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Revue | Revue historique |
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Numéro | no 668, octobre 2013 |
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Articles
- Jean VI Malet de Graville et la fondation de la foire de Châtres (1470-1475) : entre procédure institutionnelle et privilèges personnels - Isabelle Theiller p. 763-803 En juillet 1470, Louis XI concède à Jean VI Malet de Graville le droit de réunir une foire annuelle à Châtres-sous-Montlhéry. Des points de vue institutionnel, juridique et économique rien ne semble contrevenir à l'établissement de ce rassemblement commercial au sud de Paris. Pourtant, en avril 1471 l'administration royale n'a toujours pas enregistré la lettre patente instituant la foire et ordonne une enquête de commodo et incommodo afin de s'informer de son bien-fondé et de définir les droits et franchises du seigneur de Graville. S'engage alors entre le requérant, prisonnier d'Édouard IV à Londres, son fils Louis, le roi et son administration un bras de fer qui ne prendra fin qu'en 1475, lorsque Louis XI va imposer un entérinement partiel de la lettre patente.Le dossier documentaire, exceptionnellement bien conservé, renferme l'enquête diligentée par le prévôt de Paris et les échanges épistolaires entre les protagonistes de la demande d'enregistrement. Il témoigne d'une administration gardienne du domaine royal et de ses propres privilèges, des conflits d'intérêt qui peuvent s'y jouer voire des enjeux politico-économiques qui peuvent sous-tendre la concession d'un privilège par le roi.In July 1470 Louis XI granted Jean VI Malet de Graville the permission to hold an annual fair at Châtres-sous-Montlhéry. From the institutional, legal and economic points of view nothing seemed to prevent the establishment of this commercial gathering in the south of Paris. Nevertheless, in April 1471, the Letter Patent establishing the fair had not yet been recorded by the royal administration, who ordered a commodo et incommodo survey to enquire about the legitimacy of the request and to define Lord Graville's rights and franchise. The applicant (prisoner of Edward IV in London) and his son, Louis, then began a struggle with the French king and his administration – a struggle which was to come to an end in 1475, when Louis XI imposed a partial endorsement of the Patent Letter.The archives of this affair, exceptionally well preserved, contain the survey ordered by the Provost of Paris and the letters exchanged between the protagonists of the endorsement request. It shows an administration, which was keen to preserve the royal domain and its own privileges, and it reveals the underlying conflicts of interest, and even the political and economic issues at stake when a privilege was granted by the King.
- La vue, la preuve et le droit : les vues figurées de la fin du Moyen Âge - Juliette Dumasy-Rabineau p. 805-831 Au cours des deux derniers siècles du Moyen Âge, apparaît un genre de documents entièrement nouveau et assez spectaculaire : les vues figurées. Comparables à des vues en perspective cavalière, de plans ou encore de cartes, elles représentent des lieux ou des territoires disputés au cours d'un procès, et sont exhibées afin de mieux définir le droit de chacun. Les fondements juridiques de leur usage sont repérables du côté de la théorie et de la pratique du droit, qui affirment toutes deux l'excellence de la preuve par la vue. Mais leur nature, en tant que pièces de procédure, reste inclassable, parce qu'elles appartiennent à la fois au domaine du témoignage, de l'expertise et de la preuve.During the last centuries of the Middle Ages, an entirely new and rather spectacular type of documents appeared: the figured maps. Similar to views in perspective, maps or plans, they represented places or territories which were disputed during a trial, and were shown in order to determine each one's right better. The juridical bases of their usage were related to legal theory and practice, which both considered view as an excellent proof. But the nature of these pleadings remains complex, as they belong to expertise, testimony and evidence in the same time.
