Contenu du sommaire : La geste indianiste

Revue Annales. Histoire, Sciences Sociales Mir@bel
Numéro vol. 60, no 2, avril 2005
Titre du numéro La geste indianiste
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • La geste indianiste. Du saint guerrier aux héros paysans

    • La geste indianiste : Du saint guerrier aux héros paysans - Claude Markovits, Jacques Pouchepadass, Sanjay Subrahmanyam p. 233-237 accès libre
    • La communauté musulmane et les relations hindous-musulmans dans l'Inde du Nord au début du XIIIe siècle : une réévaluation politique - Sunil Kumar p. 239-264 accès libre avec résumé
      Exprimer les sensibilités de la société médiévale indienne dans un lexique anglais moderne est un exercice périlleux, ce que les historiens de l'Inde médiévale ont mis du temps à reconnaître. Aujourd'hui, on attend des historiens qu'ils combattent la posture qui réduit 'islam à l'iconoclasme et discutent la nature des affrontements entre musulmans et hindous à l'époque pré-moderne; il est en effet choquant de constater à quel point le traitement (a-historique) de la société musulmane pré-moderne a influencé le discours politique essentialiste sur le communautarisme contemporain. La plupart des recherches sur les identités musulmanes qui contestent l'idée d'une communauté musulmane pan-indienne monoithique émanent d'universitaires travaillant sur la période allant du XVIIIe au XXe siècle. Sans qu'ils en aient toujours été conscients, le contexte moderne ou proto-moderne de eurs recherches a eu pour effet de lier la question des identités et des « communautés » au thème de la modernité et du colonialisme. Tant que les historiens n'auront pas restitué e contexte politique de ce passé et compris comment l'histoire de la communauté musulmane aux différentes époques a été façonnée par une multiplicité de formations disciplinaires, la vision des relations entre musulmans et hindous au Moyen  ge restera déterminée par la présence ou l'absence d'un État musulman dominant.
    • Un saint guerrier : Sur la conquête de l'Inde du Nord par les Turcs au XIe siècle - Shahid Amin p. 265-292 accès libre avec résumé
      L'article examine les nombreux remaniements du récit de la vie d'un saint guerrier musulman (m. 10 juin 1033), mais que l'on s'accorde à ne pas juger contemporain de l'époque de ses exploits légendaires en Inde du Nord. L'étrange destin de Salār Mas ū d Gh āzī ne figure dans aucune chronique. Il ne s'inscrit pas dans les pages de l'Histoire. Ceci invite à revisiter l'historiographie de la conquête de l'Inde du Nord par les Turcs autour de 1000-1200. En la matière, les travaux des médiévistes ne se fondent en effet que sur les événements mentionnés dans les chroniques, ce qui nous prive de ses exploits légendaires et empêche une approche plus nuancée des modes de mémorisation et de réélaboration de cette conquête au fil du dernier millénaire par les hagiographes, des musiciens et des historiens composant en langue courante. L'auteur a donc recours aussi bien au folklore et aux histoires populaires du siècle dernier qu'à l'hagiographie des années 1600. Son approche consiste à cerner les interactions entre les données textuelles de l'hagiographie et les éléments « populaires », non datés, afin d'aborder avec un regard neuf la question de l'articulation entre histoire et mémoire.
    • Une ou plusieurs histoires ? : Formations identitaires au Bengale à la fin de l'époque coloniale - Sumit Sarkar p. 293-328 accès libre avec résumé
      La vague post-moderne semble perdre du terrain et les études historiques dépassant une approche étroitement « culturaliste » ou « discursive » ne sont plus nécessairement considérées comme obsolètes. Pour ceux qui sont demeurés critiques à l'égard des tendances dominantes de la fin des années 1980 et des années 1990, le moment est peut-être venu d'effectuer une évaluation de données qui ne soit plus principalement polémique, mais prenne en compte certaines des avancées historiques récentes grâce à la remise en question d'hypothèses antérieures. Ce n'est que très récemment que le thème des castes, absent des études historiques sur l'Inde « moderne », généralement assimilée à l'Inde coloniale, est sorti de l'oubli. Celles-ci furent longtemps prisonnières du seul binôme colonialisme/ anticolonialisme. Les études inspirées par un nationalisme de gauche et plus particulièrement les premiers travaux des Subaltern studies ont utilement enrichi ce modèle en s'attachant aux initiatives autonomes des paysans, des tribaux et des travailleurs et aux tensions existant entre ces poussées et le courant nationaliste dominant. Cet article s'attachera en particulier au développement des projets identitaires variés qui se multiplièrent en Inde à a fin de l'ère coloniale, en se basant sur des données concernant les trois castes actives principales, les Namasudra, les Mahishya et les Rajbansi.
  • COMPTES RENDUS

