Contenu du sommaire : Etrangers en Russie, Russes à l'étranger
Revue | Cahiers du monde russe |
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Numéro | volume 46, no 3, juillet-septembre 2005 |
Titre du numéro | Etrangers en Russie, Russes à l'étranger |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Débat
- Les famines soviétiques de 1931-1933 et le Holodomor ukrainien : Une nouvelle interprétation est-elle possible et quelles en seraient les conséquences ? - ANDREA GRAZIOSI p. 453-472 Pour ébaucher l'esquisse d'une nouvelle interprétation des famines soviétiques de 1931-1933 et du Holodomor ukrainien, cet article se réfère aux études, nombreuses et remarquables, parues ces dernières années. Cette nouvelle hypothèse interprétative tient compte tant du contexte soviétique général que de l'importance indéniable de la question nationale. L'auteur espère ainsi faire progresser la compréhension de la « Grande famine » et stimuler un débat qui permette d'abattre le mur qui s'élève aujourd'hui entre les chercheurs ukrainiens, russes et occidentaux spécialistes des famines soviétiques et celui, plus haut encore, qui sépare ces historiens de leurs collègues spécialistes du xxe siècle européen. À la fin de l'article, l'auteur pose la question de savoir si le Holodomor ukrainien relève du génocide et si oui, pourquoi. Il y répond par l'affirmative, tout en soulignant ce qui le différencie de l'Holocauste juif, précisant que la famine ne fut pas un génocide « planifié », conçu à « Moscou » par les Russes, qui, eux aussi, souffraient alors de la faim, bien que de façon moins dramatique. Stalin et les dirigeants du parti communiste ont plutôt décidé de tirer parti de la famine -- causée par leurs propres erreurs, mais qu'ils n'avaient pas voulue, ni espérée -- pour faire la leçon aux paysans en général et à l'Ukraine en particulier. Cette décision, prise à l'automne de 1932, explique que la famine se soit transformée en Holodomor. Aussi, dans la mesure où le Holodomor résulte d'une politique appliquée consciemment, nous pouvons utiliser le terme de génocide.
- Les famines soviétiques de 1931-1933 et le Holodomor ukrainien : Une nouvelle interprétation est-elle possible et quelles en seraient les conséquences ? - ANDREA GRAZIOSI p. 453-472
Etrangers en Russie, Russes à l'étranger
- Les écoles étrangères dans la sociéte russe à l'époque des Lumières - VLADISLAV RJÉOUTSKI p. 473-527 Les premiers pensionnats étrangers, dus à l'initiative privée, apparaissent en Russie vraisemblablement à partir des années 1730 ou 1740, ce qui est tardif au regard de nombreux pays européens où des établissements de ce type existaient déjà, en partie grâce aux huguenots. Les pensionnats assuraient la scolarisation primaire et secondaire et offraient, dans une certaine mesure, une formation professionnelle. Certains cherchaient à attirer une clientèle commerçante, d'autres, une clientèle noble. Parmi ces derniers établissements, quelques-uns préparaient leurs élèves à l'entrée dans les écoles militaires. Particulièrement nombreuses dans la Russie du xviiie siècle, ces écoles disparaissent souvent aussi vite qu'elles sont apparues. Elles prennent un véritable essor sous le règne de Catherine II. L'augmentation du nombre de pensionnats s'accompagne d'une évolution de la qualité de leur enseignement. À l'origine, ces institutions sont familiales, les disciplines enseignées sont peu nombreuses, les langues étrangères y occupent une place centrale. Avec le temps, ces écoles se développent et font appel à des professeurs extérieurs -- souvent des Français et des Allemands installés en Russie -, mais aussi des Russes pour certaines matières ; outre les langues, des disciplines de culture générale y font progressivement leur apparition.
- История русской эмиграции «первой волны» в Тунисе - MARINA A. PANOVA p. 545-576 L'histoire de l'immigration russe en Tunisie commence en hiver 1920-1921 lorsque, après la défaite des armées blanches contre les bolcheviks lors de la guerre civile et l'évacuation de la Crimée, 33 bateaux de l'Escadre impériale russe chargés de 6 000 réfugiés accostent dans le port de Bizerte Cette émigration militaire russe forme ainsi la première colonie russe de Tunisie. Jusqu'à la fin de l'année 1924, la vie de cette communauté s'organise essentiellement autour de la Marine russe. L'article se propose d'étudier l'histoire de cette immigration et de retracer la vie des « Russes blancs » de Tunisie sous ses différents aspects. Il examine en détail les questions liées à la présence de l'Escadre russe dans le port de Bizerte, décrit la vie des marins et de leurs familles, évoque le destin des bateaux, etc. Comment vivaient les Russes dans la Tunisie de l'époque coloniale ? Quelle place ont-ils occupée dans la société tunisienne ? Quel héritage, notamment culturel, ont-ils laissé ? L'auteur étudie à travers ces questions les problèmes sociaux, économiques, juridiques, culturels et religieux liés au processus d'intégration dans le pays d'accueil.
