Contenu du sommaire : Les livres de famille

Revue Annales. Histoire, Sciences Sociales Mir@bel
Numéro vol. 59, no 4, septembre 2004
Titre du numéro Les livres de famille
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Science et religion en Chine

    • Présentation - Catherine Jami p. 697-699 accès libre
    • Légitimité dynastique et reconstruction des sciences : Mei Wending (1633-1721) - Catherine Jami p. 701-727 accès libre avec résumé
      L'article aborde la question du rôle des sciences dans la construction de l'ordre impérial des Qing en Chine. L'analyse de deux ouvrages de Mei Wending, savant chinois du début de la dynastie mandchoue, éclaire les stratégies que celui-ci met en oeuvre pour justifier la reconstruction des mathématiques et l'adoption des méthodes astronomiques occidentales, toutes deux primordiales pour le nouveau pouvoir. En affirmant l'ancrage historique de ces sciences dans la civilisation chinoise, et en reconnaissant l'autorité de l'État en matière de rites, Mei donne une légitimité à la nouvelle dynastie. Il définit un domaine en même temps qui est du ressort du seul spécialiste, travaillant ainsi à construire sa propre identité professionnelle.
    • Observer, vénérer, servir : Une polémique jésuite autour du Tribunal des mathématiques de Pékin - Antonella Romano p. 729-756 accès libre avec résumé
      Le « Traité sur la préfecture des mathématiques qui est administrée, sur ordre du Roi des Chinois, par le P. Ioannes Adam, profès des quatre voeux de la Société de Jésus » est l'une des principales pièces du dossier « Schall », conservé dans les archives de la Compagnie de Jésus à Rome. Ce mémoire, rédigé en 1649 par le missionnaire portugais de la Compagnie, Gabriel de Magalhães, entend dénoncer l'entrée en fonction d'Adam Schall von Bell, dans l'administration impériale chinoise : la prise en charge du Tribunal des mathématiques, en cautionnant des pratiques superstitieuses et condamnées par le droit canon, est incompatible avec la mission et l'évangélisation de la Chine. La dénonciation de Magalhães ouvre, dans la province jésuite de Chine, une crise de plus de trente ans, que l'histoire de la Compagnie comme l'histoire des sciences européennes en Chine n'ont pas prise en compte jusqu'à ce jour. À examiner de près ce document, on pourra, d'une part, reprendre à nouveaux frais la question de la place des sciences dans l'espace de la mission, manière aussi de nourrir d'autres réflexions sur l'identité jésuite ou l'activité missionnaire. On pourra, d'autre part, interroger une documentation occidentale qui, par-delà l'incompréhension qu'elle révèle des autres mondes, n'en fournit pas moins des descriptions précises et encore peu étudiées par les historiens des sciences. C'est notamment le cas ici de l'organigramme du Tribunal des mathématiques, donné par Magalhães à la fin de son mémoire.
    • Entre ancien et nouveau régime : L'histoire politique hispano-américaine du XIXe siècle - Federica Morelli p. 759-781 accès libre avec résumé
      Durant les quinze dernières années, on a assisté à la publication de très nombreux ouvrages sur l'histoire politique hispano-américaine du XIXe siècle. Ce regain d'intérêt, grâce à l'impulsion du renouvellement méthodologique et conceptuel du politique, a amené les historiens à remettre en cause l'ancienne interprétation selon laquelle l'indépendance et ses idéaux politiques avaient été trahis par les caudillos. Les recherches récentes tendent au contraire à souligner le poids de la légalité libérale à l'intérieur des nouveaux espaces politiques. Après un examen rapide des contributions sur l'absolutisme et l'indépendance, l'essai se concentre sur trois questions fondamentales qui traversent les itinéraires les plus importants de l'historiographie de ces dernières années : la citoyenneté politique et la formation de la nation, la violence et les guerres, l'institutionnalisation de l'État.
  • Écritures et mémoire familiale

