Contenu du sommaire : Les foules et la démocratie
Revue | Mil neuf cent |
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Numéro | no 28, 2010 |
Titre du numéro | Les foules et la démocratie |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Les foules et la démocratie
- Les foules sont de retour : Présentation - Olivier Bosc p. 3-5
- Foule, public, opinion : Introduction - Jacques Julliard p. 7-12 En décrivant l'âge moderne comme l'ère des foules, Gustave Le Bon a été souvent considéré comme le prophète de malheur de la démocratie. En réalité, il fut surtout celui de l'âge totalitaire, tandis que le « public » décrit par Gabriel Tarde est beaucoup plus significatif des temps modernes.Portraying modern area as the age of crowds, Gustave Le Bon has often been regarded as the democracy's prophet of doom. In fact he mainly was the prophet of totalitarian age, while the “public” portrayed by Gabriel Tarde is much more meaningful of modern times.
- Le regard sociologique sur la foule à la fin du XIXe siècle - Vincent Rubio p. 13-33 La dernière décennie du XIXe siècle est le théâtre d'un intérêt particulier pour la foule, en France et en Italie. Certes, le thème est récurrent au cours du siècle et occupait déjà les philosophes antiques. Mais le regard sur la foule à la fin du XIXe siècle a ceci de spécifique qu'il se veut scientifique. À ce titre, il privilégie le point de vue faisant de la foule une abstraction collective, défendant ainsi une position à bien des égards (pré)sociologique. S'y révèlent les paradoxes et contradictions de la sociologique naissante, de l'objet foule et, in fine, des fondements mêmes de notre civilisation.In France and Italy the last decade of the nineteenth century is a place of a particular interest in the crowd. It is a recurrent theme during this century and ancient philosophers were already interested in it. Nevertheless, the perspective on the crowd at the end of the nineteenth century is specific because of its scientific aims. As such, it favors the view making the crowd a collective abstraction and thus defending a position in many respects (pre)sociological. This reveals paradoxes and contradictions of the rising sociology, of the “crowd object”, and ultimately, our civilisation's foundations.
- La foule religieuse de Lourdes chez Zola et Huysmans - Eduardo Cintra Torres p. 35-58 Le roman Lourdes, d'Émile Zola, systématiquement ignoré par les études sur la foule, dresse en 1894 le modèle de la foule pacifique et généreuse ouverte à une « religion nouvelle » de justice et de bonheur, mais également prête à être dirigée par un meneur conservateur. Zola est vraisemblablement le premier grand auteur à étudier la foule sous cet angle, anticipant de la sorte un changement de ton de la part des spécialistes de la foule de la fin du XIXe siècle, notamment Gabriel Tarde et Gustave Le Bon. Ces auteurs se font ainsi l'écho de cette foule si différente de la redoutée foule prolétaire urbaine. L'œuvre littéraire Les foules de Lourdes, de Joris-Karl Huysmans (1906), consolide la notion de foule positive, mais, contrairement à Zola, en l'intégrant dans la religion catholique officielle.The Émile Zola's novel Lourdes is systematically ignored by Crowd's studies and draw up in 1894 the model of the generous and peaceful crowd opened to “a new religion” of justice and happiness, but also willing to be ruled by a conservative leader. Probably Zola is the first great author to study the crowd by anticipating a change of tone from crowd's specialists of the late nineteenth century, especially Gabriel Tarde and Gustave Le Bon. So, these writers become the voice of this very different crowd compared to the dreaded proletarian urban crowd. Unlike Zola, the Joris-Karl Huysmans' literary work Les foules de Lourdes (1906) reinforces the notion of positive crowd by integrating it into the official Catholic religion.
- Le futurisme et l'esthétique de la foule - Claudia Salaris p. 59-82 Le Manifeste du futurisme (1909) de F.T. Marinetti proclame : « Nous chanterons les grandes foules agitées par le travail, le plaisir ou la révolte .» L'art futuriste inclut donc dès le départ l'esthétique de la foule. Lié à la société du grand nombre, le futurisme met l'accent sur le monde des machines, sur les tensions révolutionnaires qui agitent les masses dans les métropoles modernes, sur les courants d'idées nouveaux et les grandes découvertes scientifiques qui ont transformé la sensibilité et la mentalité de l'homme du XXe siècle.The F.
T. Marienetti's Futurist Manifesto (1909) proclaims: “We will sing of the great crowds agitated by work, pleasure and revolt.” So, from the very beginning, futurist art includes crowd's aesthetic. Linked to the society, Futurism is about the machines' world, revolutionary tensions that agitate the masses in modern cities, new trends and great scientific discoveries which transformed the sensitivity and men's mentality of the twentieth century. - Jaurès et la foule - Gilles Candar p. 83-99 Il est difficile d'enfermer Jean Jaurès dans un rapport univoque à la foule. Socialiste parce que républicain d'une certaine manière, il entend constituer la foule en peuple ou en prolétariat conscient, éduqué, organisé et actif. Mais Jaurès est aussi un républicain socialiste héritier ou se considérant comme tel de la Révolution française. Il est attentif aux virtualités d'affranchissement et de rébellion qui s'expriment dans le mouvement des foules entrant en révolution. Il récuse ou veut limiter au maximum la violence, mais il la comprend et l'explique. Surtout, il voit aussi en symétrie la silencieuse et massive violence exercée par les dominants et les institutions. Il cherche donc à saisir et à intégrer de manière positive ce que l'action des foules comporte d'émancipation au sein de la République sociale.It is very difficult to close up Jean Jaurès in an unequivocal relation to the crowd. Socialist because in a certain way he is republican and aims to constitute the crowd into people or into a self-conscious, organized and active proletarian mass. Nevertheless, Jaurès is also a socialist republican heir of the French Revolution or considering himself as such. He is attentive to all possibilities of emancipation and rebellion expressed in the movement of revolutionary crowds. He rejects or wants to minimize violence, but he understands and explains it. Above all, he compares it to the silent and massive violence exerted by the dominants and the institutions. He therefore seeks to understand and to integrate in a positive way the emancipation created by crowds' action within the social Republic.
