Contenu du sommaire : Les textiles en Méditerranée (XVe-XIXe siècle)
Revue |
Rives méditerranéennes Titre à cette date : Rives nord-méditerranéennes |
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Numéro | no 29, 2008/1 |
Titre du numéro | Les textiles en Méditerranée (XVe-XIXe siècle) |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Avant-propos - p. 7-9
- Production et techniques de tissage de la soie à Bursa aux XVe et XVIe siècles - Frédéric Hitzel p. 11-24 Du XVe au XIXe siècle, Bursa fut l'un des grands centres internationaux de l'industrie et du commerce de la soie ottomane. Le tissage et le transbordement de la soie, originaire de la province du Gilan sur le littoral de la Caspienne en Iran, y firent naître un commerce actif. Les tissus étaient fabriqués en plusieurs dimensions, depuis les petits panneaux de velours jusqu'à de plus grandes pièces servant de panneaux décoratifs. Mais ce sont surtout les magnifiques vêtements, notamment les cafetans de cérémonie destinés au palais impérial, qui assurèrent la réputation de la ville. Le gouvernement ottoman contrôlait la production et encourageait les exportations, sources importantes de revenus. Mais le marché était fluctuant. Aux nombreux conflits qui entravèrent l'approvisionnement régulier en soie grège, s'ajoutèrent les difficultés propres aux grands commerçants et aux corporations de tisserands. Ceux-ci voyaient leurs marges laminées entre la hausse du coût de la matière première, celle de la main-d'œuvre et les prix de vente imposés par la loi. Malgré l'acclimatation du mûrier et l'introduction de la sériciculture dans la seconde moitié du XVIe siècle, le tissage de la soie à Bursa déclina progressivement.From the 15th to the 19th century, Bursa was one of the great international centres of the Ottoman silk trade and industry. Silk Weaving and transhipment, originally from the Gilan province on the coast of the Caspian Sea in Iran, gave rise to an active trade in the region. The textiles were manufactured in different dimensions, from small suede panels to larger pieces used as decorative panels. But above all it was the magnificent garments, more particularly the ceremonial kaftans intended for the imperial palace which ensured the reputation of the city. The Ottoman government controlled production and encouraged exports, which brought in important sources of income. But the market was fluctuating. In addition to the numerous conflicts which hindered the regular supply of raw silk, were the common difficulties experienced by great traders and weaver corporations. They saw their margins greatly reduced by the cost increase in raw materials, labour and selling prices imposed by the law. Despite the acclimatisation of the mulberry tree and the introduction of silk culture in the second half of the 16th century, silk weaving progressively declined in Bursa.
- La production textile à Rosette au XVIIIe siècle - Naser Uthman p. 25-36 Ce travail étudie la production textile de Rosette au cours du XVIIIe siècle grâce à l'exploitation de la documentation laissée par les tribunaux religieux de Rosette et d'Alexandrie. Cette riche série d'archives permet de s'intéresser à des questions aussi différentes que les étapes de fabrication, les métiers, les types de production, les problèmes de commercialisation et les propriétaires d'ateliers. Elle met surtout en lumière le poids de l'artisanat du lin dans la ville et montre que l'extrême division du travail et la réglementation édictée par les pouvoirs publics n'ont pas été des facteurs de blocage du développement de l'activité textile.This work examines textile production in Rosette during the 18th Century thanks to the research done on the documentation left behind by Rosette's and Alexandria's religious tribunals. This fine series of archives enables us to look with interest at issues as diverse as the manufacturing stages, crafts, production types, problems of commercialisation and workshop owners. Above all, it sheds the light on the importance of linen handicraft in the city and shows that the extreme division of labour and the regulation enacted by the public authorities were not stopping factors in the development of the textile activity.
- « À la façon du Levant et de Perse » : Marseille et la naissance de l'indiennage européen (1648-1689) - Olivier Raveux p. 37-51 La naissance de l'indiennage marseillais dans la deuxième moitié du XVIIe siècle est une histoire riche d'enseignements pour tenter de comprendre, à travers la diversification et le développement des fabrications textiles, les racines de l'industrialisation européenne. Elle souligne l'importance des espaces méditerranéens et proches-orientaux dans la diffusion des goûts et des techniques asiatiques, permet l'analyse des mécanismes du transfert des technologies depuis l'Orient vers l'Occident et des grands changements internationaux dans la fabrication et les échanges de produits manufacturés.The birth of calico printing in Marseilles in the second half of the 17th century is a story filled with teachings which help understand, through the diversification and development of textile manufacturing, the roots of European industrialisation. This story underlines the importance of the Mediterranean and Near East in the spreading of Asian tastes and techniques. It enables us to analyse the methods used to transfer technologies from the East to the West and the great international changes in the production and exchange of manufactured products.
