Contenu du sommaire : Sacralité et formes du pouvoir (Ve-XIIe siècle)
Revue | Annales. Histoire, Sciences Sociales |
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Numéro | vol. 58, no 6, décembre 2003 |
Titre du numéro | Sacralité et formes du pouvoir (Ve-XIIe siècle) |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Sacralité et formes du pouvoir (Ve_XIIe siècle)
- La sacralité de la royauté mérovingienne - Régine Le Jan p. 1217-1241 Le système de légitimation de la royauté mérovingienne a suscité chez les historiens des interprétations radicalement opposées qui tiennent largement aux ambiguïtés de l'historiographie. À la fin du VIe siècle, Grégoire de Tours construit en effet le passé de la royauté en utilisant deux modèles royaux opposés, celui du roi magicien, qu'il associe plutôt à la toute première période mérovingienne, à des prétendants illégitimes ou à de mauvais rois, et celui du roi chrétien, représenté par le roi Gontran. Il gomme ainsi les ambiguïtés profondes de la première royauté mérovingienne. Après la victoire de la lignée neustrienne et la seconde fondation du royaume au début du VIIe siècle, l'historiographie impose en revanche l'image du souverain élu de Dieu, qui intègre l'ensemble des fonctions dans un système de pensée christianisé qu'expriment aussi bien les prières pour le roi et le royaume, montant des basiliques et des monastères royaux, que le contrôle des sanctuaires et la domination des forces sacrées de la nature.
- Sacrum palatium et ecclesia : L'autorité religieuse royale sous les Carolingiens (790-840 ) - Mayke de Jong p. 1243-1269 Une longue tradition occidentale, qui perçoit le clérical et le séculier en termes de dualisme antagonique entre l'Église et l'État, influence aujourd'hui encore notre interprétation de l'autorité religieuse pendant les règnes de Charlemagne et de son fils, Louis le Pieux. Dans les deux cas, cette autorité était considérée comme un processus de transgression dans lequel la « théocratie royale » de Charlemagne, qui fut suivie de la soumission humiliante de Louis, donna ainsi naissance à une « théocratie épiscopale », ce qui aboutit à sa pénitence publique de 833. En prenant le terme de sacrum palatium comme point de départ, cet article démontre comment le palais fut, déjà sous le règne de Charlemagne - et peut-être même avant - un centre religieux où les évêques se faisaient conseiller dans les affaires concernant la liturgie et la doctrine chrétienne. Le « palais de Charlemagne » comprenait en réalité tout un réseau de palais et de monastères royaux dont Aix-la-Chapelle constituait le noyau. S'y déroulèrent des actes collectifs de contrition, d'où résulta un discours régalien d'humilité, ce qui ne signifie pas pour autant soumission royale aux évêques. Finalement, ces gestes de pénitence étaient basés sur les mêmes principes qui ont soutenu l'autorité religieuse carolingienne : la conviction que le roi et les évêques étaient ensemble responsables devant Dieu du salut du peuple chrétien.
- Pouvoir et passion : Communautés émotionnelles en Francie au VIIe siècle - Barbara H. Rosenwein p. 1271-1292 Le pouvoir et le sacré sont des catégories commodes pour explorer les phénomènes politiques du haut Moyen  ge. Les émotions sont ici proposées comme catégorie analytique nouvelle et utile. Les paradigmes aujourd'hui anciens de l'histoire des émotions, élaborés par Johan Huizinga et Norbert Elias qui imaginaient un Moyen  ge en enfance et émotionnellement incontrôlé, ne sont plus viables. Les cognitivistes et les constructionnistes ont démontré depuis que les émotions sont des jugements pré ou non-verbaux profilés par les sociétés elles-mêmes. Cette approche nous permet de postuler l'existence de « communautés émotionnelles », chacune dotée de son vocabulaire et de ses propres modes d'expression. Deux de ces communautés du VIIe siècle sont ici examinées : la première a pris forme dans la cour neustrienne de Clotaire II et de son fils, Dagobert Ier; la seconde correspond aux factions qui se sont exprimées au cours des vingt dernières années du siècle. Leurs différences radicales jettent une lumière nouvelle à la fois sur le pouvoir et le sacré au début du Moyen  ge.