    • Les livres de famille en Italie - Raul Mordenti p. 785-804 accès libre avec résumé
      Les écritures familiales en Italie disposent désormais de coordonnées géographiques et historiques : leur base culturelle et anthropologique résident dans l'aptitude bourgeoise et marchande à écrire et à s'inscrire dans le temps. L'ampleur du phénomène et le nombre remarquable des textes conservés et répertoriés dans la longue durée (du XIIIe au début du XXe siècle) ont incité les chercheurs italiens à s'efforcer de dégager des constantes, à partir des formes discursives et des modèles rédactionnels, permettant à la fois d'identifier une typologie spécifique et de reconnaître l'existence d'un genre à part entière, distinct des autres formes, limitrophes mais non assimilables, de l'écriture domestique et privée. Des traits récurrents ont été ainsi repérés : un livre de famille est un texte mémoriel, tenu au jour le jour, pluriel, multi-générationnel, et concernant essentiellement la famille. Ce qui n'empêche pas de décrire des lignes d'évolution, des tensions et une crise du système à partir du moment où l'enregistrement de l'état civil a été dévolu aux pouvoirs politique ou religieux.
    • Mémoire de soi et des autres dans les livres de famille italiens - Claude Cazalé Bérard, Christiane Klapisch-Zuber p. 805-826 accès libre avec résumé
      La conservation et l'étude des écritures privées en Italie s'insère dans une tradition historiographique et littéraire qui correspond notamment au rayonnement de la culture et de la I langue toscanes, ce qui, du même coup, a longtemps circonscrit cette production dans les limites de genres mal définis et considérés comme mineurs, tout en lui attribuant ? en l'absence d'une approche typologique spécifique ? une fonction auxiliaire par rapport aux domaines consacrés par des auteurs majeurs. Il faut donc attendre le XXe siècle ? et en particulier l'enquête menée depuis les années 1980, par les équipes coordonnées par Angelo Cicchetti et Raul Mordenti ? pour que soit entrepris, de façon systématique et à partir de critères homogènes, un traitement des textes repérés dans la longue durée et dans l'ensemble de la péninsule. Les « livres de famille » constituent désormais une catégorie heuristique opératoire et un instrument de travail précieux pour l'anthropologie historique et l'étude de la vie privée dans son articulation avec les réseaux économiques et les institutions publiques, avec les systèmes sociaux, politiques et culturels.
    • École et société à Florence aux XIVe et XVe siècles : Le témoignage des ricordanze - Robert Black p. 827-846 accès libre avec résumé
      L'éducation joua un rôle fondamental dans les familles florentines de la Renaissance : les garçons apprenaient à lire et à écrire pour gérer leurs affaires et leur ménage, tandis que les filles devaient être capables d'utiliser les livres de dévotion systématiquement fournis dans leurs trousseaux (sans même mentionner les responsabilités familiales et commerciales qu'elles avaient à assumer en cas de veuvage). L'histoire de l'éducation aux XIVe et XVe siècles, à Florence, est enregistrée dans les libri di famiglia ou dans les ricordi, ou ricordanze selon l'appellation contemporaine. Le modèle principal qui émerge de ces livres familiaux est celui de la transition de la forme d'éducation traditionnelle, basée sur la lecture, l'écriture et l'arithmétique commerciale (abbaco) caractéristique du XIVe siècle, à une forme d'éducation plus élitiste, dans le courant du XVe siècle. Des précepteurs (partageant souvent la résidence familiale); des leçons privées de chant, de danse et d'escrime; une éducation au couvent des filles orphelines de mère (serbanza) devinrent les traits caractéristiques, de plus en plus répandus, de la formation intellectuelle des élites florentines. L'instruction en latin, selon les principes de l'humanisme, correspondait à un choix élitiste analogue, qui se développa au cours du dernier quart du siècle.
    • Parenté, politique et comptabilité : Chroniques familiales autour de 1500 (Suisse et Allemagne du Sud) - Simon Teuscher p. 847-858 accès libre avec résumé
      Les chroniques allemandes et suisses qui, autour de 1500, contiennent des mémoires sur les familles de leurs auteurs ont depuis longtemps suscité l'intérêt des historiens; ces derniers ont eu tendance à les interpréter comme l'expression d'une réflexion intime sur soi. L'examen de leur utilisation concrète révèle pourtant que ces documents se situent dans une négociation, officielle ou officieuse, de revendications, qui prend place aussi bien entre membres de la famille qu'entre citoyens et autorité publique. Les chroniques se présentent comme les instruments d'une culture politique où l'appartenance familiale et l'échange de faveurs et de services structurent l'ordre public. D'une manière quasiment comptable, les auteurs décrivent les événements qui servent à justifier leurs prétentions personnelles sur le patrimoine matériel et symbolique de leurs familles. De façon analogue, ils dressent l'inventaire de leurs mérites et de ceux de leurs familles vis-à-vis de la ville afin de légitimer la concession de privilèges. D'ailleurs le genre même des chroniques semble se conformer aux modèles offert par les nouvelles pratiques administratives de l'écrit.
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