Contenu du sommaire : Repenser les inégalités entre générations
Revue | Revue Française de Sociologie |
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Numéro | vol. 54, no 4, 2013 |
Titre du numéro | Repenser les inégalités entre générations |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- L'activité de la rédaction de la Revue française de sociologie en 2012 - Christelle Germain
Dossier : Repenser les inégalités entre générations
- Repenser les inégalités entre générations - Camille Peugny, Cécile Van de Velde p. 641-662 Par une mise en perspective de ses apports et de ses limites actuelles, cette introduction tente d'ouvrir la voie à un renouvellement de la sociologie des inégalités entre générations. Une première partie revient sur l'émergence et l'évolution du concept même de « génération » en sociologie tout au long du XXe siècle : avant d'être approchée par le prisme des « inégalités », la génération a prioritairement été définie comme élément moteur du changement social et culturel, investie sous l'angle de la « conscience » dans les travaux de Mannheim, puis sous celui des « valeurs » dans les travaux des années 1950 et 1960. La seconde partie met en perspective la montée du thème des inégalités entre générations, portée par le grand retournement des années 1970 qui affecte durablement les conditions dans lesquelles les jeunes entrent sur le marché du travail. Au-delà de ces difficultés croissantes dans le champ économique, les jeunes générations semblent tenues à l'écart des positions dominantes et des leviers du changement social, ce qui nourrit les discours autour de l'existence d'une « génération sacrifiée ». Tout en soulignant l'importance des acquis de ces travaux, une troisième partie en révèle quelques limites et appelle à l'ouverture de nouveaux fronts de recherches : penser l'articulation entre plusieurs générations pour sortir de l'opposition entre deux générations, celle des premiers-nés du baby-boom, et celle née dans les années 1960 ; penser ensemble inégalités inter- et intragénérationnelles ; articuler inégalités sociales et solidarités familiales entre générations ; poser la question d'une éventuelle conscience de génération et de ses manifestations politiques. Cette introduction se termine par une présentation des articles du numéro spécial qui, sur chacun de ces fronts de recherche, soumettent de nouveaux éléments au débat scientifique.Re-thinking inter-generational inequality. This introduction attempts to pave the way for a renewal of the sociology of inter-generational inequality, through an examination of its emergence, contribution, and current limitations. The first part examines the emergence and development of the concept of « generation » in sociology throughout the twentieth century. Before being seen through the prism of « inequalities », generation had been defined primarily as a motor for social and cultural change, seen in terms of « consciousness » in the work of Mannheim, and then « values » in the studies of the 1950s and 1960s. The second part takes the rise of inequality between generations as its theme, driven by the great reversal of the 1970s that has lastingly affected the conditions under which young people enter the labour market. Beyond these growing difficulties in the economic field, younger generations seem excluded from the dominant positions and levers of social change, which feeds the discourse around the existence of a « lost generation » . While stressing the importance of learning from this work, the third part explores its limitations and calls for the opening of new research fronts : to re-think the relationships between several generations in order to avoid the opposition between two generations, the first being those of the baby-boomers, and the second those born in the 1960s ; to consider inter- and intra-generational inequalities in combination ; to relate social inequality and familial solidarity between generations ; to pose questions about a possible generational consciousness and its political outcomes. The introduction concludes with a presentation of the articles in the special issue, which contribute new evidence to the scientific discussion.
- Spécificité et permanence des effets de cohorte : le modèle APCD appliqué aux inégalités de générations, France/États-Unis, 1985-2010 - Louis Chauvel p. 665-705 Spécificité et permanence des effets de cohorte : le modèle APCD appliqué aux inégalités de générations, France/États-Unis, 1985-2010. En revenant aux sources théoriques de la question générationnelle, l'importance de deux notions centrales, spécificité et permanence des effets de cohorte, est soulignée et donne lieu à un nouveau modèle APCD et à un test d'hysteresis destiné à repérer des effets de cohorte durables : un scarring effect, une cicatrice cohortale. Une comparaison franco-américaine des niveaux de vie est développée par cohorte mobilisant les données de 1985 à 2010 du Luxembourg income study (LIS) et des Statistics on income and living conditions-Eurostat (EU-SILC). En France, les inégalités nettes de générations (tenu compte des contextes démographiques et éducatifs, notamment) sont de même ampleur que les inégalités liées au statut d'immigré ; les bénéficiaires sont les cohortes nées autour de l'année 1950. Ce phénomène ne décline pas en intensité avec le temps. La dynamique américaine est antithétique, ce qui peut s'expliquer par les différences des welfare regimes français et américain. La France est donc marquée par de profondes inégalités intergénérationnelles.Specificity and consistency of cohort effects : the APCD model applied to generational inequalities, France-United States, 1985-2010. By returning to the theoretical sources of the generational question, the importance of two central concepts, specificity and consistency of cohort effects, is emphasized and gives rise to a new APCD model and a hysteresis test designed to identify long-term cohort effects : a scarring effect, or cohortal scar. A Franco-American comparison of living standards is developed by using cohort data from 1985 to 2010 from the Luxembourg income study (LIS) and Statistics on income and living conditions – Eurostat (EU-SILC). In France, net generational inequalities (taking account of demographic and educational contexts, in particular) are of the same magnitude as the inequalities linked to immigrant status ; the beneficiaries being cohorts born around the year 1950. This phenomenon is not declining in intensity with time. The dynamic within the USA is its antithesis, which can be explained by differences in French and American welfare regimes. France is thus marked by deep intergenerational inequalities.