- Les chrétiens d'Alep dans la fabrication et le commerce des tissus aux XVIIe et XVIIIe siècles - André Raymond p. 53-60 Le spectaculaire progrès de la communauté chrétienne d'Alep à l'époque ottomane est lié au rôle qu'elle joua dans la fabrication et le commerce des tissus, principale activité économique de cette ville. L'extension spatiale du quartier chrétien est parallèle au développement de cet artisanat dans les ateliers (qaysâriyya) du faubourg nord d'Alep. Les chrétiens prirent dans les corporations professionnelles concernées une place importante, correspondant à leur activité, ce qui amena une remarquable (et parfois difficile) coexistence avec les musulmans. Dans le commerce des tissus, les réseaux chrétiens furent fortement impliqués : Arméniens au XVIIe siècle, Alépins au XVIIIe. Quand le schisme dans la communauté orthodoxe (1724) donna naissance à la communauté grecque catholique, la diaspora qui se produisit alors amena le développement en Égypte d'une communauté particulièrement prospère qui s'assura une place importante dans le commerce international des étoffes du Levant.The spectacular growth of the Christian community in Aleppo, during the Ottoman period, is linked with the part it played in the fabrication and trade of cloth, the main economic activity of that city. The spatial expansion of the Christian quarter is parallel with the development of that craft, in the workshops (qaysâriyya) of the northern suburb of Aleppo. The Christians took, in the professional guilds, an important place corresponding with their activity in that field, which caused a remarkable (and sometimes difficult) coexistence with the Moslems. In the cloth trade, the Christian networks, played an important part. They were mainly Armenian in the XVIIth century, Alepine in the XVIIIth. When the schism in the Greek orthodox church (1724) brought about the birth of a new Greek Catholic community, its diaspora to Egypt was the origin of the development of a very prosperous community which was actively involved in the international trade of Levant cloth.
- Marseille, échelle des toiles levantines pour l'Espagne, XVIIe et XVIIIe siècles - Eloy Martín Corrales p. 61-78 Durant l'époque moderne, la Catalogne et l'Espagne ont constitué un grand marché pour les toiles de coton, levantines tout d'abord et européennes une fois le XVIIIe siècle bien avancé. Des raisons politiques et religieuses expliquent que les techniques de l'indiennage ne soient pas arrivées en Catalogne avant les premières décennies du XVIIIe siècle. Dès lors, s'est mis en place un processus d'industrialisation par substitution aux importations, sur la base de la progressive maîtrise de l'impression sur cotonnades levantines amenée par le commerce marseillais. En 1728, pour contrecarrer l'arrivée croissante des toiles de coton levantines ou européennes, les portes du marché espagnol s'ouvrent aux filés de coton maltais, ce qui favorise, quelques décennies plus tard, l'incorporation du tissage aux côtés de l'indiennage catalan. Finalement, à l'extrême fin du XVIIIe siècle, l'arrivée massive de coton brut américain permet d'ajouter la phase de la filature.During the modern times, Catalonia and Spain were great markets for cotton linen, for Levantine linen first of all, and European linen in the more advanced stages of the 18th century. For political and religious reasons, cotton printing techniques did not arrive in Catalonia until the first decades of the 18th century. An industrialisation process, based on the progressive command of printing on Levantine cotton, was then put in place by switching to imports. This improvement was brought in by the Marseilles trade. In 1728, in order to thwart the growing arrival of Levantine and European cotton linen, the doors of the Spanish market opened to Maltese cotton yarn, which favours a few decades later the introduction of weaving alongside Catalan cotton printing. Finally at the very end of the 18th century, the mass arrival of American raw cotton adds the spinning phase to the process.
- De la boutique au comptoir : la trajectoire d'un négociant toulousain en textile, entre traditions et nouveautés (vers 1600-1620) - Gaëlle Lapeyrie p. 79-105 Cet article présente la trajectoire d'un négociant toulousain, Pierre Gloton, qui dirige une firme spécialisée dans le textile dans les années 1600-1620. Il travaille d'abord dans une boutique toulousaine qui vend des étoffes, surtout italiennes, à une clientèle de luxe. L'inventaire des marchandises présentes dans cette boutique permet une réflexion sur des questions peu connues: l'approvisionnement et la consommation des produits textiles au début du xviie siècle. Pierre Gloton passe vers 1610-1615 à la tête d'une firme à l'organisation plus complexe, aux activités plus diversifiées, qui commerce avec les Échelles du Levant. Y a-t-il de sa part une stratégie commerciale qui le pousse à négocier dans le bassin méditerranéen et à s'intéresser à la production textile ? Avec quels objectifs ?This article presents the career of a textile merchant from Toulouse, Pierre Gloton who runs a firm which specialises in textile in the 1600s-1620s. He initially works for a shop which sells fabrics, particularly Italian ones, to very rich customers. The inventory of the goods sold in this shop enables us to reflect over little-known questions: the supply and consumption of textile products in the beginning of the 17th century. Around 1610-1615, Pierre Gloton becomes the head of a firm with a more complex organisation and diversified activities and which trades with the trading ports of the Eastern Mediterranean. Is there a commercial strategy which makes him trade in the Mediterranean region and take an interest in textile production? To what purpose?
