Contenu du sommaire : Où en est la critique ?

Revue Tracés Mir@bel
Numéro no 13, 2007/2
Titre du numéro Où en est la critique ?
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Éditorial

  • Articles

    • La critique médiévale dans le contre-jour des Lumières - Florent Coste p. 25-50 accès libre avec résumé
      Le Moyen Âge pouvait-il exercer un sens critique ? Pouvait-il concilier critique et tradition des autorités ? Un examen de la technique médiévale de compilation montre que, loin de devoir lutter contre la tradition, le discours médiéval peut libérer un espace critique (avec la possibilité d'innovations, d'écarts et de ruptures par rapport à la tradition) quand il assume au contraire l'hétéronomie de sa condition. Pour ne pas être ébloui par les Lumières, le médiéviste doit donc reconstruire les catégories qu'il emploie (auteur, individu, sujet, critique) dans l'esprit d'un incessant comparatisme avec la modernité. La réévaluation des pratiques critiques médiévales passe inévitablement par un retour critique sur la vision héritée des Lumières.
    • La critique philosophique en action : Marx critique de Hegel dans l'Introduction générale à la critique de l'économie politique(1857) - Marc Lenormand, Anthony Manicki p. 51-71 accès libre avec résumé
      Dans l'Introduction générale à la critique de l'économie politique, Marx formule sa critique de l'incapacité de l'économie politique classique à rendre compte des phénomènes économiques dans des termes empruntés à la Logique de Hegel. Cependant, ce mouvement positif de réappropriation de la conceptualité hégélienne s'accompagne d'une critique radicale de la méthode de Hegel, défaillante selon Marx en ce qu'elle méconnaît les situations historiques dans leur singularité propre. Contre les apories de l'idéalisme, Marx met en évidence la nécessaire articulation de la théorie et de la pratique, et donc le caractère fondamentalement critique de l'activité philosophique.
    • Repenser la « critique » dans la sociologie culturelle états-unienne : une alternative pragmatique à la « démystification » - Paul Lichterman, Marc Lenormand p. 73-89 accès libre avec résumé
      Les sociologues états-uniens ont développé une « sociologie culturelle » qui dépasse leur ancienne ambivalence au sujet de l'étude empirique de la culture. La nouvelle sociologie culturelle, associée à une approche pragmatique de l'action, peut contribuer à une forme de critique sociale différente de la démystification que poursuivent beaucoup de sociologues critiques états-uniens. Une « sociologie culturelle pratique » nous aide à identifier les schèmes dans la manière dont les citoyens résolvent leurs problèmes quotidiens, ouvrant ces schèmes à la réflexion critique. Des exemples empiriques tirés de recherches sur les associations civiques montrent comment cette sociologie pourrait aider les citoyens à identifier les écarts frustrants entre paroles et actes, et découvrir les relations de pouvoir qui entravent leurs efforts pour travailler ensemble.
    • L'acte critique : autour de Rorty et de Barthes - Thomas Mondémé p. 91-114 accès libre avec résumé
      Sur quoi porte la critique littéraire ? Sur des textes bien sûr, dont elle met en lumière les propriétés afin d'en dévoiler le sens. Mais ces évidences de sens commun résistent bien mal aux attaques conjuguées du pragmatisme rortien et des théories développées par Barthes à partir de 1965. Le croisement de ces deux regards sur le texte littéraire permet de problématiser l'idée de propriétés textuelles intrinsèques et objectives, et invite à une reconception de la critique littéraire désormais entendue comme « redescription » connectée à des usages.
    • Les dramaturges et leurs critiques. Poétiques paratextuelles de la riposte chez Victor Hugo et Boris Vian - Benoît Barut p. 115-142 accès libre avec résumé
      Afin de prendre leur revanche sur les critiques dramatiques, Hugo et Vian recourent tous deux au paratexte. Les poétiques de riposte qu'ils y déploient sont cependant si diamétralement opposées qu'elles forment quasiment un diptyque exemplaire et s'éclairent mutuellement. Hugo joue sur l'étendue d'une parole monologique qui coule hors de toute mesure et emporte avec elle les fétus critiques. Il étouffe et écrase ses détracteurs en érigeant son paratexte en mur cyclopéen infranchissable, en rempart vivant. Vian, à l'inverse, invite les critiques à l'intérieur du paratexte, engage un dialogue apparemment loyal mais sape en sous-main l'équité du combat, truque la partie de bout en bout pour en sortir vainqueur.
    • Derrida et Starobinski, « critiques » de Blanchot ? - Jérémie Majorel p. 143-163 accès libre avec résumé
      L'oeuvre de Blanchot permet de remettre en cause l'opposition entre herméneutique et déconstruction qui scande la critique depuis les années soixante. En lisant Blanchot, l'herméneute tend à devenir déconstructionniste et le déconstructionniste tend à devenir herméneute, chiasme et tension qui n'occultent pas la valeur propre des résultats donnés par chaque pratique prise en elle-même mais qui posent d'une nouvelle manière des problèmes fondamentaux : les rapports conflictuels ou non entre fascination et critique, la distinction ou le brouillage entre citations et commentaire, l'impératif de la modalisation (prétérition, dénégation) des pratiques critiques comme effet mythifiant de l'oeuvre, la reproduction mimétique. Ce n'est pas lorsque le déconstructionniste pratique une déconstruction ou lorsque l'herméneute pratique une herméneutique qu'ils produisent les analyses les plus fécondes mais lorsque tous deux se confrontent à une limite renversante qui à la fois provoque un surcroît de réflexivité sur leurs présupposés et une dynamique altérante
  • Notes