- Dévots et fondations de couvents en Auvergne au xviie siècle - Grégory Goudot p. 833-874 Si l'on souligne de longue date et à raison le rôle moteur joué au XVIIe siècle par les dévots dans la Réforme catholique, l'historiographie française du mouvement, obnubilée par les vedettes des cercles parisiens proches du pouvoir, n'a pas encore jeté à bas tous ses clichés sur l'unanimisme des élites zélées et le mythique « parti dévot ». En vérité, dans les provinces, les laïcs militants présentent partout des caractères originaux, dans leurs profils comme dans leurs préoccupations – qui évoluent d'ailleurs dans la durée. Ainsi dans le diocèse de Clermont : l'heure y est d'abord, lorsque prennent fin les guerres de religion, à une invasion conventuelle sans précédent, portée par des femmes et des veuves issues d'une vieille aristocratie peu compromise dans la Ligue ; mais elles s'effacent après 1640 devant les élites officières urbaines, qu'intéresse davantage l'enfermement des pauvres lorsque triomphe le mercantilisme hostile aux réguliers. Non contente d'infléchir le cours de la Réforme catholique, l'action dévote trahit dans ses mutations mêmes l'entrée dans la seconde modernité.French historiography has long stressed the leading role assumed by the devouts in the 17th century Catholic Reformation, but lots of stereotypes remain about their unanimity and about the coherence of a “devout faction”, due to the celebrity of some Parisian figures close to the court. The truth is that the pious laity of the provinces has plural profiles and concerns, which evolve over time. Thus, in the diocese of Clermont, women and widows of aristocratic lineages loyal to the king support the expansion of the new religious orders after the French Wars of Religion. Then after 1640 they step aside in favour of the royal officers of the towns, who show increasing interest in the confinement of the poor as the mercantilist theories prevail. This shifting devout action not only impacts the course of Catholic Reformation, but more broadly reveals the coming of a new modernity.
- Les docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris et la fourniture de soins aux « bons pauvres malades » dans les paroisses parisiennes (1644-1791) - Isabelle Coquillard p. 875-904 Élite médicale, les docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris possèdent le privilège exclusif d'exercer leur art dans la capitale. À ce titre, la Faculté de médecine parvient à faire interdire la tenue des consultations charitables mises en place par Théophraste Renaudot, docteur de Montpellier, mais le Parlement lui donne l'ordre d'y suppléer en 1644.Si la Faculté de médecine peine à imposer la tenue de ces consultations gratuites aux docteurs régents, ceux-ci s'adonnent aux activités charitables dans le cadre des Compagnies de Charité de paroisse tenues par les Filles de la Charité de Saint-Vincent-de-Paul. Devenu médecin de paroisse, aux appointements fixes et réguliers, le docteur régent explore son territoire d'exercice, accumule un savoir spécifique sur un groupe, « consommateur de la charité », exprimant une demande de soin spécifique et pouvant, à tout moment, retrouver une position économique stable. Acteur de la nouvelle politique d'assistance du pouvoir royal, les docteurs régents cherchent à dominer ce « marché de la charité », dont l'implantation paroissiale tend progressivement à s'élargir au Royaume.The article aims to examine the charitable practices of the French medical elite, the docteurs régents of the Faculty of Medicine, as an attempt to preserve the professional interests of the group and confiscate a parish-based source of income between 1644 and 1791. Confronted to Théophraste Renaudot's project of charitable medical consultations in 1630, to whom they opposed their exclusive right to practice medicine before the Parliament of Paris, the docteurs régents set up their own consultations for the sick poor in 1644. The charitable consultations, a request of the Parliament against the enactment of the Faculty's privilege, were organized twice a week, as a collective duty under the care of the Dean and a minimum of six docteurs régents who also served as practical instruction for the young physicians. This free service, however, was hard to impose on docteurs régents, as, in addition to being time-consuming and unpaid, they restricted their private practice, until the establishment of a cash compensation in 1779.In addition to the Faculty charitable consultations, docteurs régents became involved in medical provision to the parish-based charities. Regulations helped establish their duties: visiting the poor, screening the sick and prescribe to the patient a tailored diet and remedies using low-cost common drugs, prepared and served by the Daughters of the Charité. Doctors regents could accordingly apply their theoretical knowledge, become known to the local notability and identify the needs of a new pool of customers. The small yearly fee, between 50 and 200 livres a year, was fixed, regular, making up for delayed and more uncertain payments from their private practice. After 1770, the sick poor parish relief developed into small structures of medical provision like the hospice Saint Merry. The development of the charitable activity had consequences on the configuring of medical care in eighteen-century Paris. New professional relationships were organized between the docteurs régents and the female sisters, to whom they confided more technical curing skills, involving remedies' preparations, bleeding and patient surveillance. It also generated a new category of customers, the sick parish poor, even more so as the hospital was gradually considered a “repulsive” curing place: docteurs régents used this new medical opportunity not only to identify the specific needs of these customers, such as short-term cures rather than long-term advices on regimen and diet to help them resume their economic activity, but also, as did Pierre Lalouette and Joseph Jacques Gardanne, as means to educate the potential paying sick customer in avoiding the services of unqualified healers.