  • Le travail sous l'Ancien Régime. Pour en finir avec le modèle standard

    • Le corps lié de l'ouvrier : Le travail et la dette à Paris au XVe siècle - Julie Mayade-Claustre p. 383-408 accès libre avec résumé
      Le registre d'écrous du Châtelet de Paris de 1488-1489 compte dix-huit écrous pour ruptures de contrats d'embauche d'apprentis, de salariés et d'artisans, enregistrés comme des écrous pour dette. L'article étudie ce caractère du droit du travail parisien du XVe siècle qui faisait de la dette la qualification juridique de l'insubordination de l'employé. Temps de travail et réalisation d'un ouvrage étaient l'objet d'obligations personnellement contractées par les employés. L'emprisonnement pour dette dans les geôles royales de Paris put être utilisé comme mesure de discipline à l'encontre des employés défaillants. De nature conventionnelle, cette coercition devait être prévue par le contrat d'embauche en une « obligation du corps » qui peut être considérée comme une marque de subordination dans les relations I professionnelles. L'article examine à la fois l'exercice réel de cette coercition et la genèse de cette pratique dans un marché du travail frappé par la dépression démographique tardo-médiévale.
    • L'apprentissage hors des corporations : Les formations professionnelles alternatives à Paris sous l'Ancien Régime - Clare Haru Crowston p. 409-441 accès libre avec résumé
      Les règlements corporatifs décrivent l'apprentissage comme une formation professionnelle individualisée donnée par un maître artisan ou marchand à un jeune destiné, à terme, à devenir maître lui-même. Les historiens ont eu tendance à faire leur cette façon de voir au point d'identifier la formation professionnelle et la reproduction de la force de travail dans la France d'Ancien Régime avec l'apprentissage défini par son lien avec le monde corporatif. Ce parti pris paraît pourtant discutable dès lors qu'on reconnaît la multiplicité des circuits de formation dans la France du XVIIIe siècle et leur interaction complexe avec le monde des métiers. Étudiant le cas parisien, l'auteur souligne en particulier l'importance d'institutions comme l'Hôpital de La Trinité, les apprentissages subventionnés par les paroisses et les programmes de formation professionnelle mis en place par des écoles de charité destinée à doter les filles de compétences susceptibles de leur donner accès au marché du travail qualifié.
    • Un modèle de mobilité sociale préindustrielle : Turin à l'époque napoléonienne - Luciano Allegra p. 443-474 accès libre avec résumé
      Les sociétés d'Ancien Régime ont été traditionnellement réprésentées comme des sociétés mmobiles, caractérisées par un rigide compartimentage en ordres, corps, corporations; les comportements des individus y étaient dominés par le poids des rôles et des hiérarchies sociales et productives. Cette image repose sur le double postulat d'une mobilité sociale contenue et d'une mobilité professionnelle quasiment inexistante : on donne pour assuré e fait que les métiers se seraient mécaniquement transmis de père en fils. Le but de cet article est de mettre à l'épreuve ce postulat à partir d'une étude de cas : la ville de Turin entre la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle. À travers l'analyse croisée des sources, nous avons essayé d'appliquer au cas turinois les méthodes quantitatives de mesure de la mobilité professionnelle adoptées par les sciences sociales. Par rapport à celles-ci, toutefois, nous avons changé d'unité de mesure. Au lieu de comparer les professions à l'intérieur du couple père-fils, nous avons choisi de focaliser l'attention sur le noyau domestique. Cette perspective permet de mettre au jour au moins trois aspects du problème qui, jusqu'à présent, ont été largement négligés. En repérant l'éventail des choix professionnels pour tous les membres de chaque famille, nous avons individualisé des stratégies d'entrée des fils sur le marché du travail. En croisant les données concernant les professions et l'origine géographique des époux, il devient possible de proposer un modèle multi-factoriel d'explication de la mobilité. En prenant en considération la profession des femmes, enfin, on introduit une variable décisive, et jusqu'ici négligée, des processus de mobilité intergénérationnelle. Le stéréotype d'une société fermée et monolithique se révèle ainsi dépourvu de fondement. L'Ancien Régime nous apparaît plutôt comme une société mobile et ouverte, dans laquelle es individus semblent jouir d'une grande liberté d'accès au marché du travail, et les mécanismes de mobilité ascendante paraissent largement dépendants de la position professionnelle des femmes.