Contenu du sommaire : Varia
Revue | Revue d'économie politique |
---|---|
Numéro | volume 120, mars-avril 2010 |
Titre du numéro | Varia |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Avant-propos. Zone euro et union monétaire : dix ans plus tard, un rendez-vous manqué ? - André Cartapanis p. 237-246
- Politiques macroéconomiques et réformes structurelles : Bilan et perspectives de la gouvernance économique au sein de l'Union Européenne - Jean-Paul Fitoussi, Jean-Luc Gaffard, Francesco Saraceno p. 247-268 Les années de préparation et d'installation de l'euro ont été des années de croissance faible ou médiocre dans les grands pays de la zone. Cette performance décevante est, souvent, attribuée aux défaillances des marchés de biens et du travail et, par suite, à l'insuffisante attention portée aux réformes structurelles touchant au fonctionnement de ces marchés. Dans cette perspective, la politique monétaire ne saurait être incriminée, pas plus que les règles du Pacte de stabilité. La crise financière, tout en conduisant à envisager de suspendre certaines règles contraignantes, ne ferait que confirmer la pertinence de la gestion des taux d'intérêt par la Banque Centrale Européenne qui se serait avérée beaucoup plus appropriée que celle qui a prévalu outre-Atlantique. Cet article propose une lecture sensiblement différente de la réalité en considérant que la faible croissance est la conséquence de politiques macroéconomiques restrictives plus que la résultante du refus de réformes structurelles qui furent nombreuses en cette période. Elle n'est pas liée à l'existence de l'euro qui ne pouvait que favoriser la croissance en évitant les turbulences monétaires. Elle tient à la nature du compromis politique qui a présidé à la mise en œuvre de la monnaie unique. Celui-ci en imposant des critères de neutralité monétaire et budgétaire et en poussant à des réformes structurelles dont le véritable enjeu est de faire accepter une nouvelle norme de répartition des revenus, ne pouvait être que préjudiciable à la croissance. La refondation des politiques de croissance exige une révision de cette norme dont la crise financière peut fournir l'opportunité.Macroeconomic policies and structural reforms : assessment and perspectives of the governance of the European Union The run up to the euro has been characterized by soft growth especially in the largest countries of the zone. This disappointing performance is often imputed to the insufficient extent of structural reforms in labour and product markets. The ECB conduct of monetary policy, and the Stability and Growth Pact, would on the other hand have no negative role in the growth performance of euro zone countries. The financial crisis while calling for a temporary softening of the constraints (notably on fiscal policy), would also confirm that monetary policy was more virtuous in the euro zone than in the United States. This article proposes a radically different interpretation. We argue that soft growth is the consequence of restrictive macroeconomic policies. These are not linked to the existence of the euro per se, that in fact has helped growth by minimizing monetary perturbations, but rather to the political compromise that led to the current institutions for the economic government of Europe. This compromise imposed rules for monetary and fiscal neutrality while pushing for structural reforms whose main objective was to impose a new norm on the distribution of wealth. Putting in place the appropriate policies for growth requires rethinking this norm, and the financial crisis may be an opportunity to do so.
