Contenu du sommaire : Économie expérimentale

Revue Revue d'économie politique Mir@bel
Numéro volume 111, janvier-février 2001
Titre du numéro Économie expérimentale
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Introduction : Expérimenter en économie ou en gestion - Bertrand Munier p. 1-5 accès libre
  • Beyond Ellsberg's paradox : Modeling the effets of vagueness in risky decisions - David V. Budescu, Kristine M. Kuhn, Karen M. Kramer p. 7-28 accès libre avec résumé
    Le célèbre Paradoxe d'Ellsberg [1961] a attiré l'attention sur l'importance de la précision des probabilités qui sous-tendent les choix risqués. A la suite de ce travail de pionnier, de nombreuses études ont montré que les sujets ont en général une aversion à l'imprécision (au caractère vague) qui entache la spécification des probabilités. Dans nombre de décisions risquées importantes, l'information est imprécise à la fois sur les probabilités et les conséquences, et des recherches précédentes ont démontré que des conséquences déterminées de façon vague ont des effets similaires à ceux de l'imprécision sur la détermination des probabilités. Le présent travail examine les effets joints de l'imprécision sur les deux attributs. Pour ce qui nous intéresse ici, les paris sont considérés comme également vagues si le domaine de leurs valeurs espérées possibles sont identiques, et des paris variables en précision sont définis comme égalisés si leurs valeurs espérées moyennes sont égales. Nous résumons les résultats de trois études précédentes dans lesquelles les sujets ont fournis les Equivalents Certains (Ecs) d'options égalisées, ou fait un choix entre des paires de telles options, alors que celles-ci étaient variables en termes de probabilités, de conséquences et de précision avec laquelle chaque dimension était spécifiée. Nous proposons un nouveau modèle de décision avec des attributs spécifiés de façon imprécise qui généralise le modèle de la théorie des perspectives aléatoires (de la Prospect Theory). Le modèle définit une nouvelle opération de « résolution d'imprécision » dans la phase d'édition. De façon cohérente avec la formulation d'Ellsberg, cette opération représente un domaine de valeurs (probabilités ou résultats) par une moyenne pondérée de ses points extrêmaux. Les résultats de cette opération sont utilisés dans la phase d'évaluation pour permettre de prendre des décisions (p. ex. d'effectuer des choix, de choisir des Ecs) sur des perspectives aléatoires imprécises. Les poids attachés aux deux points focaux (terminaux) reflète leur saillance relative et peuvent être utilisés pour catégoriser les profils de préférences en neutralité pour l'imprécision, aversion pour l'imprécision et inclination pour l'imprécision. Le nouveau modèle a pu être calé avec succès sur les résultats des trois études rappelées. Les paramètres estimés sont cohérents avec et confirment les profils de préférences découverts par l'analyse qualitative. Nous concluons par une discussion générale des propriétés du nouveau modèle.
  • Substitutions probabilistiques et décision individuelle devant le risque : Enseignements de l'expérimentation - Mohammed Abdellaoui, Bertrand Munier p. 29-39 accès libre avec résumé
    Cet article utilise l'expérimentation en laboratoire comme un outil permettant de départager certains des modèles nouveaux de choix dans le risque proposés dans les vingt dernières années pour décrire les comportements face au risque. En effet, les modèles proposés reposent sur des interprétations divergentes des écarts constatés par rapport au modèle de l'utilité espérée. L'interprétation fournie par le modèle « à dépendance de rangs » ? proposé indépendamment par J. Quiggin, M. Yaari et M. Allais ? peut être fondée sur le concept de « substitution probabilistique ». Cette interprétation est rappelée et contrastée avec celle des modèles qui préservent la rectilinéarité (betweenness) des lieux d'indifférence. Au lieu de chercher à « caler » les différents modèles par rapport à des données d'observation, l'expérimentation cherche à observer les comportements des sujets à travers les indifférences révélées et à rapprocher ces observations des caractéristiques impliquées par les modèles à départager. Ce programme de recherche, développé au GRID pendant plusieurs années et brièvement résumé en quelques pages ici, conduit à conclure que la capacité descriptive du modèle à dépendance de rangs apparaît comme la plus satisfaisante.