- Les ambiguïtés de l'aînesse masculine : Transferts patrimoniaux et transmission du statut social de génération en génération - Sibylle Gollac p. 709-738 Les ambiguïtés de l'aînesse masculine. Cet article étudie, à partir de données statistiques et ethnographiques, les inégalités selon le sexe et le rang dans la fratrie face aux transmissions intergénérationnelles, en partant d'une analyse des transferts patrimoniaux d'une génération à l'autre. Les cadets et cadettes s'avèrent les destinataires privilégiés de transferts financiers précoces, tandis que les fils aînés sont investis de projets d'ascension sociale qui augmentent leur espérance de revenu et les prédestinent à recevoir, certes tardivement, les biens de famille. Les enfants uniques, garçons ou filles, cumulent ces différentes ressources. Ces inégalités en matière de transferts patrimoniaux s'articulent à des positions différenciées dans les stratégies de reproduction sociale, comme en témoignent les réussites scolaires et professionnelles inégales des garçons et filles, des aînés et cadets. L'analyse des transferts patrimoniaux de génération en génération révèle ainsi le traitement différencié des enfants d'une même fratrie, y compris lorsqu'il s'agit de transmettre avant tout du capital culturel. Au-delà des évolutions de la place du patrimoine dans la stratification sociale, ce qu'il y a à transmettre pour reproduire ou améliorer une position sociale reste un bien « rival » , que frères et sœurs se partagent de façon plus ou moins équitable.The ambiguity of male primogeniture. Inheritance and the transmission of social status from generation to generation. Based on statistical and ethnographic data, this article examines intergenerational transmission inequalities according to sex and sibship birth order, beginning with an analysis of inheritance from one generation to another. Youngest siblings prove to be the favoured recipients of early financial transfers, while plans for social mobility are invested in eldest sons, which increases their income expectations and predestines them to receive the family property, albeit belatedly. Single children, whether male or female, receive both these different resources. Effectively, inequality in terms of inheritance reflects specific positions in social reproduction strategies, as revealed by the unequal educational and work achievements of boys and girls, and eldest and youngest siblings. An analysis of asset transfers from generation to generation thus reveals the differentiated treatment of children in the same sibship, including when it comes to the transmission of cultural capital above all. Despite changes in the role of inheritance in social stratification, that which can be transmitted to reproduce or improve social status remains a « rival » good, which is shared between brothers and sisters in a more or less equal fashion.
- Les temps changent, renouvellement générationnel et évolutions politiques en France - p. 741-776 Les temps changent, renouvellement générationnel et évolutions politiques en France. L'impact du renouvellement générationnel sur la vie politique et citoyenne reste trop souvent négligé dans les débats publics et scientifiques. Les raisons de ce désintérêt tiennent à la fois à la prégnance et aux apports des études sur la socialisation primaire ou les effets de cycle de vie, et à une focale de la recherche sur les générations politiques au sens de Karl Mannheim. Pourtant, l'analyse par cohorte du placement à gauche ou à droite des Français depuis les années 1970 permet de mettre en évidence des transformations majeures. Le renouvellement générationnel n'est pas politiquement neutre. Il handicape la droite et fait progresser la part des « non-alignés ». À travers le renouvellement générationnel se donne alors à voir la transformation en profondeur des notions de gauche et de droite, due notamment à l'émergence des enjeux culturels, mais également une redéfinition des rapports à la politique en général et au vote en particulier.The times are a-changing : generational renewal and political transformations in France. The impact of generational renewal on political and civic life is often neglected in public and scientific debates. The reasons for this disinterest concern the pervasiveness and contributions of research on primary socialization and life-cycle effects as well as a tendency of research to adopt a Mannheimian perspective on political generations. In fact, cohort analysis of the left or right positioning of French people on the political spectrum since the 1970s brings to light major changes. Generational renewal is not politically neutral : it handicaps the right while bringing about an increase in the proportion of « non-aligned ». What may be seen through generational renewal is the deep transformation of the notions of left and right in France, due to the emergence of cultural issues but also a redefinition of attitudes toward politics generally and voting in particular.
- Inégalités sur le marché du travail entre deux générations d'immigré-e-s : Ce que l'action publique fait aux parcours de vie - p. 779-806 Inégalités sur le marché du travail entre deux générations d'immigré-e-s. Cet article présente une comparaison entre les parcours biographiques d'individus appartenant à deux générations de migrants, dont la distinction se fonde sur la temporalité de l'expérience migratoire. Il se propose d'apporter un éclairage sur les inégalités qui touchent plus particulièrement deux générations d'immigrés actifs ayant quitté leur pays pour s'installer en France : la première cohorte est constituée d'immigré-e-s arrivé-e-s au début des années 1980, la seconde se réfère à des individus ayant migré dans les années 2000. L'analyse des parcours permet, in fine, d'expliciter de quelle manière l'évolution des politiques migratoires infléchit les projets de vie, tout en jouant un rôle saillant dans l'accès aux droits sociaux et dans l'évolution de carrière d'hommes et de femmes immigrés, dans un contexte de progressive fragilisation du statut salarial.Labour market inequality between two generations of immigrants. The impact of public policies on life courses. This article presents a comparison between the biographical life courses of two generations of immigrants, which are distinguished on the basis of the temporality of their respective migration experiences. It proposes to shed light, in particular, on the inequality that affects two generations of economically active immigrants who left their countries to live in France : the first cohort consists of immigrants who arrived at the beginning of the 1980s, the second refers to individuals who migrated in the 2000s. Analysing life courses ultimately makes it possible to explain the way in which the development of migration policies has influenced life plans, playing a prominent role in access to social rights and in the career development of immigrant men and women in the context of a gradual weakening of employee status.
- Les livres - p. 809-820
- Repenser les inégalités entre générations - Camille Peugny, Cécile Van de Velde p. 641-662