Contenu du sommaire : Écritures médiévales ? Mai 68
Revue | Annales. Histoire, Sciences Sociales |
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Numéro | vol. 63, no 2, avril 2008 |
Titre du numéro | Écritures médiévales ? Mai 68 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- L'archéologie du texte médiéval : Autour de travaux récents sur l'écrit au Moyen Âge - Pierre Chastang p. 245-269 Cet article propose un retour sur les travaux récents que les historiens ont consacrés au texte médiéval. Sous l'influence combinée de l'anthropologie et des débats suscités par la réception de la pensée postmoderne dans les sciences sociales, le texte médiéval est devenu l'objet de pratiques nouvelles qui ont renforcé et transformé la place de l'exercice critique dans la démarche historique. Délivrées de la croyance en une inhérence du sens, commune aux disciplines de la « pensée textuaire » et aux lectures historiques surplombantes, ces approches renouvelées, que nous qualifions d'archéologiques, proposent d'envisager le texte dans sa matérialité manuscrite, privilégiant la profusion des strates, versions singulières produites en contexte, à l'uniformité de l'archétype textuel. Chaque texte, en mobilisant des ressources culturelles spécifiques, s'inscrit dans le champ de la culture de l'écrit qui est devenu, depuis les années 1980, un domaine de recherche à part entière.
- Les mystères rhétoriques de l'État médiéval : L'écriture du pouvoir en Europe occidentale(XIIIe-XVe siècle) - Benoît Grévin p. 271-300 L'analyse de la rhétorique solennelle du pouvoir au bas Moyen  ge ( XIIIe - XVe siècle) pose des problèmes spécifiques liés à la coexistence de textes administratifs et politiques entièrement dépendants de formulaires figés avec une rhétorique d'apparat ménageant les possibilités d'une inventivité plus grande dans le respect des normes stylistiques en usage dans les diverses chancelleries. L'analyse des techniques de rédaction de ces derniers textes montre qu'ils dépendent de l'exploitation de recueils textuels d'un type particulier ? les summe dictaminis ? en fonction de procédés de recréations textuelles sophistiqués permettant de recomposer un document en apparence original à partir d'un ou plusieurs modèles donnés. Cet art de la variation rhétorique est dépendant d'une mémorisation intensive du contenu des summe qui renvoie à une culture pratique du monde des chancelleries encore à explorer.
- La chronique de Jacques I er, une fiction autobiographique : Auteur, auctorialité et autorité au Moyen Âge - Jaume Aurell p. 301-318 La chronique de Jacques Ier d'Aragon, connue d'après la tradition manuscrite comme le Llibre dels fets, est élaborée pendant la seconde moitié du XIIIe siècle à la cour aragonaise. Il s'agit d'un récit à la première personne et en langue catalane, que signe le roi lui-même. Jacques Ier relate ainsi par le menu, à l'aide d'un langage narratif fortement dramatisé, ses propres gestes et ceux de ses chevaliers dans leur lutte contre les musulmans. L'importance du texte dans la mémoire collective des Catalans, tout comme son originalité historiographique et littéraire, poussent l'auteur de l'article à proposer une analyse d'ensemble de son «contenu » et de sa «forme». Jusqu'à quel point le Llibre dels fets présente-il une dimension autobiographique au sens actuel de ce « genre littéraire », ou s'agit-il plutôt d'une « fiction autobiographique », dans laquelle le monarque dilue sa paternité littéraire, tout en conservant une autorité plénière en tant qu'auteur. L'analyse interne du processus d'écriture de l'?uvre nuance sa véritable paternité, que le roi partage avec ses collaborateurs les plus proches. Le roi en est donc l'auctor, le garant, au sens médiéval, mais il n'en est pas l'« auteur » au sens contemporain, ou du moins pas le seul, puisque ce texte a été mis en forme par un ou plusieurs scribes, et qu'il incorpore des textes plus anciens.
- Mai 68 - p. 319-320
- L'événement Mai 68 : Pour une sociohistoire du temps court - Boris Gobille p. 321-349 La crise de mai-juin 1968 en France a fait l'objet de multiples interprétations qui tendent à en privilégier les conséquences supposées ou les origines. Contre ce double évitement de l'événement, il convient de revenir à la conjoncture elle-même et à ce qui en constitue l'énigme : la désectorisation et la synchronisation des mobilisations, notamment étudiantes et ouvrières. Les acquis de l'historiographie, des sciences sociales et de la sociologie des crises politiques invitent à reconsidérer le poids des logiques de situation dans les phénomènes de radicalisation et les effets qu'exerce un contexte instable et incertain sur les acteurs mobilisés. Il reste que l'événement n'est pas arraché à l'histoire et que le présent de la crise est aussi fait de réemplois du passé. Aussi une sociohistoire du temps court a-t-elle vocation à penser ensemble histoire événementielle et histoire structurelle. La désectorisation puis la normalisation du jeu politique apparaissent dès lors comme le produit complexe, advenu mais non nécessaire, de jeux d'échelle multiples liant propriétés de la fluidité politique et mutations antérieures, intrigue nationale et intrigues locales.
- Anthropologie du totalitarisme : Lectures de Vincent Descombes et Louis Dumont - Philippe de Lara p. 353-375 Y a-t-il une anthropologie du totalitarisme ? Louis Dumont a peu écrit sur le sujet, mais y portait un intérêt constant dans ses travaux. L'article montre que la théorie du totalitarisme est un problème crucial pour une ?uvre consacrée à une perspective comparative sur les sociétés modernes : le totalitarisme est selon Dumont « une maladie de la société moderne », et le totalitarisme et la modernité relèvent du même cadre d'analyse, « l'hybridation » de l'individualisme et du holisme. La première partie présente l'anthropologie de la modernité selon Dumont et sa portée philosophique, telle qu'elle apparaît dans une discussion avec Vincent Descombes. La deuxième partie présente et évalue les hypothèses d'une anthropologie du totalitarisme en les comparant à la théorie politique classique de Hannah Arendt.
- Louis Dumont et le totalitarisme - Alban Bensa p. 377-381
- Sur la citoyenneté et le droit d'aubaine à l'époque moderne : Réponse à Simona Cerutti - Peter Sahlins p. 385-398 Existait-il un « modèle français » de citoyenneté dans l'Ancien Régime fondé sur le droit d'aubaine, le droit du roi en tant que seigneur féodal de confisquer les biens des étrangers morts dans le royaume sans héritiers français de naissance ? L'État moderne est-il le cadre dans lequel l'étude de la nationalité se fait ? Cet article suggère que la récente critique de Unnaturally French: Foreign citizens in the Old Regime and after par Simona Cerutti dans les Annales, se fondant sur sa propre recherche sur le duché de Savoie, a mal interprété mon argument sur le lien entre la succession et la citoyenneté en France. L'étude de la citoyenneté pendant la période moderne est fondée sur la jurisprudence, l'administration et les pratiques stratégiques de naturalisation. Elle prend en compte à la fois le processus de création de l'État et aussi les stratégies de succession des étrangers; elle esquisse l'expérience spécifique de la France par rapport à la Savoie et à l'Europe; et enfin elle souligne la relation changeante entre la succession et la citoyenneté pendant le XVIIIe siècle.
- Comptes rendus. Histoire médiévale - p. 401-480