Contenu du sommaire : Imaginaires nationaux
Revue | Annales. Histoire, Sciences Sociales |
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Numéro | vol. 58, no 1, janvier 2003 |
Titre du numéro | Imaginaires nationaux |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Histoire croisée
- Penser l'histoire croisée : entre empirie et réflexivité - Michael Werner, Bénédicte Zimmermann p. 7-36 Cet article dessine une présentation programmatique du concept d'histoire croisée, de ses implications méthodologiques et de ses possibilités d'application concrète. L'histoire croisée prolonge les débats et réflexions qui, au cours de ces dernières années, ont été menés en sciences humaines et sociales autour des thèmes de la comparaison, des études de transfert, de la Connected ou de la Shared history. Elle invite à repenser les interactions entre sociétés ou cultures, entre disciplines et traditions savantes, plus généralement entre productions sociales et culturelles, en tenant compte à la fois des croisements empiriques qui se produisent au niveau des objets d'étude et des opérations par lesquelles le chercheur lui-même croise échelles, catégories et perspectives pour construire son enquête. L'article montre d'abord en quoi cette approche se distingue des démarches purement comparatives et des études de transfert. Il développe ensuite les principes d'une induction pragmatique et réflexive comme axe méthodologique majeur de l'histoire croisée. Enfin, en insistant sur la nécessité et les modalités d'une triple historicisation des objets, des catégories d'analyse et des procédures de recherche, il ouvre la voie à une réagrégation des éléments de connaissance permettant de conjuguer des préoccupations d'ordre empirique et réflexif.
- Penser l'histoire croisée : entre empirie et réflexivité - Michael Werner, Bénédicte Zimmermann p. 7-36
Imaginaires nationaux. Origines, usages, figures
- Présentation - Hinnerk Bruhns, André Burguière p. 37-39
- L'historiographie des origines de la France : Genèse d'un imaginaire national - André Burguière p. 41-62 Du VIIe siècle, quand les premières chroniques donnèrent à la Francia un ancêtre troyen fuyant sa cité en flammes, à la fin du XIXe siècle, quand Fustel de Coulanges réfuta définitivement la thèse d'une conquête franque, l'historiographie de la France n'a cessé d'osciller, dans son long périple, entre la thèse d'une origine franque et celle d'une origine gauloise. Un parcours historiographique particulièrement long mais nullement exceptionnel : la majorité des dynasties princières de l'Europe ont prétendu descendre d'un guerrier troyen ou d'un fils de Noé. La plupart des histoires nationales ont pensé leurs origines dans une opposition entre des indigènes et des conquérants. Reconstituer les étapes de ce discours des origines, c'est identifier les usages politiques successifs qui l'ont inspiré et sans cesse remanié. Mais on peut essayer aussi, pour rendre le cas français plus comparable à d'autres, d'isoler certains traits structurels de son imaginaire national et de la pensée historique qui s'est construite avec lui.
- Les origines de la Russie dans l'historiographie russe au XVIIIe siècle - Wladimir Berelowitch p. 63-84 Cet article retrace la question des origines des Slaves, des Russes et de l'État russe (Rus'), telle qu'elle fut posée au XVIIIe siècle dans l'historiographie russe. Constituée à partir d'un héritage composite formé de l'historiographie monarchique des Romanov, puis d'une lecture tardive d'historiens polonais et de Mauro Orbino, elle fut avant tout l'oeuvre, à partir du milieu du XVIIIe siècle, d'intellectuels professionnels travaillant au sein et à proximité de l'Académie des sciences et initiés aux humanités dans des universités d'Europe occidentale. Ils s'efforçaient avant tout d'affirmer l'ancienneté et la prééminence des « Slavo-Russes » par rapport, notamment, aux Germains, et à se poser eux-mêmes comme les chantres modernes de la gloire antique de leur nation, qu'ils pensaient égale à celle de la Grèce ou de Rome, même si elle avait été longtemps méconnue.
