Contenu du sommaire : Culture de guerre

Revue Annales. Histoire, Sciences Sociales Mir@bel
Numéro vol. 58, no 4, septembre 2003
Titre du numéro Culture de guerre
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • L'historisme allemand

    • De Chladenius à Droysen : Théorie et méthodologie de l'histoire de langue allemande (1750-1860) - Alexandre Escudier p. 743-777 accès libre avec résumé
      Depuis une trentaine d'années, l'historiographie allemande des Lumières (Aufklärungshistorie) a fait l'objet d'une large redécouverte, qui a mis un terme à l'occultation dont elle avait fait l'objet, à des fins auto-légitimantes, par les refondateurs des études historiques au XIXe siècle. De ce renouveau historiographique, ayant mis en évidence le rôle décisif alors joué par les entreprises de théorisation de l'histoire - à la fois comme processus et comme discipline -, on retrace ici le contexte et les enjeux, pour aborder ensuite la palette de thèmes épistémologiques respectivement déployée entre 1750 et 1820, puis à l'époque de l'« historisme ». À l'intérieur de ce dernier, on marque la différence théorique radicale existant entre le dispositif rankeen, dit historisme classique, et la césure majeure que constitue l'Historik (1857) de Droysen. En distinguant nettement l'acception usuelle de l'« historisme » comme constellation théorique spécifique (empirisme proclamé, objectivisme gnoséologique et idéalisme théologisant) de la question de la « crise de l'historisme » à l'époque moderne, au sens de Ernst Troeltsch, on plaide, pour finir, pour une histoire de l'histoire intégrée ayant pour horizon théorique une histoire socio-culturelle croisée de la sensibilité moderne au relativisme historique. L'histoire de l'histoire a ainsi pour vocation de dépasser la seule histoire des sciences et de se transformer à terme en une anthropologie historique de l'historicité.
  • L'histoire indienne en question

    • Entre fantasmes, science et politique : L'entrée des Āryas en Inde - Gérard Fussman p. 781-813 accès libre avec résumé
      Depuis la découverte de la lointaine origine commune des langues dites indo-européennes, les archéologues, les historiens et malheureusement aussi quelques idéologues ont essayé de localiser l'habitat originel de ceux qui parlaient ce Pré-Indo-Européen et de retracer les voies de leur dispersion. Les trente dernières années ont apporté beaucoup d'éléments nouveaux concernant le groupe des Indo-Iraniens dont les langues sont aujourd'hui dominantes en Iran, en Asie centrale et dans une grande partie de la péninsule indienne. L'étude du texte iranien le plus ancien, les Gathas de l'Avesta, a été renouvelée, et les fouilles conduites en Iran, au Turkménistan, en Ouzbékistan et en Afghanistan ont mis au jour des restes de civilisations très avancées dont le rapport aux Indo-Iraniens est fort discuté. Le présent article essaie de juger des mérites et des limitations des diverses hypothèses avancées en rappelant quelques principes fondamentaux de la linguistique historique et du raisonnement historique. La plupart des hypothèses postulent que le mouvement des peuples indo-iraniens s'est fait du sud de la Russie vers le nord de l'Inde. L'auteur de cet article partage ce point de vue, mais ne peut ignorer que ce postulat pour l'instant indémontrable est même aujourd'hui ouvertement contesté par une partie de l'intelligentsia hindoue nationaliste. Celle-ci affirme que l'Inde est la patrie d'origine des langues indoeuropéennes et explique l'actuelle dispersion des langues indo-européennes par des phases d'émigration hors de l'Inde tout à fait analogues à l'émigration et la dispersion des Tsiganes dont personne ne conteste la lointaine origine indienne. Cette théorie a des motivations ouvertement religieuses et nationalistes et des conséquences politiques graves. Elle ne s'appuie pas pour l'instant sur des travaux de haut niveau scientifique. Mais elle a le mérite de rappeler que l'origine européenne des langues indo-européennes ne doit pas être considérée comme allant de soi et reste à démontrer.
    • La caste entre histoire et anthropologie : Le « grand jeu » interprétatif - Jackie Assayag p. 815-830 accès libre avec résumé
      L'étude détaillée de la caste en Asie du Sud dans la longue durée, telle que la développe l'école de Cambridge, montre que son existence est avérée bien avant la colonisation et que cette morphologie sociale a traversé nombre de transformations; en somme, la caste a et est une histoire. Cette réfutation de type structuralo-fonctionnaliste vise la conception post-coloniale de la caste, dominante dans le champ universitaire américain. Mais puisque chacune des interprétations s'appuie et se construit sur l'autre, elles attestent de traditions herméneutiques nationales et impériales contrastées et d'un changement de paradigme en cours.
  • Chinois de Thaïlande

    • Marchands et philanthropes : Les associations de bienfaisance chinoises en Thaïlande - Bernard Formoso p. 833-856 accès libre avec résumé
      L'article porte sur les associations caritatives (shan tang) qui se développèrent en Chine au cours du XIXe siècle. Quoique interdites par le gouvernement communiste, leur philosophie de l'action et les cultes autour desquels elles s'organisaient furent transplantés dans les communautés de l'Asie du Sud-Est. La présente étude traite tour à tour de l'histoire de leur implantation, de l'hagiographie des divinités qui les patronnent et de leur organisation dans le cas particulier de la Thaïlande. Le réseau national qu'elles forment et leurs ramifications internationales sont enfin analysés par référence à des variations dans les « structures de la conjoncture » et certains principes d'organisation qui semblent hérités de l'ancien mode de gouvernement chinois.
  • Sciences et mythologie entre Grèce et Orient

    • Les savoirs de Thalès et de Kadmos : Histoire et représentations religieuses en Grèce ancienne - Karin Mackowiak p. 859-876 accès libre avec résumé
      Selon une tradition grecque, le héros Kadmos était l'ancêtre de Thalès de Milet. Étudier cette généalogie a pour finalité de dégager l'approche de leur passé culturel par les Grecs. Elle interroge les rapports problématiques entre mythe et histoire, dont on propose une nouvelle approche méthodologique. Si des souvenirs historiques transparaissent de quelque manière dans cette généalogie, celle-ci forme un discours historique qui réorganise les connaissances du passé et les met en forme dans le respect de croyances religieuses. La comparaison des portraits et des fonctions de Kadmos et de Thalès, passeurs de savoirs entre l'Orient et la Grèce, montre que la mémoire historique grecque se structure, ici, autour de représentations imaginaires précises. Transmise par le mythe, la conception grecque de l'histoire touche aux limites du logos cultuel et constitue un discours construit avec une logique incontestable.
  • Culture de guerre

    • Sur les atrocités allemandes : la guerre comme représentation - Christophe Prochasson p. 879-894 accès libre avec résumé
      Dans les toutes premières semaines de la Première Guerre mondiale, les troupes allemandes se livrèrent, en Belgique et, dans une moindre mesure, en France, à une série d'exactions contre les populations civiles. Ces événements constituèrent vite un sujet de propagande pour les Alliés dénonçant les « atrocités allemandes », immédiatement contrecarré par un discours de dénégation, voire de justification émanant des autorités impériales. C'est cette double entreprise qu'analysent John Horne et Alan Kramer dans une somme qui s'attarde sur la restitution méticuleuse des faits comme sur l'interprétation des rumeurs. Leur livre se présente ainsi comme une vaste réflexion sur les conditions de l'attestation, du témoignage et de l'administration de la preuve historique et judiciaire. Il répond à sa manière à l'invitation de Marc Bloch suggérant aux historiens, dans un article bien connu de 1921, d'affronter la question des « fausses nouvelles de guerre ».
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