  • Information aggregation, speculation, and arbitrage in a simple option market experiment - Bettina Rockenbach p. 41-65 accès libre avec résumé
    Le fait que les occasions d'arbitrage soient exploitées est une hypothèse fondamentale de la détermination théorique du prix des options. Les études empiriques et expérimentales de décision d'investissement font cependant ressortir que l'arbitrage n'est pas exploité complètement par les individus. Au contraire, le comportement observé est bien mieux expliqué par les modèles de comptabilité mentale (Thaler (1985JJ), dans lesquels différents types d'actifs sont évalués séparément. Néanmoins, la question de savoir si des occasions d'arbitrage inexploitées pourront aussi être observées dans des contextes de marché, pour lesquels les arbitragistes apprennent les uns des autres et dans lesquels les prix peuvent être influencés par quelques agents à l'affût d'arbitrage, reste une question ouverte. Le présent article fait le compte-rendu d'une expérimentation sur le commerce des options dans un contexte de marché et compare des hypothèses concurrentes : détermination de prix par élimination d'arbitrage (DPEA), équilibres d'anticipations rationnelles (EAR) et plusieurs hypothèses de comptabilité mentale. Toutes les hypothèses de comptabilité mentale ont une capacité d'explication significativement supérieure à celles de la DPEA et des EAR, mais ne sont pas significativement départageables entre elles. En terminant, on procède è une revue critique des comportements typiques de l'échange individuel qui pourraient être è l'origine de la défaillance des marchés quant à la DPEA.
  • Jeu de l'investissement et coordination par les intentions : Des résultats expérimentaux - Claude Meidinger, Stéphane Robin, Bernard Ruffieux p. 67-93 accès libre avec résumé
    Des résultats expérimentaux concernant les problèmes de coordination des joueurs sur des issues mutuellement avantageuses du jeu de l'investissement sont ici présentés. Ces résultats font apparaître l'importance de processus de communication d'intentions entre les joueurs pour réaliser cette coordination dans différents contextes (jeu séquentiel ou simultané, avec ou sans communication cheap talk, répété avec ou sans médiateur).
  • Envie et réciprocité dans un jeu d'ultimatum concurrentiel : Une étude expérimentale - Nadège Marchand p. 95-119 accès libre avec résumé
    La plupart des expérimentations réalisées sur le jeu d'ultimatum montrent la persistance de comportements déviants des prédictions de l'équilibre de Nash parfait en sous-jeu en direction du partage égalitaire. De nombreuses contributions attribuent cette anomalie théorique à la justice réciproque. Dans ce papier, la justice réciproque est étudiée sous un angle nouveau. L'expérimentation réalisée étudie un jeu d'ultimatum concurrentiel dans lequel un offreur et deux répondants doivent se mettre d'accord sur le partage d'une somme d'argent. Le second répondant participe au jeu que si le premier répondant et l'offreur ne réussissent pas à trouver un accord. Dans cette dernière étape du jeu, l'offreur et le second répondant sont confrontés à un jeu d'ultimatum. Contrairement aux prédictions des modèles d'aversion pour l'inégalité de Bolton Ockenfelds (à paraître) et de Fehr Schmidt [1999], les résultats obtenus dépendent de l'envie réciproque entre les deux répondants résultant, pour le premier répondant, de l'absence de droit de punition, et, pour le second répondant, du droit conditionnel au partage.
  • Innovation, avantages concurrentiels et concurrence : Une analyse expérimentale des incitations à innover et de l'efficacité des marchés en présence de chocs endogènes - Céline Jullien, Bernard Ruffieux p. 121-149 accès libre avec résumé
    Cet article présente les résultats d'une série d'expériences visant à analyser les comportements individuels d'innovation de procédés sur les marchés concurrentiels de double enchère orale continue. Le protocole des expériences consiste en une succession de périodes constituées chacune de deux phases : (1) investissements individuels en R?D et (2) marché. Les décisions d'investissement sont simultanées et les innovations non-exclusives et cumulatives. Nous étudions l'impact des anticipations relatives à la formation des prix sur le marché sur les comportements d'investissement, et l'effet de trois variables ? risque, diffusion et information ? sur l'efficacité des marchés et les comportements. Les résultats montrent notamment qu'en présence d'innovations endogènes, les marchés concurrentiels sont globalement efficaces. Néanmoins, la vitesse de convergence vers l'équilibre concurrentiel est réduite en période de chocs endogènes sur la fonction d'offre. Les producteurs investissent durablement en R?D et innovent même en présence d'effet de diffusion mais ne coordonnent pas efficacement leurs décisions.