- Une histoire pour la Padanie : La Ligue du Nord et l'usage politique du passé - Martina Avanza p. 85-107 Revendiquant depuis 1995 l'indépendance de l'Italie septentrionale, rebaptisée Padanie, le parti italien de la Ligue du Nord s'est employé à réécrire l'histoire nationale : non seulement parce qu'il produit un récit nettement séparé pour le Nord et pour le Sud, mais aussi parce qu'il tire les conséquences politiques d'une histoire ainsi construite. S'il affirme que, au XIXe siècle, l'unité nationale n'a pas été le fruit de la volonté populaire, c'est pour démontrer qu'aujourd'hui l'Italie n'a pas de raisons d'être. Outil déconstructionniste concernant l'Italie, l'histoire devient, à propos de la Padanie, un instrument structurant. Il s'agit de souligner l'ancienneté de la communauté padane et d'affirmer sa différence structurelle avec le sud du pays. Dans un tel contexte, les historiens, considérés comme des « intellectuels de régime » parce qu'ils nient l'existence de la Padanie et confrontés à l'instrumentalisation possible de leur oeuvre, sont obligés de se repositionner. En effet, comment produire aujourd'hui une analyse critique de l'unité italienne, ce qui était le fait de l'historiographie liée à la gauche, sans pour autant légitimer l'indépendantisme padan ?
- Centaures de la pampa : Le gaucho, entre l'histoire et le mythe - Raúl O. Fradkin p. 109-133 Au début du XXe siècle, le gaucho entra au panthéon symbolique de la nation argentine. Ainsi celui qui était une figure délictueuse devenait-il un archétype social. L'esthétisation du gaucho contribua à faire de lui une représentation collective qui organisa les schémas de perception et d'appréciation nationales de l'histoire. Cette métamorphose exprimait toute la complexité d'un processus socioculturel qui connut plusieurs phases et prit diverses voies. L'article se propose de mettre en évidence que le mythe fut une construction collective sujette à des interventions et à des appropriations différentes, voire opposées, aussi bien de la part des élites que des milieux populaires. Il y eut ainsi un véritable jeu de représentations, dans lequel la littérature anticipa sur l'historiographie et définit un climat intellectuel, une thématique et les schémas de production et de perception.
Face à la guerre
- 11 Septembre. Guerre et télévision au XXIe siècle - Carol Gluck p. 135-162 Cet essai, qui examine les modalités de la guerre du XXIe siècle avec pour finalité d'explorer la manière dont opère la mémoire collective dans les mass media contemporains, se fonde sur une ethnographie des médias appliquée à l'attaque terroriste du 11 Septembre; l'auteur étudie la construction médiatique immédiate du récit de la guerre contre le terrorisme, transformé en une narration héroïque, puis s'interroge sur la façon dont le 11 Septembre et ses suites pourraient, dans les années à venir, être reformulés dans la mémoire publique, en s'appuyant à titre de comparaison sur l'exemple des événements de la Seconde Guerre mondiale. Suivre l'interaction des médias et de la mémoire permet de percevoir, et même d'affecter, l'avenir du passé et le processus par lequel la « guerre de la terreur » est continuellement re-médiatisée dans la mémoire et ses politiques.
- Le missile et la souris : Mouvements virtuels pour la paix dans un âge de terreur - Tessa Morris-Suzuki p. 163-178 Depuis le 11 Septembre 2002, de nombreux groupements militant pour la paix ont utilisé internet pour diffuser l'information et rechercher des solutions au conflit. L'article examine les modalités de l'émergence de tels groupes et propose quelques réflexions préliminaires sur leur potentiel et leurs limites, en prenant l'exemple de deux mouvements pré-internet, le groupe Beheiren contre la guerre au Viêt-nam, au Japon, et le mouvement féminin de Greenham Common, en Grande-Bretagne, pour explorer le lien entre les supports de communication ainsi que les répertoires d'actions alors mises en oeuvre par les mouvements pacifistes. Puis, à travers le cas actuel de quelques-uns d'entre eux, on examine l'évolution de leur gamme d'actions dans le contexte de la diffusion des nouveaux médias et le déplacement d'une guerre mondiale à une guerre globale.
- 11 Septembre. Guerre et télévision au XXIe siècle - Carol Gluck p. 135-162
COMPTES RENDUS
- Comptes rendus. Nations - p. 181-270