- Les tissus dans les boutiques, les tissus dans les maisons : Damas, vers 1700 - p. 107-124 La place essentielle des commerçants du textile dans la société damascène vers 1700 justifie une recherche sur les hommes concernés par ce type d'activité. La source, un corpus de 450 inventaires après décès décrivant des patrimoines, permet la démarche. Ces actes autorisent à la fois la connaissance du contenu des boutiques et des intérieurs domestiques. L'article présente les textiles vendus à Damas (tissus anonymes du pauvre, « indiennes » d'origine locale ou étrangère, riches tissus de coton et soie mêlés, soie), et les étoffes, parfois absentes des boutiques, qu'utilisent hommes et femmes, riches et pauvres, pour leurs vêtements et leurs mobiliers.The essential place of textile merchants in Damascus's society around 1700 justifies a research on the relevant men concerned with this type of activity. The source, a collection of 450 post-mortem inventories describing inheritances, enables us to do this. These documents allow us to find out about the contents of the shops as well as inside the homes. This article presents the textiles sold in Damascus (anonymous fabrics from poor people, “indiennes” of local or foreign origin, rich cotton and blended silk fabrics, silk), as well as the fabrics, sometimes missing in shops, which men and women, poor and rich, use for their clothes and furniture.
- Des goûts et des couleurs. Draps du Languedoc pour clientèle levantine au XVIIIe siècle - Gilbert Buti p. 125-140 Les draps du Languedoc parviennent au début du XVIIIe siècle à s'imposer sur les lointains marchés levantins aux côtés des concurrents anglais jusqu'à constituer le meilleur soutien du commerce de Marseille avec les Échelles. La mise en place de mécanismes de contrôle, sous l'égide de l'État mercantiliste avec la participation des négociants-banquiers exportateurs, a pour objectif d'assurer la fiabilité et l'identification du produit. L'établissement d'échantillons matrice et la diffusion de « montres » pour réaliser les assortiments des ballots indiquent la volonté de garantir la qualité standard du produit de référence, une qualité qui repose sur le savoir-faire des manufacturiers et sur les matières premières employées en conformité avec les règlements (laines fines et solides colorants). Le gonflement de la demande et les changements de goûts de la clientèle ottomane aboutissent à la diversification de l'économie textile et à un moindre respect de la « normalisation ». La rupture du pacte de confiance, que pointe l'infidélité de la production dénoncée par des négociants attachés au label, s'inscrit dans la crise générale que traverse le commerce des draps du Languedoc avec le Levant dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.Woolen clothes from Languedoc manage to take the lead on distant Levantine markets alongside English competitors until becoming the greatest contribution to the trade between Marseilles and the trading ports of the Eastern Mediterranean. The implementation of control mechanisms, under the aegis of the mercantile state with the participation of the exporting trader-bankers, has for objective to ensure the reliability and identification of the products. The introduction of matrix samples and the spreading of “montres” used to make bundle assortments, indicate a willingness to guarantee the standard quality of the reference product, one that rests upon the know-how of the manufacturers and upon the raw materials used in compliance with the regulations (fine wool and colouring solids). The increase in demand and the changes in tastes of Ottoman customers had as an outcome the diversification of textile economics and a lesser respect for the “standardisation”. The breach of this confidence agreement, shown by the inaccuracy of the production exposed by the traders attached to this quality-label, is part of the general crisis through which the Languedoc linen trade with the Levant is going through in the second part of the 18th century.
- La consommation des indiennes à Marseille (fin XVIIIe-début XIXe siècle) - Aziza Gril-Mariotte p. 141-152 La consommation des indiennes à Marseille remonte au XVIe siècle avec les premières importations des Indes et du Levant. Lorsque cette industrie se développe en France dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, les Marseillais toujours aussi férus de ces toiles se tournent vers d'autres sources d'approvisionnements et notamment la célèbre manufacture de Jouy fondée par Oberkampf en 1760. L'étude de pièces de costumes conservées dans les collections régionales confrontées aux archives de la manufacture (lettres adressées par Oberkampf à ses correspondants marseillais, lettres de commandes accompagnées d'échantillons) permet de mieux saisir la consommation de ces toiles à Marseille dans les années 1790-1810 dont les motifs sont révélateurs d'un particularisme régional. Pour satisfaire le goût des Provençaux, Oberkampf imprime non seulement des dessins influencés par les véritables indiennes, mais développe également de nouveaux produits.The consumption of printed cotton in Marseilles dates back to the 16th century with the first imports from India and the Levant. When this industry start developing in France in the second half of the 18th century, people from Marseilles who are still obsessed with this type of linen turn to other sources of supply and particularly the famous Jouy factory founded by Oberkampf in 1760. Research on garment pieces preserved in the regional collections and compared to the factory's archives (letters from Oberkampf to his pen friends in Marseilles, order letters enclosed with samples) enables us to better understand the consumption in Marseilles in the 1790s-1810s of this linen, whose patterns reveal a regional originality. In order to satisfy the Provencal tastes, Oberkampf not only prints drawings influenced by genuine indiennes, but he also develops new products.