- Gustave Le Bon, un mythe du XXe siècle ? - Olivier Bosc p. 101-120 Gustave Le Bon (1841-1931) est passé de façon quasi univoque à la postérité comme l'auteur d'un livre et d'un seul : Psychologie des foules. Son succès fut immense. Que faut-il déduire de la réduction à un seul livre d'une œuvre riche, multiple et complexe ? Le Bon fut-il réellement le conseiller technique des dictateurs du XXe siècle ? L'héritage composite de Le Bon n'a-t-il pas été récupéré, accaparé, détourné, et si oui par qui ? La catégorie nouvelle d'alterscience n'est-elle pas, au contraire, capable de resituer cet auteur par-delà le mythe créé autour de sa personne et de ses idées ?In an all but unequivocal way, Gustave Le Bon (1841-1931) has gone down in history as the author of one book: Psychologie des foules. His success was huge. What can be deduced from the reduction to one single book from a rich, wide and complex work? Was really Le Bon the technical adviser of the twentieth century's dictators? Has Le Bon's scattered legacy been used by someone else, monopolized and distorted, and if that is the case, by who? Is the new category of Alter Science, on the contrary, able to restore this author beneath the myth created around his person and ideas?
Documents
- Sorel, lecteur de Le Bon : Huit comptes rendus (1895-1911) - p. 121-154 Gustave Le Bon n'a prêté qu'une attention ponctuelle à Georges Sorel. Ce dernier, au contraire, a eu beaucoup d'estime pour celui dont il suit régulièrement les publications. Il n'en partage pas pour autant toutes les idées. Il récuse en particulier les présupposés à la base de la psychologie des foules.Gustave Le Bon has only paid an occasional attention to Sorel. To the contrary, Georges Sorel had a great respect for Gustave Le Bon whose publications he regularly followed. However he did not share all his ideas. He especially rejected the assumptions underlying the psychology of crowds.
- Sorel, lecteur de Le Bon : Huit comptes rendus (1895-1911) - p. 121-154
Études
- Images mentales et mythe social : Psychologie et politique chez Georges Sorel - >Willy Gianinazzi p. 155-172 L'image et le mythe ont été au cours du XXe siècle des composants de ces machines à faire croire que sont la propagande politique et la publicité. Mais leur genèse moderne est antérieure et inscrite dans d'autres contextes scientifique et politique. L'image, sous la forme d'images mentales synthétiques et indécomposables au fondement des affects et de la pensée, est découverte et étudiée par la psychologie entre 1870 et 1890. En recherchant, en historien, les ressorts de l'action, Sorel reprend ces qualités de l'image pour décrire la forme du mythe social qui, dans son contenu et sa visée, n'en reste pas moins travaillé par la volonté et la raison.During the twentieth century, political propaganda and advertising were “make – believe machines” whose certain components have been the image and the myth. Nevertheless the image's and myth's modern genesis is ancient and come from other scientific and political contexts. Between 1870 and 1890, the image is discovered and studied by psychology. It was portrayed as mental images that were indivisible and synthetic to the thought's and affect's basis. As an historian, Sorel sought the action's mechanisms and used the image's qualities to describe the shape of social myth, which is worked in its content and its aims by the will and the reason.
- Le mythe social ou l'efficacité de l'image sans images - Éric Michaud p. 173-183 Le mythe sorélien partage avec la publicité naissante la même obsession du passage efficace à l'action. Tandis que les nouvelles techniques publicitaires récusent l'argumentation logique au profit de la suggestion efficace, Georges Sorel oppose à l'utopie, « construction démontable » prêtant à la discussion, la puissance du mythe irréfutable de la grève générale. L'hypothèse ici avancée est que mythe social et publicité se fondent sur une même foi en la puissance psycho-motrice des images mentales, quelle qu'en soit la nature.The Sorelian myth shares with the rising advertising the same obsession of effective transition to action. While new advertising techniques reject logical argument in favor of effective suggestion, the power of the general strike's irrefutable myth is opposed by Georges Sorel to utopia, portrayed as being a “removable construction” which is cause for discussion. The hypothesis advanced here is that social myth and advertising are based on common faith in the psychomotor strength of mental pictures, whatever its nature is.
- Images mentales et mythe social : Psychologie et politique chez Georges Sorel - >Willy Gianinazzi p. 155-172
Lectures
- Lectures - p. 185-200
In Memoriam
- Stefano Miccolis (1945-2009) - p. 201