Contenu du sommaire : La conservation des tourbières
Revue | Géocarrefour |
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Numéro | volume 79, no 4, 2004 |
Titre du numéro | La conservation des tourbières |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- La conservation des tourbières. Enjeux patrimoniaux, modalités de gestion et jeux d'acteurs : The conservation of peat-lands. Heritage issues, forms of management and interplay between actors - Hervé Cubizolle, Céline Sacca p. 1
- Bilan de 12 années de gestion conservatoire des tourbières hautes dans la réserve naturelle domaniale des Hautes-Fagnes (Est de la Belgique) - Philippe Frankard p. 2 Les tourbières hautes sont des milieux rarissimes en Belgique, dont l'intérêt biologique est exceptionnel. Elles ont couvert environ 2 000 ha (<0,1 % du territoire) dans le massif ardennais, principalement sur les plateaux des Hautes-Fagnes et des Tailles. Mais aujourd'hui, les tourbières hautes subintactes couvrent moins de 200 ha, la plupart des tourbières ayant été détruites ou dégradées par l'exploitation de tourbe, le drainage et la plantation d'épicéas. Là où les activités humaines ont fortement perturbé le fonctionnement hydrologique des tourbières, des peuplements quasi monospécifiques de Molinia caerulea ont progressive-ment remplacé les asso-ciations végétales turfigènes. Le déclin drastique des tourbières hautes a conduit en 1993 au lancement d'un programme expérimental de restauration dans la réserve naturelle domaniale des Hautes-Fagnes. Il concerne la protection des derniers secteurs de tourbières subin-tactes ou peu dégradées, la restauration de tourbières dégradées (par fermeture des réseaux de drainage, décapage jusqu'au niveau moyen de fluctuation de la nappe perchée, fraisage de zones inactives) et la renaturation de tourbières exploitées (par inondation sous une faible profondeur d'eau via la création de digues).
- La gestion conservatoire des dépressions tourbeuses intra-dunales : l'exemple des dunes du Nord de la France - Yves Petit-Berghem p. 3 Le littoral du nord-ouest de la France est occupé en grande partie par des dunes d'ampleur variable dont la valeur patrimoniale est aujourd'hui reconnue. Ces dunes offrent aux visiteurs qui les parcourent des paysages variés parmi lesquels émergent des dépressions tourbeuses chargées d'une valeur affective et dignes du plus grand intérêt pour les naturalistes. Ces zones humides représentent des territoires d'exception dans la mesure où elles constituent des sites d'accueil pour des espèces végétales ou animales menacées de disparition. La survie de ces espèces est conditionnée par des pratiques de gestion respectueuses de la qualité de l'environnement. Une gestion conservatoire est appliquée de nos jours et permet grâce à des réglementations et à des outils techniques adaptés de conserver ou restaurer une biodiversité dans les espèces ou dans les paysages.
- Quel mode de gestion conservatoire pour les tourbières ? L'approche interventionniste en question - Hervé Cubizolle, Céline Sacca p. 4 Admise dans le fond, la gestion conservatoire des tourbières suscite, dans la forme, de nombreuses interrogations notamment lorsqu'il s'agit de réguler et de maîtriser les dynamiques naturelles de ces écosystèmes. De notre point de vue la recherche d'une biodiversité optimale et idéale, qui sous-tend cette démarche interventionniste, ne doit plus être envisagée à l'échelle d'un site mais à celle de l'ensemble des tourbières d'une région géographique pertinente. La décision d'engager des actions d'entretien ou de restauration devrait par ailleurs s'appuyer sur des diagnostics scientifiques et un suivi approprié de l'évolution de ces milieux. Cette approche, plus à l'écoute des écosystèmes, permettrait une utilisation plus efficace des financements consacrés à la conservation des tourbières. Enfin on retiendra qu'un réseau de surveillance des tourbières est opérationnel pour le Massif central oriental et qu'il commence à se structurer au niveau national. Du fait de la sensibilité des tourbières aux changements climatiques et aux activités humaines il pourrait devenir un élément clef d'un dispositif de veille environnementale qui intégrerait le suivi de nombreux écosystèmes.
