce point, avec la littérature contemporaine sur le droit garanti.
- Pour un revenu social... démonétarisé - Paul Ariès p. 23-27 Le combat pour un revenu social épouse celui pour la gratuité des services publics. La gratuité est bien économiquement, écologiquement, socialement, politiquement, etc. Elle est une façon de susciter le désir et d'inventer une objection de croissance amoureuse du « bien-vivre ».
- Pas de revenu inconditionnel sans revenu maximum acceptable - Michel Lepesant p. 28-35 Droit au travail, efficacité économique, principe de justice, droit de propriété, participation à la création de richesses sont les principales justifications avancées dans les variantes du revenu inconditionnel (RI). Parmi celles-là, lesquelles pourraient convenir pour lier cette « belle revendication » du RI à celle d'un revenu maximum (d'un montant) acceptable (RMA) ? Comment RI et RMA, comme plancher et plafond d'un « espace écologique des revenus », forment-ils les deux conditions nécessaires pour une décroissance des inégalités, au cœur d'une société redevenue « commune », d'une société redéfinie comme « bien commun » ?
Comment financer un revenu pour tous
- Un revenu pour tous, mais à quel montant ? Comment le financer ? : Micro-simulation de l'allocation universelle en France - Marc de Basquiat p. 37-43 Face à l'inéquité du système actuel, l'auteur de l'article présente un système redistributif lisible, réduisant à la fois la pauvreté et les inégalités. Grace à l'adaptation de l'outil de microsimulation développé par Landais, Piketty et Saez1 plusieurs scénarios de mise en place de l'allocation universelle sont présentés avec grande précision2 et nous permettent ainsi de voir les gagnants et les perdants d'une telle politique de redistribution.
- Le financement du revenu social garanti comme revenu primaire : Approche méthodologique - Jean-Marie Monnier, Carlo Vercellone p. 44-53 Les modalités de financement d'un revenu inconditionnel font l'objet de débats parmi les promoteurs de cette idée, mais surtout d'interrogations de la part de ses opposants ou des curieux. Il est donc nécessaire de définir les contours possibles du financement d'une telle mesure. Jean-Marie Monnier et Carlo Vercellone en proposent une version, décrivant la réforme fiscale qui permettrait de financer un revenu social garanti de 800 euros conçu comme un véritable revenu primaire.
- Considérer ensemble revenu inconditionnel et monnaie locale - Michel Lepesant p. 54-59 Le versement d'une part du revenu inconditionnel (RI) en monnaie locale complémentaire (MLC) suffit-il à éviter les pièges de la monétarisation et de la désocialisation que courrait le RI ? Peut-être, à condition de ne pas tomber dans le piège symétrique d'une illimitation de la gratuité, à condition de ne pas jeter le bébé de la monnaie avec l'eau de l'argent. À condition de cadrer toute démarche de transformation sociale dans un espace écologique (défini par un plancher et un plafond). Ce qui est le cas pour le RI (qui est le plancher d'un espace écologique des revenus dont le plafond est le revenu maximum acceptable) ; ce qui est le cas pour une MLC qui s'inscrit entre le plancher du gratuit et le plafond de la chrématistique. À ces conditions, RI et MLC se renforceraient mutuellement : le versement d'une part du RI en MLC permettrait immédiatement à un projet de MLC d'atteindre la taille critique et transférerait au RI toutes les dimensions éthiques d'une MLC.
- Le salaire universel : un déjà-là considérable à généraliser - Bernard Friot p. 60-69 Le travail est aujourd'hui au rouet là où on ne sh'y attendait guère : dans les pays capitalistes développés. C'est que sa convention capitaliste y donne toute sa mesure mortifère. Mais elle est aussi – et c'est l'objet de cet article – controversée par une autre convention, salariale, conquise au XXe siècle en Europe occidentale. Cette convention repose sur la qualification personnelle, le salaire à vie qui lui est lié et sur la cotisation qui finance le long terme sans appel à l'épargne. Généraliser ces prémices d'un salaire universel, c'est-à-dire pour tous (reconnaissant à vie que chacun est qualifié) et pour tout (finançant l'investissement par sa partie socialisée dans une cotisation économique) est bien plus émancipateur – et plus réaliste, puisque le déjà-là est considérable - que mettre en place un revenu de base.
