Contenu du sommaire : L'Amérique-image

En disant que l'Amérique est « image » on la définit aussi comme « copie » ou « imitation ». Les voyageurs européens de Tocqueville à Baudrillard ont noté ce phénomène de secondarité ou de retard dans les formes culturelles américaines. On trouve une observation similaire, quoique d'un point de vue différent, dans le travail de plusieurs photographes américains. Dans les images de Walker Evans et de Lee Friedlander, des visions plus ironiques ou plus humoristiques donnent une dimension plus optimiste et plus facétieuse au rôle de l'image dans la construction de l'identité américaine : elle devient le lieu et l'instrument d'un réinvestissement inattendu d'un état antérieur à l'image, par le biais d'un jeu de réflexion sur la production des images.

Cet article examine, dans une perspective diachronique, la manière dont le cinéma hollywoodien a occulté ou laissé dans l'ombre des aspects essentiels de l'histoire américaine, en particulier tout ce qui a trait à la politique et à la représentation des minorités. Il évoque d'abord les différentes stratégies mises en oeuvre par l'industrie cinématographique pour contrôler la production, toucher un public issu de la classe moyenne et, en particulier, adapter le contenu des films à un public féminin majoritaire. La seconde partie propose une illustration de la manière dont a fonctionné cette occultation de certains sujets à partir de deux exemples, l'un tiré de The Birth of a Nation (1915), l'autre de So Red the Rose (1935). Dans le premier exemple, on montre que la scène de confrontation entre le forgeron et le groupe de noirs était une revanche filmique sur le prestige acquis à l'époque par le boxeur noir Jack Johnson : Le deuxième exemple éclaire une double question: celle de la représentation des noirs et celle de la femme.