- Les français expulsés de l'empire russe par l'oukase de Catherine II du 8 février 1793 - JULIE OLLIVIER-CHAKHNOVSKAIA p. 529-543 Catherine II a désapprouvé les débordements de la Révolution française dès ses premiers jours, mais ce n'est que par l'oukase du 8 février 1793 qu'elle a décidé de mettre un terme aux relations entre la France et la Russie. Outre la rupture des liens diplomatiques et commerciaux, cet édit a proclamé l'expulsion des Français résidant dans l'empire, sauf si ceux-ci s'engageaient à prêter un serment de fidélité à la Monarchie et à renier les désordres de leur patrie. Les listes des signataires du serment (plus de 2 400 individus) ont fait l'objet d'études récentes, alors que jusqu'à présent les réfractaires ont peu attiré l'attention des chercheurs. Cet article, en utilisant des documents inédits provenant de différentes archives russes, aboutit à une estimation de leur nombre à près de 70 individus, mais surtout il tente de cerner les origines sociales de ces réfractaires et les raisons qui ont pu les amener à choisir de quitter la Russie, sans pour autant être tous des « révolutionnaires » convaincus.
- L'Émigration russe au Japon dans l'entre-deux-guerres - Yukiko Kitamura, Dany Savelli p. 577-592 La présente étude se propose de tracer un panorama de l'émigration russe au Japon dans l'entre-deux-guerres. Elle envisage ce sujet aussi bien sous ses aspects historiques que sociologiques ou culturels et se réfère à de multiples sources aussi bien japonaises que russes.
- Les premières fissures de l'URSS d'après-guerre : Le cas de la Géorgie et du Caucase du Sud, 1946-1956 - Georges Mamoulia p. 593-615 Cet article est consacré au problème des relations interethniques entre les Russes et les populations locales du Caucase du Sud à la fin de la période stalinienne et au début de la période khrouchtchévienne. Des documents inédits tirés des archives des républiques caucasiennes montrent que, malgré la propagande communiste officielle célébrant « l'indestructible unité du peuple soviétique », même sous la dictature communiste la plus cruelle, les questions nationales, tout comme la question du maintien fragile de l'équilibre interethnique au Caucase du Sud, étaient considérées par le Kremlin comme un devoir des plus urgents. L'auteur analyse les racines historiques des facteurs qui, au début des années 1990, ont mené à l'effondrement de l'Union soviétique et à la libération des peuples du Caucase du Sud.
- Les écoles étrangères dans la sociéte russe à l'époque des Lumières - VLADISLAV RJÉOUTSKI p. 473-527
Documents
- J. M. R. lenz à Moscou et le projet d'une « république des savants » : Un texte inédit sur l'ouverture d'une société littéraire auprès des francs-maçons vers 1789 - HERIBERT TOMMEK p. 617-632 L'article éclaire le projet de Lenz à partir à la fois du parcours personnel de son auteur et du contexte de l'époque. Ainsi cette « république des savants », liée étroitement aux cercles maçonniques moscovites et qui a sans doute connu une existence éphémère, s'inspire largement de la Deutsche Gelehrtenrepublik qu'un autre auteur du Sturm und Drang, Friedrich Gottlob Klopstock, fonda à Mannheim quinze ans auparavant. Elle s'inscrit dans la continuité de la démarche de Lenz (qui avait fondé sur son modèle une Société allemande à Strasbourg), tout en reflétant l'esprit du temps par l'introduction de certains principes d'égalité en écho aux idées venues de France et d'Amérique, et en s'adaptant aux réalités russes. Il en résulte le projet d'une société littéraire, qui, par désir d'harmonie universelle (et, implicitement, du maintien de l'ordre établi), réunit les représentants des diverses couches (« états ») de la société pour faire ?uvre commune d'éducation et d'amélioration de la vie de la cité. Bien que Lenz soit convaincu des bienfaits de l'absolutisme éclairé et grand admirateur de Catherine, son projet s'insère néanmoins dans le cadre des initiatives culturelles privées prises alors par des cercles de la noblesse russe en dehors de la sphère officielle de l'État et qui, dans le domaine culturel, tentent de s'affranchir de sa tutelle.
- Comment se débarrasser d'un échec : Une lettre du prince Voroncov au maréchal Marmont (1845) - MOSHE GAMMER p. 633-647 L'article présente une lettre inédite du prince Mihail Semenovi? Voroncov au maréchal Auguste-Frédéric-Louis Viesse de Marmont dans laquelle Voroncov apporte sa version personnelle de la campagne qu'il a menée en 1845 dans le Caucase, campagne connue dans l'historiographie russe comme l'« expédition de Dargo » (darginskaja ekspedicija). Après l'énorme échec que fut cette expédition, le prince se trouvait dans une position très difficile : tandis qu'officiellement la campagne était célébrée comme une victoire, officieusement les autorités russes imputaient à Voroncov la responsabilité de la défaite. Dans l'incapacité de faire connaître sa propre version des événements, le prince le fit dans cette lettre à un ami.
- J. M. R. lenz à Moscou et le projet d'une « république des savants » : Un texte inédit sur l'ouverture d'une société littéraire auprès des francs-maçons vers 1789 - HERIBERT TOMMEK p. 617-632