- Un revenu pour tous, mais à quel montant ? Comment le financer ? : Micro-simulation de l'allocation universelle en France - Marc de Basquiat p. 37-43
La convergence des luttes
- « Un emploi, sinon un revenu garanti et décent » : Entretien avec Marc Desplats du Mouvement national des chômeurs et précaires - Simon Cottin-Marx, Vincent Bourdeau p. 71-78 Dans le cadre du dossier sur le revenu d'existence, nous avons voulu questionner le Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP) sur sa position originale vis-à-vis de cet outil, son adaptation à la situation des chômeurs et des précaires. L'appropriation par le MNCP du « revenu d'existence » manifeste une fois de plus la malléabilité et la multiplicité des usages du revenu d'existence.
- Le revenu universel : outil de lutte féministe ? - Samira Ouardi p. 79-82 D'un point de vue féministe, et plus spécifiquement d'un point de vue féministe matérialiste, la revendication d'un revenu garanti, dissocié de l'emploi, qu'il s'agisse d'un « revenu universel », d'un « revenu d'existence » ou d'un « revenu de citoyenneté », pose autant de problèmes qu'elle ouvre de perspectives. Le travail tient une place aussi centrale que complexe dans l'histoire de la lutte des femmes pour leur émancipation.
- Le revenu universel : une véritable perspective inclusive pour les personnes en situation de handicap - Patrick Presse p. 83-90 La loi du 11 février 2005 initie le principe de l'inclusion des personnes en situation de handicap. L'école, la formation et le travail ont l'obligation de mettre en œuvre les modalités d'accueil des personnes vivant avec des particularités. Pour autant, nombre de résistances existent encore, presque huit années plus tard, autant dans les esprits que dans les actes.
- Reconnaître le travail étudiant par le salaire ? : La revendication de l'allocation d'études - Emmanuel Porte p. 91-96 « L'étudiant est un jeune travailleur intellectuel ». Cette affirmation, formulée par certains militants de l'UNEF dans l'immédiate après-guerre, questionne le statut des études au regard du salariat et invite à appréhender le droit au salaire autrement que comme la contrepartie d'un travail subordonné. Elle pose autant la question de la reconnaissance de la productivité - actuelle et à venir - de l'étudiant que celle de son rôle social dans l'élévation du niveau de connaissance et de qualification globale de la société. Éclairant les débats contemporains sur le dépassement du rapport actuel à l'emploi, le retour sur la revendication de l'allocation d'étude de cette époque, nous permet de questionner les frontières du salariat et les conditions sociales et politiques de son évolution.
- Les intermittents du spectacle : Le revenu inconditionnel au regard d'une expérience de socialisation du salaire - Mathieu Grégoire p. 97-104 Le régime des intermittents du spectacle constitue une expérience historique de socialisation massive des salaires. Même si le régime d'indemnisation des intermittents et la revendication de revenu inconditionnel/universel présentent de nombreuses différences de nature, l'expérience historique du premier permet d'éclairer et d'interroger les potentialités et les apories de la seconde. Les mécanismes de socialisation du salaire au fondement du régime des intermittents subvertissent profondément l'ordre salarial ordinaire. Pour autant, le salariat, comme rapport social, a constitué la condition économique, historique et sociale de cette dynamique d'émancipation.
- « Un emploi, sinon un revenu garanti et décent » : Entretien avec Marc Desplats du Mouvement national des chômeurs et précaires - Simon Cottin-Marx, Vincent Bourdeau p. 71-78
La fin du salariat ?
- Le travail, sa valeur et la gauche - Denis Vicherat p. 105-110 Travail, valeur travail, gauche : trois notions apparemment simples, mais qui font l'objet de controverses et d'interprétations variables, surtout lorsqu'on les juxtapose. Commençons donc par définir, en acceptant une part de convention, ce que nous entendons par ces trois termes.
- Quels droits pour un plein accès à la citoyenneté ? : Entretien avec Robert Castel - Simon Cottin-Marx, Baptiste Mylondo p. 111-121 La controverse est portée à gauche : face à la dégradation des régulations du travail, la montée de la précarité, le revenu universel est-il une solution ? Le sociologue présente le « travail » comme le terrain des conquêtes sociales passées et à venir, mais aussi comme un élément central et nécessaire pour la réalisation de la dignité des individus. Sceptique face à la proposition de garantir l'autonomie des individus en déconnectant le revenu de l'emploi, Robert Castel propose une stratégie qu'il souhaite réaliste et collective, sur le terrain du travail, de conquête de nouveaux droits pour garantir un accès entier à la citoyenneté.
