Contenu du sommaire : Qu'a-t-on appris sur le prêteur en dernier ressort depuis Thornton ?
Revue | Cahiers d'économie politique |
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Numéro | no 45, automne 2003 |
Titre du numéro | Qu'a-t-on appris sur le prêteur en dernier ressort depuis Thornton ? |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Présentation - Marie-Thérèse Boyer-Xambeu, Jérôme de Boyer des Roches, Sylvie Diatkine, Laurence Scialom p. 7-17
- Le "paper credit" et les multiples Mr Henry Thornton - Antoin E. Murphy p. 19-40 Cet article met l'accent sur les critiques de Thornton à Adam Smith en liaison avec son analyse du prêteur en dernier ressort. Il suggère que trois Thornton apparaissent dans le Paper Credit. Le premier est l'anti-déflationniste soucieux de la première partie du livre. Le second est l'anti-inflationniste inquiet de la seconde partie. Le troisième correspond au banquier praticien qui avait compris l'architecture financière émergente qui débouchait sur l'éviction de la monnaie métallique par le "papier de crédit". On conjecture que l'existence des lois sur l'usure, entre autres, a pu empêcher Thornton d'examiner complètement la possibilité pour la Grande Bretagne de tendre vers un système sans espèces monnayées.
- Théorie bancaire, théorie monétaire et prêteur ultime chez Thornton - Sylvie Diatkine p. 41-60 L'action du prêteur en dernier ressort, chez Thornton, ne peut être définie comme déviation momentanée par rapport à un trend non inflationniste de long terme de l'offre de monnaie centrale, c'est à dire entièrement contenue dans la théorie de l'offre de monnaie. Nous montrons que ses fondements se trouvent dans la théorie bancaire de Thornton et dans l'articulation qu'elle introduit entre monnaie et crédit. Il en déduit une analyse des crises bancaires à partir de la notion de risque de liquidité et de système. La banque centrale doit ainsi préserver la confiance dans le système de paiement par dettes bancaires en évitant le risque moral du fait des asymétries d'information croissantes en cas de crise.
- Two views of the lender of last resort: Thornton and Bagehot - David Laidler p. 61-78 Henry Thornton et Walter Bagehot furent tous les deux partisans du rôle de prêteur en dernier ressort de la banque d'Angleterre, mais ils différaient sur les détails de sa mise en ?uvre. Alors que Bagehot pensait que ce rôle était uniquement le produit de ses privilèges particuliers de monopole, Thornton le considérait comme l'aboutissement nécessaire du développement des activités bancaires ; alors que Bagehot localisait le rôle particulier des banques sur le marché du crédit, Thornton soulignait l'importance du passif du bilan du système bancaire ; alors que pour Bagehot la convertibilité en or était intangible, Thornton voulait la mettre en balance avec la nécessité de la stabilité monétaire.
- Les approches classiques du prêteur en dernier ressort : de Baring à Hawtrey - Jérôme de Boyer des Roches, Ricardo Solis Rosales p. 79-100 Il y a non pas une approche classique du prêteur en dernier ressort, mais des approches classiques du prêteur en dernier ressort. Elles sont successivement développées par Baring, Thornton, la Banking School, Bagehot et Hawtrey. Si ces approches convergent pour souligner que le prêteur en dernier ressort n'intervient qu'en faveur de banques illiquides mais solvables, elles divergent à propos du lien entre monnaie et crédit, de la politique du taux d'escompte, dans l'analyse des causes de son intervention et sur la nature de ce qu'il prête. En outre, Hawtrey a développé les bases de l'analyse du prêteur en dernier ressort international.
- Competing visions for the U.S. monetary system, 1907-1913: the quest for an elastic currency and the rejection of Fisher's compensated dollar rule for price stability - Robert W. Dimand p. 101-121 cet article étudie les débats de réforme bancaire entre les théoriciens quantitativistes et leurs opposants, aux États-Unis, entre la panique bancaire de 1907 et la création du Système Fédéral de Réserves (FED) ; période dans laquelle se situe la publication de l'ouvrage d'Irving Fisher (et Harry G. Brown) Le pouvoir d'achat de la monnaie. Ces débats aboutirent au rejet de la proposition fishérienne du dollar compensé (une règle de variation du prix légal en or du dollar afin de stabiliser un indice du niveau général des prix) et à l'adoption d'une vision extrêmement différente de la banque centrale. L'accent est mis sur les contributions de Fisher, David Kinley, J. L. Laughlin, R. L. Owen, O. M. W. Sprague et de H. Parker Willis.
