Contenu du sommaire : Militantisme en réseau

Les « communautés » de logiciels libres sont hybrides : collectifs militants orientés vers la défense de valeurs contestataires et groupes de production orientés vers le développement de logiciels efficients. Ces deux versants sont interdépendants et indissociables car le devenir du projet collectif passe par le succès du produit. Les premiers temps du développement du logiciel sont caractérisés par une symbiose entre projet et produit. Mais la diversification grandissante des contributeurs conduit à la nécessité de gérer des situations où les implications dans l'appropriation et le développement du produit mettent à l'épreuve le projet militant. Cette étude montre notamment que ces mécanismes ne reposent pas, sauf exception, sur des logiques d'éviction et d'exclusion, mais plutôt sur la production de jugements collectifs qui participent d'une socialisation distribuée.

Lors du soulèvement populaire tunisien qui a conduit au départ du président Ben Ali le 14 janvier 2011, Internet a largement été utilisé pour propager l'information à un niveau national et international, ainsi que pour lancer des appels à mobilisation, bien que son rôle ait souvent été superficiellement analysé. Plutôt cependant que de nous focaliser dans cet article sur cette conjoncture critique, nous proposons de revenir sur l'histoire des usages citoyens et protestataires d'internet par les Tunisiens, usages qui ont émergé dès la fin des années 1990 et ont connu par la suite d'importantes évolutions. Nous décomposons cette histoire en trois grandes périodes, trois configurations caractérisées par de nouveaux acteurs, de nouveaux dispositifs techniques mobilisés et de nouvelles formes d'expression politique et d'action collective protestataire.

Cet article interroge les modalités de constitution de publics en ligne, en s'intéressant aux usages stratégiques de liens hypertextes dans le cadre d'actions collectives menées sur le web. Les liens sont appréhendés en tant que mécanismes facilitant la traduction d'un intérêt partagé pour une thématique en une activité collective ayant pour but d'atteindre des objectifs communs. S'inspirant à la fois des apports de la littérature sur les pratiques de mobilisation en ligne et des « linkstudies », cette étude repose sur un travail d'enquête s'appuyant sur un dispositif méthodologique qui articule étude statistique, analyse de contenu et « cartographie » du web. Elle démontre que les usages stratégiques du lien ont un effet structurant sur l'action et interviennent à la fois lors de la mobilisation d'un collectif, la conduite de l'action elle-même et la constitution d'un espace public autour d'une scène d'action.

Les personnes qui s'investissent dans des projets collaboratifs en ligne font preuve d'une attitude morale, visant à éliminer toute forme d'exploitation et de domination. Comment dans ces conditions leur faire accepter des décisions contraignantes, pourtant nécessaires à la bonne administration des projets ? Dans cet article, la domination légitime dans ces projets est définie comme une résistance à de nouvelles formes de critique. Dans le domaine du savoir, l'autorité individualisante et charismatique des fondateurs, qui connaissent le projet mieux que personne, résiste à la critique de la technocratie, d'une expertise externe au projet. Dans le domaine de la justice, l'autorité collective et procédurale des administrateurs qui appliquent les décisions de la communauté, résiste à la critique de la tyrannie, des délibérations et décisions opaques. Ces critiques pourraient être généralisées, remettant en question l'ordre social, mais leur efficacité dépend de ce que l'on connaît de l'identité des participants.

Il est généralement admis dans la littérature sociologique, sur le renouveau contestataire depuis les années 1990, d'associer la forme d'organisation en réseaux à des pratiques anarchistes. Si ce constat est en partie exact, nos observations sur la mouvance anarchiste et syndicaliste d'action directe française nous ont amené à devoir les nuancer. En effet, nous avons pu observer qu'un certain nombre de militants anarchistes revendiquent davantage la tradition du fédéralisme libertaire que celle de la forme réseau. Cet article s'inscrit dans le cadre d'une sociologie des disputes en s'attachant à présenter et à mettre en perspective un débat militant autour de la notion de réseau. Cette étude conduit à montrer que, contrairement à ce que l'on pourrait penser, la forme réseau n'est pas pour tous les acteurs du renouveau contestataire synonyme d'horizontalité et de transparence.

Plus de dix ans après la dénonciation d'une télévision française qui ne laisserait pas place à la diversité et aux minorités non blanches, on observe un déplacement de la problématique. Sur la base de données quantitatives disponibles ou produites de façon originale pour cette recherche, il apparaît, notamment dans la fiction française inédite, que la question du nombre soit quasi résolue. Cela conduit à mettre en exergue la question du sens autour du constat suivant : le prix de cette présence accrue semble être celui d'une occultation de la question des ethnicités. Pour en faire la démonstration, la méthode consiste à comparer les modes de prise en compte des minorités et des ethnicités entre une fiction états-unienne « de qualité », The Wire, avec l'ordinaire des fictions télévisuelles françaises. L'effet de contraste ainsi obtenu n'a pas pour objectif de hiérarchiser ces deux types de fiction mais de mieux faire apparaître les contraintes culturelles qui s'exercent sur la fiction télévisuelle française en la matière.