- L'art du central banking de la BCE et le principe de séparation - Christian Bordes, Laurent Clerc p. 269-302 Cet article examine l'art du central banking de la BCE en reprenant la distinction proposée par Goodfriend [2009] entre les trois politiques qui sont du ressort d'une banque centrale : la politique monétaire qui consiste à faire varier la taille de son bilan ; la politique du crédit qui consiste à en modifier la structure et la politique de taux d'intérêt qui consiste à modifier les taux sur la facilité de prêt marginal et sur la facilité de dépôt. La « littérature » théorique souligne l'existence d'un principe de séparation entre la première, orientée vers la stabilité monétaire, et les deux autres politiques, orientées vers la stabilité financière identifiée au bon fonctionnement du marché monétaire interbancaire ; elle montre en particulier qu'une banque centrale non seulement a la possibilité mais doit s'efforcer de séparer la conduite de sa politique monétaire, qui doit être fondée sur la recherche de la stabilité des prix à moyen et long terme, de sa politique du crédit, qui obéit à des impératifs de court terme et consiste à approvisionner le système bancaire en liquidité en cas de chocs transitoires sur la demande de monnaie. Le principe de séparation, qui a guidé l'action de la BCE durant la première phase de la crise, est devenu de plus en plus difficile à maintenir quand les taux d'intérêt se sont rapprochés de zéro. Les mesures non conventionnelles adoptées par la BCE ont en effet créé une interférence entre sa politique monétaire, sa politique du crédit et sa politique de taux d'intérêt.The art of central banking of the ECB and the separation principle This paper examines the art of central banking as practised by the European Central Bank (ECB) through the prism of Goodfriend's [2009] determination of the three policies that fall within the remit of a central bank : monetary policy, which consists in varying the size of the balance sheet, credit policy, which consists in modifying the credit structure, and interest rate policy, which consists in adjusting the interest rates of the marginal lending and deposit facilities. The theoretical literature emphasises the existence of a principle of separation between the first policy, which seeks to ensure monetary stability and the other two policies, which are intended to ensure financial stability through the smooth functioning of the interbank money market. This paper shows in particular that a central bank not only has the capacity but indeed must strive to separate the conduct of its monetary policy, which must seek to ensure medium and long-term price stability, from that of its credit policy, which is driven by short-term imperatives and consists in supplying the banking system with liquidity in the event of temporary money demand shocks. During the first part of the crisis, the ECB acted in accordance with the principle of separation. However, it became increasingly difficult to apply as interest rates approached the zero-lower-bound. In effect, the unconventional measures adopted by the ECB created interference between its monetary policy, its credit policy and its interest rate policy.
- L'Eurosystème et l'intégration financière européenne - Jean-Paul Pollin p. 303-334 On s'interroge dans cet article sur la conception de l'intégration financière adoptée par l'Eurosystème. On montre, tout d'abord, que les actions entreprises pour créer un espace financier homogène n'ont pas permis de faire converger les comportements et les systèmes financiers en Europe. On cherche ensuite à expliquer ces différences persistances par la diversité des modèles économiques et sociaux (ou des configurations institutionnelles) dans les pays de la zone : il n'existe donc pas a priori de système financier optimal. Enfin, la comparaison des transformations opérées en Allemagne et en France par la libéralisation et la globalisation financières fait apparaître des évolutions très contrastées qui conduisent à douter de la stratégie d'intégration choisie et en conséquence de la viabilité de l'union monétaire.The Eurosystem and the European Financial Integration In this article we question the conception of financial integration supported by the Eurosystem. We show, first, that the actions undertaken to create a homogeneous financial space in Europe failed to ensure convergence of the national financial behaviours and systems. Then we try to explain these persistent heterogeneities by the diversity of economic and social models prevailing in the different european countries. Lastly we compare the consequences of financial liberalization and globalization in Germany and in France. Observations point very different macroeconomic evolutions in these countries, which is challenging for the viability of the monetary union.
- Les effets de l'introduction de l'euro sur les exportateurs français : une analyse sur données individuelles - Antoine Berthou, Lionel Fontagné p. 335-354 Dans quelle mesure l'introduction de l'euro a bénéficié aux exportateurs français ? Nous procédons à une analyse empirique détaillée à partir de données d'exportation, au niveau de la firme, fournies par les douanes françaises. Chaque année, les firmes françaises exportent davantage vers les destinations les plus intégrées (Union Européenne à 15 membres). Cet effet transite principalement par un nombre de flux individuels plus importants : davantage de firmes exportent vers l'UE15 ; ces firmes exportent davantage de catégories de produits. La valeur des flux individuels d'exportation, destinés à l'UE15, est elle aussi plus importante. Dans une seconde étape, nous nous intéressons aux effets de l'adoption de l'euro en 1999. Nos résultats montrent que l'euro a permis d'accroître le nombre de flux individuels d'exportation destinés aux pays membres de la zone euro. Après 1999, chaque exportateur exporte vers la zone euro davantage de catégories de produits. En revanche, nos résultats montrent que le nombre d'exportateurs n'a pas été affecté.The effects of euro introduction on French exporters