- Les modèles théoriques de développement des hauts-marais : un outil pour la gestion conservatoire des tourbières - Pierre Goubet, Gilles Thebaut, Gilles Petel p. 5 Les hauts-marais - ou tourbières ombrotrophes bombées - sont des écosystèmes caractérisés par des végétations turfigènes qui reposent sur un histosol hydromorphe formant un tertre indépendant des nappes locales. Leurs intérêts biologique, historique et paléoécologique ont suscité des démarches de préservation, menant à l'élaboration de diagnostics et d'actions de gestion. Pour être pertinents, ces derniers doivent s'appuyer sur un modèle conceptuel de fonctionnement. L'objectif de ce travail est donc de proposer un modèle de développement des hauts-marais à partir d'une synthèse de la littérature récente. Il en ressort que le haut-marais est un écosystème auto-organisé, fortement dépendant du rôle des sphaignes dans l'élaboration des premiers éléments de l'écosystème, la conservation de la matière organique et le maintien d'un milieu hostile aux compétiteurs potentiels comme les arbres. Les études paléoécologiques montrent que les végétations les plus turfigènes correspondent à celles croissant sur les buttes, avec Sphagnum austinii (disparu de France), S. fuscum et S. capillifolium, ou celles des banquettes à S. magellanicum et S. rubellum. La forme générale du haut-marais résulte d'un équilibre avec le volume d'eau circulant dans le système. Sa microtopographie de surface est dépendante des phénomènes de compétition entre les différentes sphaignes et du volume d'eau circulant dans le système. Végétations, forme générale et microtopographie résultent de phénomènes complexes faisant intervenir les relations entre les plantes, le sol et l'eau. En intégrant l'ensemble de ces données, le diagnostic fonctionnel, mais aussi l'élaboration et le suivi des actions de gestion, n'en seront que plus efficaces.
- Subsistence farming and conservation constrains in coastal peat swamp forests of the Kosi Bay Lake system, Maputaland, South Africa - Retief Grobler, Christoph Moning, Jan Sliva, George Bredenkamp, Piet-Louis Grundling p. 6 La conciliation difficile entre cultures vivrières et conservation de la nature dans les forêts marécageuses côtières de Kosi Bay dans le Maputaland en Afrique du Sud Le Maputaland est un secteur de la province du Kwazulu-Natal, une région située au nord-est de l'Afrique du Sud, près des frontières avec le Swaziland et le Mozambique. Ce secteur correspond d'un point de vue géomorphologique à l'extrémité sud de la plaine côtière du Mozambique et d'un point de vue bio-climatique aux confins méridionaux de la zone tropicale africaine. Aussi de nombreuses espèces tropicales se trouvent ici à la limite de leur aire de répartition. Le Maputaland accueille par ailleurs l'essentiel des zones tourbeuses d'Afrique du Sud avec 60 % des tourbières nationales. Celles des forêts marécageuses - swamp forests - de la région côtière, bien que les plus riches d'un point de vue biologique, sont parmi les moins bien étudiées alors même qu'elles sont sérieusement menacées de disparition par la très forte pression des communautés agricoles locales. Les études dont cet article rend compte s'appuient sur une base de données constituée en mai 2003 à partir de 34 sites tourbeux sites au c?ur des forêts marécageuses. Elle comporte un ensemble d'informations relatives à la végétation mais également à la pédologie, à l'occupation humaine, aux perturbations anthropiques?. Une classification des tourbières a ensuite été réalisée au moyen du modèle TWINSPAN qui a proposé dix classes, des tourbières intactes à celles largement affectées par les interventions humaines. Une analyse statistique a ensuite permis de mettre en évidence les principaux facteurs de la dégradation des tourbières qui sont liés à la progression des cultures vivrières au c?ur même de la forêt. Il apparaît que certaines zones tourbeuses ont désormais un fonctionnement hydrologique gravement affecté, ce qui menace la structure même des forêts marécageuses. A cela s'ajoutent les conséquences sur la qualité de l'eau et la disponibilité en nutriments des eaux lacustres qui, en plus de leurs intérêts écologiques, sont une zone de pêche pour les populations locales. Cette situation pose un double problème : celui de la conservation des tourbières et des forêts primaires qui les abritent d'une part, celui de l'avenir des populations locales qui peu à peu détruisent les milieux qui les font vivre. Des solutions sont à imaginer pour concilier les intérêts des populations à long terme et le maintien de la biodiversité, cela dans la perspective d'un développement durable.