- Activation de la protection sociale : un droit à revenu universel de type nouveau ? - Chantal Nicole-Drancourt p. 122-129 La peur du paupérisme réactualise la question de la mise en place d'un revenu universel et alimente une critique sévère des dispositifs dits « activés » de la protection sociale. Ces dispositifs sont pourtant très innovants car ils permettent d'articuler emploi et protection sociale.Quelle est la place du revenu universel dans le paysage de ces dispositifs de protection ? Comment relier ce projet aux défis de reconnaissance des autres activités sociales ?
- Allocation universelle et économie solidaire : une alliance au nom de la démocratie - Éric Dacheux, Daniel Goujon p. 130-137 L'économie solidaire est un mouvement citoyen visant à démocratiser l'économie, c'est-à-dire à favoriser l'autonomie et la participation, tant au sein des entreprises que dans l'espace public. Dans ce cadre, il est évident que la question du dépassement du travail salarié, mode de subordination à une autorité économique non choisie, est une question centrale. C'est cette question que nous nous proposons d'aborder ici en montrant qu'une alliance entre économie solidaire et revenu d'existence est nécessaire.
- Des « coopératives municipales » pour des travailleurs « autonomes » - Jean Zin p. 138-144 Toutes les versions du revenu garanti ne se valent pas, exprimant au contraire toute une gamme de projets différents. On ne peut donner un sens à un dispositif isolé que si on lui fait jouer un rôle dans l'organisation sociale. Ce qui peut aller, pour un revenu garanti, de la simple mesure sociale, d'un palliatif au marché du travail assurant juste une consommation minimum, jusqu'à l'élément d'un nouveau système de production relocalisé qui change la façon de produire en donnant accès au « travail choisi ».
- Expérimentations locales : une voie pragmatique vers la mise en place du revenu universel ? - Stanislas Jourdan p. 145-153 Mises en place en premier lieu dans les années 1970 à des fins de recherche et d'anticipation des effets du revenu de base, les expérimentations sociales sont devenues de véritables opérations d'activisme. En Namibie comme au Brésil, en Inde et ailleurs encore, les activistes ne travaillent plus tant à tester le concept qu'à le faire vivre localement, espérant ainsi convaincre les décideurs de la pertinence de l'idée. Avec un certain succès pour la diffusion de l'idée dans le monde, et parfois même un impact concret sur les politiques gouvernementales.
- Le travail, sa valeur et la gauche - Denis Vicherat p. 105-110
Itinéraire
- « De chacun (volontairement) selon ses capacités à chacun (inconditionnellement) selon ses besoins » : Entretien avec Philippe Van Parijs - Baptiste Mylondo, Simon Cottin-Marx p. 155-174 Philippe Van Parijs, philosophe et économiste belge, est l'une des figures modernes de la promotion de l'allocation universelle qu'il présente comme une voie capitaliste vers un communisme moderne. Dans cet entretien, il brosse le tableau de l'émergence de cette idée, les controverses qu'elle a suscitées et suscite encore autour de la question du travail. Militant, il revient également sur son engagement européen, écologiste, en faveur d'une réappropriation de l'urbain avec pour objectif d'offrir aux générations à venir « une vie meilleure ».
- « De chacun (volontairement) selon ses capacités à chacun (inconditionnellement) selon ses besoins » : Entretien avec Philippe Van Parijs - Baptiste Mylondo, Simon Cottin-Marx p. 155-174
Livres et Thème
- À propos du livre Les rémunérations obscènes, de Philippe Steiner, La Découverte, coll. Zones, 2012 - Manuel Domergue p. 175-177
- À propos du livre Le travail, quelles valeurs ? Idées reçues et propositions, du mouvement Utopia, Éditions Utopia, 2012 - Samuel Michalon, Baptiste Mylondo, Lilian Robin p. 178-180
- Géopolitique de la sensibilité et du savoir. (Dé)colonialité, pensée frontalière et désobéissance épistémologique - Walter Mignolo p. 181-190 À la différence de la démarche postcoloniale issue du monde anglophone, la pensée décoloniale est originaire du tiers monde, dans la diversité de ses histoires locales et de ses époques. Elle met en évidence la dimension raciste et culturellement infériorisante de la domination coloniale et s'ouvre à des modes de vie et de pensée disqualifiés depuis le début de la modernité capitaliste/ coloniale. C'est une pensée « frontalière » qui ne se laisse pas saisir par des territoires étatiques ou des disciplines universitaires constituées. C'est une pensée des frontières mais aussi de leur transgression. La désobéissance épistémique décoloniale, dit Walter Mignolo, est aussi une « déprise » par rapport aux modèles politiques et économiques dominants et de tout projet de « réoccidentalisation » ou de « désoccidentalisation ».