- Les services symboliques entre dignité et contrainte - Gerd Althoff, Christiane Witthöft p. 1293-1318 L'article se fonde sur l'observation selon laquelle les relations de pouvoir et les règles sociales étaient matérialisées par des actions publiques, où devoirs, droits et services des membres de l'élite et de l'administration étaient rendus visibles de manière symbolique. Ce point de vue autorise une nouvelle approche de ce que l'on appelle les « services d'honneur », ceux de cellerier, maréchal, sénéchal, maître d'hôtel, aussi bien que porteur du bouclier ou de l'épée du souverain. En prenant des cas précis, tels qu'il s'en observe dans les chroniques et dans la littérature, il apparaît que le message symbolique de telles actions correspondait à une sujétion autant qu'à une charge honorifique. Des services symboliques ostentatoires étaient jugés nécessaires précisément dans les cas où la volonté de servir pouvait être mise en doute. Les services d'honneur permettaient l'affichage de la sujétion sans pour autant faire perdre la face à celui qui y était soumis.
- La sacralité de la royauté mérovingienne - Régine Le Jan p. 1217-1241
La bible. Un enjeu critique
- La Bible à la croisée des sources - Nadav Na'Aman p. 1321-1346 Seule la Bible décrit de manière systématique et continue l'histoire d'Israël au cours des périodes pré-monarchique et monarchique. Pourtant, l'historiographie biblique fut avant tout écrite dans une perspective religieuse, idéologique et éthique. La date tardive à laquelle l'histoire biblique fut rédigée, sa nature littéraire et idéologique ainsi que son caractère extrêmement subjectif sont autant de raisons pour ne pas l'utiliser comme source pour une histoire d'Israël si l'on veut respecter les standards « occidentaux ». Cet article cherche à déterminer dans quelle mesure la Bible peut être une source permettant de reconstruire les différentes étapes de l'histoire d'Israël. Il s'efforce de retrouver les types de sources dont l'auteur de l'histoire du Deutéronome disposait et la manière dont il les a travaillées. Il est évident que l'auteur s'est appuyé sur des sources écrites pour élaborer son histoire, mais leur nombre était réduit et la matière limitée. Pour conclure, cet article souligne le fait que la connaissance de l'histoire d'Israël à l'époque biblique, et tout particulièrement durant les époques anciennes, est considérablement plus restreinte que ne le suggéraient les chercheurs autrefois.
- Les enjeux culturels du texte biblique dans l'Europe du XVIe siècle - José Emilio Burucúa p. 1347-1366 Deux éditions bibliques - l'Ancien Testament ou Bible de Ferrare de 1553 et le Nouveau Testament polyglotte composé par Guy Le Fèvre de La Boderie en 1584 - sont analysées du point de vue des stratégies éditoriales et de la matérialité des oeuvres dans le contexte des querelles religieuses du XVIe siècle. L'examen des deux dossiers permet de trouver les traces des effets voulus ou non par les opérations de publication du texte sacré, sur le plan des significations, qui permettent de découvrir une dialectique entre les déterminations sémantiques et les libertés interprétatives autour des processus de production et de lecture du texte biblique. L'insertion d'un troisième dossier concernant les éditions canoniques sixtine et clémentine de la Vulgate présente de forts contrastes avec les deux premiers, en même temps que l'on ne cesse de s'y heurter à des instabilités inattendues de la signification.
- La Bible à la croisée des sources - Nadav Na'Aman p. 1321-1346
COMPTES RENDUS
- Comptes rendus. Histoire médiévale - p. 1369-1429