    • Lester Bangs, critique rock - Anthony Manicki p. 167-184 accès libre avec résumé
      On a facilement tendance à faire de la critique un métadiscours se rapportant à une production ou à un événement et ayant pour but de la/le juger à partir de critères prédéterminés. L'oeuvre de Lester Bangs, critique rock nord américain des années 1970, offre une autre perspective. En s'opposant dans ses critiques à l'institutionnalisation du rock, que celle-ci passe par des chroniques policées de disques ou par l'industrialisation massive des productions rock, Bangs exemplifie une compréhension de l'exercice critique comme oeuvre devant produire les mêmes effets que les objets sur lesquels elle s'applique. Pratiquée par Lester Bangs, la critique rock n'est pas un métadiscours qui, institutionnalisé comme discipline, gommerait les aspérités du phénomène rock, mais un discours ayant son fonctionnement propre et constituant ainsi une part de ce phénomène. Par conséquent, on n'analyse pas ici le rapport entre un discours critique secondaire et une oeuvre qu'il commenterait. On analyse au contraire les procédés rhétoriques et thématiques qui permettent à l'oeuvre de Bangs de fonctionner comme un disque des Clash, en faisant du bruit.
    • Raconte-moi une histoire. Enjeux et perspectives (critiques) du narrativisme - Johann Petitjean p. 185-200 accès libre avec résumé
      Le narrativisme professe le recentrement des sciences sociales autour de la littérarité de disciplines qui, à l'instar de l'histoire, ne peuvent que reconnaître l'importance de la mise en récit dans leur écriture. Néanmoins, raconter une histoire ne suffit pas ; et le travail des auteurs sur les sources, l'utilisation de règles et d'outils propres à la discipline, la reconnaissance de la « réalité fonctionnelle » des objets étudiés, la volonté d'expliquer et le souci de comprendre, sont autant de raisons de croire à la possibilité et même à la nécessité d'un savoir fondé sur la critique. L'histoire est un métarécit dont la singularité tient justement à la nature scientifique et créative, narrative et critique, de sa démarche.
    • Où est passée la sociologie de la critique ? À l'épreuve d'Affaires, scandales et grandes causes - Arnaud Fossier p. 201-218 accès libre avec résumé
      Suite à un colloque organisé en 2004 sur les scandales et les affaires, sociologues et historiens français ont rassemblé leurs contributions dans le cadre d'un ouvrage récent, placé sous le signe de la « sociologie de la critique » initiée par Luc Boltanski dans les années quatre-vingt. Les nombreuses études de cas historiques et la tentative louable de comparatisme et de « typification » suscitent l'intérêt du lecteur. Mais aucun des auteurs ne prend en compte les qualifications juridiques, la manière dont elles orientent ou influencent le sens critique des « petits » et la façon dont, très tôt en Occident (dès le xiie siècle au moins), le pouvoir souverain s'est saisi des compétences critiques des acteurs. Une simple « précaution nominaliste » (autrement dit, l'attachement aux usages des mots), une moins grande fascination pour le supposé sens moral des acteurs, et enfin une attention aiguë aux lieux et aux opérations du droit, eussent permis un autre regard sur la critique « d'en bas ».
  • Traduction

  • Entretiens