How economic integration does affect the profile of firms' exports ? Did euro introduction benefited to French exporters ? And if so, how did they expand ? We investigate these issues by using detailed French firm-level exports data, provided by the French customs. First, we find that French firms export disproportionately more to the most integrated destinations (European Union). When these destinations are considered, we find that more firms export more products, each year, as compared to less integrated regions. Hence, more individual shipments are registered, each year, for these destinations. The value of exports that is recorded for each individual shipment is also more important. In a second step, we quantify the effects of a greater integration due to the adoption of the euro in 1999. We find that the euro promoted French exports to eurozone destinations, as compared to similar destinations outside the eurozone. This effect is channeled mainly through the number of individual shipments. French firms increased the number of products they export, each year, to eurozone destinations. However, the number of exporters remained unaffected. - Le rôle international de l'euro : chronique d'une décennie - Agnès Bénassy-Quéré, Benoît C?uré p. 355-377 Onze ans après la création de l'euro, cet article fait le point sur la place de la monnaie européenne sur la scène internationale. La zone euro n'a pas encore trouvé son point d'équilibre en matière de représentation extérieure et son poids économique relatif est appelé à régresser dans les décennies à venir, mais l'euro n'en a pas moins acquis un rôle important sur les marchés financiers internationaux. La monnaie européenne s'est imposée comme réserve de valeur et comme monnaie régionale mais elle ne concurrence pas le dollar des États-Unis comme monnaie véhiculaire. Son potentiel de rayonnement demeure important, notamment en cas d'unification du marché des titres de dette publique libellés en euro. Un scénario possible est l'avènement, spontané ou non, d'un système polycentrique dans lequel l'euro jouerait un rôle-clé aux côtés du dollar et peut-être du yen ou du renminbi. Le système monétaire international reconnaîtrait alors la réalité d'une économie mondiale devenue multipolaire et dépasserait le paradoxe de Triffin, qui menace aujourd'hui la domination du dollar. L'impact d'une telle évolution sur le taux de change de l'euro est incertain, le lien entre statut international et taux de change des monnaies n'étant pas univoque. Tout au plus les Européens pourraient-ils espérer que dans un tel environnement, le taux de change de l'euro amortirait mieux les chocs économiques qui frappent la zone euro, ce qu'il n'a guère fait par le passé.The international role of the euro : chronicle of a decade Eleven years after the creation of the euro, this article surveys the international role of the European currency. The external representation of Eurozone has not yet reached its equilibrium point, and the relative economic weight of the area is bound to diminish in future years but this has not prevented the euro from gaining a prominent role on international financial markets. The euro has risen mainly as a reserve of value and as a regional currency but it has not become a competitor to the US dollar as a vehicle currency. Its development potential is still large, in particular if the markets for euro-denominated government securities were to be unified. A possible scenario would be the advent of a multi-centered system with several key currencies, including the dollar, the euro, and possibly the yen and the renminbi. The international monetary system would thus follow the rebalancing of economic power and this would solve the Triffin paradox, which threatens today the dominance of the dollar. The consequences for the exchange rate of the euro would be unclear, the link between the international status of a currency and its exchange rate being ambiguous. At most could the Europeans hope in such an environment that the exchange rate of the euro would better cushion the economic shocks faced by the Eurozone, which it has not really done so far.
- La théorie des zones monétaires optimales au regard de l'euro : Quels enseignements après dix années d'union économique et monétaire en Europe ? - Marc-Alexandre Sénégas p. 379-419 Ce travail tente de tirer les leçons d'une décennie d'euro quant à la portée des enseignements de la théorie des zones monétaires optimales tant sur le plan du fonctionnement d'une union monétaire que sur celui de l'évaluation des coûts et des bénéfices qui en découlent pour les économies membres. Pour ce faire, on considère à la fois l'approche (traditionnelle) des ZMO fondée sur la recherche de critères et celle mettant l'accent sur le caractère endogène de l'optimalité d'une union monétaire. Le bilan de dix ans d'euro fait apparaître les limites de la première approche (notamment au regard de la nature des asymétries qui peuvent prévaloir dans une union monétaire) alors qu'il apporte un soutien modéré à la thèse d'une ZMO endogène dans le cas de l'UEM.The theory of Optimum Currency Areas in the light of EMU: A critical survey of the insights drawn from a decade of economic and monetary union in Europe This paper tries to draw some lessons of the experience of ten years of EMU for the theory of Optimum Currency Areas. It examines whether, in the light of EMU, the OCA theory may be considered as a relevant framework for assessing the functioning of a monetary union as well as the costs and benefits which ensue from it for its member countries. To this aim, both the traditional approach of OCA (based on the quest for optimality criteria) and the endogeneity approach (according to which a monetary union will endogenously become an optimal currency area) are considered. It appears that the first approach may be of limited scope if we would like to use it so as to assess the role played by asymmetries in the functioning of a monetary union. Moreover, only moderate evidence is found that EMU is endogenously turning into an optimum currency area.