  • Une comparaison franco-allemande de la confiance et de la réciprocité : Une expérimentation fondée sur le jeu de l'investissement - Marc Willinger, Christopher Lohmann, Jean-Claude Usunier p. 151-172 accès libre avec résumé
    Nous comparons les résultats d'un jeu de l'investissement en une période, proposé par Berg et al. [1995], dans le cas de la France et de l'Allemagne. Le jeu de l'investissement est un jeu à deux étapes et deux joueurs avec un équilibre parfait en sous-jeux unique. Avant que le jeu ne commence, chaque joueur est doté de 10 Euros. A l'étape 1, le joueur A a la possibilité d'envoyer entre 0 et 10 Euros au joueur B, qui reçoit le triple du montant envoyé par le joueur A. A l'étape 2, le joueur B doit décider combien d'Euros il souhaite renvoyer au joueur A. L'équilibre parfait en sous-jeux consiste pour le joueur B à ne rien renvoyer au joueur A, et pour le joueur A, étant conscient de cela, à ne rien envoyer au joueur B. Nous avons observé les décisions de 30 paires de sujets en France et de 30 paires de sujets en Allemagne. L'investissement moyen est de 4,2 Euros en France contre 6,6 Euros en Allemagne. La différence est significative au seuil de 1%. Dans les deux pays, les joueurs B ont gagné significativement plus que les joueurs A. Cependant les joueurs B allemands ont gagné significativement plus que les joueurs B français. Cela est principalement dû au fait que le niveau de réciprocité s'est avéré le même qu'en France (40% en moyenne) en dépit de niveaux d'investissement plus élevés en Allemagne. En conséquence, les niveaux d'investissement plus élevés en Allemagne ont surtout profité aux joueurs B. Ces résultats apportent un soutien empirique à la conjecture de Fukuyama suivant laquelle le niveau de confiance est plus élevé dans des pays tels que l'Allemagne (ou les États-Unis) que dans des pays comme la France (ou l'Italie), ce qui pourrait expliquer un niveau plus élevé de performance économique. Néanmoins, nos résultats montrent également que l'accroissement de revenu consécutif au niveau plus élevé de confiance est partagé de manière inéquitable en Allemagne comme en France et accroît surtout les gains des joueurs B.
  • Égalitarisme et responsabilité : Une investigation expérimentale - Valérie Clément, Daniel Serra p. 173-193 accès libre avec résumé
    Comment devrait-on distribuer des ressources rares entre les membres d'une population donnée, dont les ressources, les goûts et les capacités diffèrent. L'approche welfariste est généralement privilégiée par les économistes comme réponse à cette question de justice sociale. Mais l'idée de responsabilité individuelle reste étrangère à cette littérature. Ce n'est plus le cas de l'approche égalitariste post-welfariste initiée par John Rawls. Elle se trouve même au c?ur de l'argumentation développée par le courant de l'« égalité des opportunités » (Arneson, Sen, Cohen, Roemer). L'étude se propose d'évaluer empiriquement ce principe de justice à travers une expérimentation en laboratoire. Elle fournit certains résultats provisoires sur la validité de ce critère appliqué à la sphère de la santé, en se concentrant plus précisément sur la distribution des soins dentaires. Mais, parallèlement, elle offre une réflexion originale sur les techniques d'investigation expérimentale dans le champ de l'éthique sociale, en prolongeant les rares travaux pionniers entrepris dans cette direction (Yaari et Bar-Hillel, Schokkaert et Overleat, Frohlich et Oppenheimer).