- Les quatre crises de la Société générale (1886-2008). La crise d'un modèle économique au c?ur des crises conjoncturelles - Hubert Bonin p. 905-933 La pérennité d'une société sur plusieurs demi-siècles constitue une sorte d'« exploit » historique sur l'arrière-fond d'une démographie des entreprises qui est riche en faillites, liquidations ou absorptions. Or la banque qu'est la Société générale a encore plus été soumise à cette réalité qu'elle œuvre dans un secteur fragilisé par des prises de risques pro-cycliques sans cesse renouvelées pendant les boums conjoncturels, d'où des krachs récurrents. Mais elle a réussi à résister aux tensions de son environnement bancaire et financier, alors même qu'elle a été confrontée à des erreurs de gestion et, surtout, à trois crises en interne qui l'ont fait vaciller au bord du gouffre. Les quatre crises (années 1880, 1905, 1913 et 2007-2010) endurées par la Générale sont ainsi révélatrices des dysfonctionnements d'une organisation de firme, ce qui fait s'interroger sur la qualité du management bancaire, des difficultés d'adaptation d'un mode de gestion aux mutations d'un modèle économique et stratégique, ce qui suscite des questions sur la réactivité et la lucidité des dirigeants, et enfin sur les processus de gestion des risques, ce qui induit de méditer sur les risques inhérents au métier bancaire et à leur spécificité.Société générale, one of the leading French banks, has resisted general crises and crashes, wars, and competition, to reach its 150th anniversary. But it had to face its “own” four dire crises (1886, 1905, 1913, and recently, 2007/2009) which almost swept it from the Paris marketplace, gnawed into its creditworthiness, fostered the risk of a risk of illiquidity, and fuelled a crisis at the top of the leading team. Each crisis commenced because of specific developments, generally on internationalised fields of activity (trade finance, deployment of the bank in foreign countries, foreign loans, financial trading), but altogether they allow to question common issues. The analysis of these four events constitutes a case study about the management of the organisation of the banking firm, to gauge the commonplace management of risks, but moreover the relevance of the business model in front of the portfolio of strategic activities and in front of the geographic deployment of the bank on foreign markets. Archives are mobilised to scrutinize the causes of each crisis, and how far this one threatened the survival of the bank, which helps understand how the head managers failed to adapt their model of management to the evolution of the activities and of the risks of the institution. Thereafter, the article ponders how the managers called to rescue their bank succeeded in reinventing its business model and its mode of supervising the risks. Firms surviving to crisis generally came out with stronger methods of management, efficient systems of supervising business and risks, of controlling the procedures to be respected in each affiliate or branch – and that was the case at Societé générale indeed, about which we could thus suggest that its crisis reinforced its ability to cross the cyclical tensions. It also enriched its corporate culture, through the recurrent inflow of more accurate tools of risk assessment and management values, to be more oriented toward a fine-tuned perception of the necessary balance between dynamic strategies of organic growth and adapted structures of control, of risk management and the allocation of financial resources.
- Jean VI Malet de Graville et la fondation de la foire de Châtres (1470-1475) : entre procédure institutionnelle et privilèges personnels - Isabelle Theiller p. 763-803
Comptes rendus
- Comptes rendus - p. 935-1000