- Prêteur en dernier ressort et solidarité de place - François Marini p. 123-137 Dans le modèle de Diamond-Dybvig (1983) (DD par la suite), le prêteur en dernier ressort (PDR par la suite) ne peut éliminer les crises de liquidité que s'il annonce qu'il supportera la perte sociale engendrée par la panique. C'est donc le PDR, et non pas la banque renflouée qui est pénalisé. Ce résultat nuance le principe de Bagehot. Lorsque la ruée sur une banque est contagieuse aux autres, celles-ci font face à un problème de coordination car elles doivent négocier la répartition de la perte sociale engendrée par la panique. Ce problème peut être résolu par un arbitre indépendant qui applique la solution de Nash. Nous interprétons cet arbitre comme le PDR dans sa fonction de gestionnaire d'une crise de liquidité. Le modèle illustre la thèse de Wicker (2000).
- Discrétion versus coordination : résolutions des paniques bancaires sous le National Banking System - Laurent Le Maux p. 139-160 Elmus Wicker (2000) dresse un tableau des paniques bancaires durant la période du National Banking System (NBS). Il estime que la New York Clearing House (NYCH) fut responsable de l'aggravation des crises bancaires du fait de son incapacité à coordonner les banques afin d'égaliser leurs réserves. Une description des caractéristiques structurelles du NBS remet en cause cette thèse. De plus, une théorie de la monnaie supérieure permet de montrer pourquoi l'égalisation des réserves est supplantée par l'émission de certificats de prêt par la NYCH. Cette démonstration débouche sur une controverse, savoir l'opposition entre discrétion et coordination, et conduit à l'idée que la logique de la discrétion l'emporte sur celle de la coordination.
- The Lender of Last Resort and capital market stability - Jan Toporowski, G.C. Harcourt p. 161-174 La vision de Thornton du prêteur en dernier ressort a été mise en question par les développements des marchés financiers. Car elle ne prenait pas en compte le marché des titres à long terme dont les prix sont relativement insensibles à des petits changements de la politique monétaire. Or les opérations d'open market sur titres de la dette publique à long terme sont plus susceptibles d'injecter de la liquidité sur les marchés financiers. Cependant, le système financier international est segmenté entre économies où fonctionnent des marchés de la dette publique et économies émergentes sans marchés de ce type. Le papier suggère qu'une taxe sur les profits financiers pourrait aider à isoler les marchés émergents de l'influence déstabilisatrice des entrées de capitaux à court terme.
- Prévention et gestion des crises financières internationales : une analyse retrospective de H. Thornton - André Cartapanis, Philippe Gilles p. 175-210 Dans cet article, on examine d'abord les mécanismes constitutifs des crises financières internationales qui s'apparentent désormais à des crises de change systémiques. On souligne ensuite l'étonnante actualité de l'?uvre maîtresse de H. Thornton, An Enquiry into the Nature and Effects of the Paper Credit of Great Britain (1802), avant de voir ce que pourraient être les contours d'une politique de prévention et de gestion des crises financières internationales à la Thornton, autant sous l'angle macro-prudentiel qu'en ce qui concerne les caractéristiques d'un prêteur international en dernier ressort.
- Bedfellows, hostages, or perfect strangers ? : Global capital markets and the catalytic effect of IMF crisis lending - Carlo Cottarelli, Curzio Giannini p. 211-250 Durant les années 1990, le concept de financement officiel à effet catalytique est devenu prépondérant dans les débats de politique économique. Le concept tourne autour de l'idée que la propension des investisseurs à prêter à un pays augmente quand le FMI accorde "son label" appuyé seulement par un financement officiel limité. Le financement officiel à effet catalytique a pour but d'éviter d'une part, l'utilisation massive des deniers publics pour sauver la mise des investisseurs privés ; d'autre part, le recours à des mécanismes coercitifs de participation des investisseurs privés. Cet article conclut que le financement officiel à effet catalytique, même s'il peut être utile dans un autre contexte, est moins fiable quand il s'agit de gérer des crises de la balance des capitaux.
- Le prêteur en dernier ressort au défi de la monnaie électronique - Michel Aglietta, Laurence Scialom p. 251-283 Les dispositifs de paiements électroniques de seconde génération, c'est à dire opérant sur réseaux ouverts affectent tant les modalités de paiement de détail que les systèmes de paiements de gros. A ces deux niveaux, ils sont à la source de nouveaux risques et exacerbent des risques déjà existants. Des dispositions prudentielles et des choix de structuration des systèmes de règlement interbancaires permettent de réduire le risque systémique mais ne l'élimine pas. Les implications de ces évolutions quant à l'action du prêteur en dernier ressort sont doubles. D'une part, des formes traditionnelles d'interventions en dernier ressort sont réactivées. D'autre part, de nouvelles formes d'actions en dernier ressort adaptées aux transformations des systèmes de paiements de gros apparaissent. Loin d'affaiblir le rôle des banques centrales, ces innovations monétaires le renforcent potentiellement.