- Les tourbières de la Terre de Feu en Argentine : un patrimoine naturel très menacé - Rodolfo J. Iturraspe, Adriana B. Urciuolo p. 7 Les tourbières de la partie argentine de la grande île de la Terre de Feu couvrent 2600 km2, une superficie qui représente 90% de l'ensemble des étendues tourbeuses du pays. Trois grands types ont été identifiés : les tourbières bombées à Sphagnum, les tourbières de couverture, les tourbières basses à cypéracées. Leur flore et les archives paléoécologiques conservées dans la tourbe confèrent à ces écosystèmes humides un intérêt patrimonial incontestable auquel s'ajoute leur importance dans le fonctionnement hydrologique des bassins versants et l'attrait qu'il représente pour les touristes du fait de leur originalité paysagère. L'emprise humaine sur les tourbières de la Terre de Feu est demeurée longtemps négligeable. Mais ces dernières années les menaces qui pèsent sur leur intégrité se sont multipliées : extraction de tourbe, développement urbain, construction d'infrastructures routières et maintien d'une forte pression des cheptels bovins et ovins. Ce sont les conséquences de l'activité extractrice qui sont les plus préoccupantes. En six ans, la quantité de tourbe extraite a été multipliée par quatre et l'absence de politique conservatoire laisse présager une croissance notable des quantités produites dans les années à venir. Il est urgent de réfléchir à une gestion plus rationnelle et durable de la ressource. Des adaptations de la législation sont nécessaires pour permettre la protection des sites les plus remarquables, d'une part et imposer la restauration des sites endommagés par l'extraction, d'autre part.
- Threats and protection for peatlands in Eastern Canada - Monique Poulin, Line Rochefort, Stéphanie Pellerin, Jacques Thibault p. 8 Les tourbières sont des milieux humides qui couvriraient entre 3 et 4% de la surface terrestre, soit approximativement 4 millions de km2. Au Canada, une des plus récentes estimations évalue la superficie des tourbières à environ 170 millions d'hectare et, contrairement aux tourbières européennes, la très grande majorité demeure exempte de toutes perturbations anthropiques. Compte tenu de la très vaste étendue du territoire canadien, il est très difficile d'obtenir des données précises concernant la destruction et l'exploitation des tourbières pour l'ensemble du pays. Nous présentons donc des informations détaillées sur ce sujet seulement pour le Québec et le Nouveau-Brunswick. Au Québec, la perte de superficie des tourbières est principalement attribuable à la construction de barrages pour la production d'hydroélectricité. Ainsi, 120 000 ha de tourbières ont-elles été inondées, ce qui représente environ 1% de l'ensemble des tourbières de la province. Au Nouveau-Brunswick, la récolte de tourbe pour la production de terreau horticole est la principale source de perturbation. Cela représente 6 800 ha de tourbières qui ont été ou sont encore en exploitation, soit l'équivalent de 5% de la ressource en tourbe de la province. Malgré le faible pourcentage que représentent les tourbières perturbées au Canada, il existe de très forts déséquilibres régionaux; les tourbières ont en effet presque disparues de certaines régions densément peuplées. Des actions immédiates sont donc nécessaires pour assurer le maintien des tourbières dans l'ensemble des régions du pays. Les provinces ayant les plus grandes proportions de tourbières protégées sont le Manitoba (25%), la Nouvelle-Écosse (15%), l'Île du Prince-Edouard (12,5%) et le Nouveau-Brunswick (11%). Dans les autres provinces, la proportion de tourbières protégées est moindre. Par exemple, au Québec 3,6% des tourbières bénéficient d'un statut de protection. Il est donc urgent que le Canada, et chacune des provinces, mettent sur pied des plans de conservation et une législation claire afin de protéger les tourbières et ainsi atteindre les standards mondiaux.
- Compte rendu de : Écologie des tourbières du Québec-Labrador, PAYETTE S., ROCHEFORT L. (dir.), 2001, Les Presses de l'Université Laval, 621 p. - Hervé Cubizolle p. 9
- Compte rendu de : Wise use of mires and peatlands. Background and principles including a framework for decision making, HOOSTEN H., CLARKE D., 2002, International Mire Conservation Group and International Peat Society, Finlande, 324 p. - Céline Sacca p. 10