Contenu du sommaire : numéro spécial : Empires

Revue Annales. Histoire, Sciences Sociales Mir@bel
Numéro vol. 63, no 3, juin 2008
Titre du numéro numéro spécial : Empires
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Empires - p. 489-491 accès libre
  • Droits et citoyenneté

    • Empire, droits et citoyenneté, de 212 à 1946 - Jane Burbank, Frederick Cooper p. 495-531 accès libre avec résumé
      En 1946, alors que l'Assemblée nationale constituante française débattait des articles relatifs à la nouvelle Constitution de l'empire français outre-mer, un député évoqua le précédent de l'empereur romain Caracalla, qui avait accordé la citoyenneté romaine à tous les hommes libres de l'empire en 212 de notre ère. Cet exemple prouvait qu'il était possible d'être citoyen d'un empire sans pour autant renoncer aux « civilisations locales ». Les auteurs étudient les différentes significations de la citoyenneté et des droits au sein des empires, en s'appuyant sur deux modèles distincts ? un modèle romain et un modèle eurasien ? et en s'attachant à différents exemples en Russie impériale, en URSS, et dans la France du XXe siècle. L'étude va au-delà de l'association communément établie entre citoyenneté et État-nation, et entre droits et démocratie. La construction et le maintien d'un empire supposaient d'intégrer des peuples divers au sein d'une unité politique, tout en maintenant des éléments de distinction et de hiérarchie. Le fait qu'une république du XXe siècle puisse évoquer un précédent remontant à l'époque classique montre à quel point l'imaginaire et les structures impériales ont gardé leur importance. Cet article plaide en faveur de la reconnaissance de la vaste palette de modalités selon laquelle l'appartenance politique, la différence culturelle et les droits peuvent être analysés, envisagés et compris.
    • L'esclavage et la logique constitutionnelle des empires - Josep M. Fradera p. 533-560 accès libre avec résumé
      L'histoire des empires atlantiques montre bien la difficulté de concilier les systèmes représentatifs et les institutions libérales avec l'esclavage ou avec les tensions propres aux sociétés post-esclavagistes. L'article explore les contradictions entre le développement du libéralisme dans les métropoles et leurs conséquences problématiques dans les colonies. L'analyse est centrée sur trois cas emblématiques : les Antilles françaises à l'époque de la Révolution, Cuba pendant la révolution libérale espagnole des années 1830-1840 et la Jamaïque britannique en 1865, au moment de l'apogée de l'empire victorien. Nous cherchons à mieux comprendre la question des « régimes spéciaux » dans le cadre des systèmes constitutionnels des empires européens pendant les XIXe et XXe siècles.
  • Empires et identités nationales

    • L'Autriche-Hongrie était-elle un empire ? - Pieter M. Judson p. 563-596 accès libre avec résumé
      Les propagandistes nationalistes, de même que de nombreux historiens, persistent à considérer l'Autriche-Hongrie comme un empire, selon un schéma traditionnel. Cela contribue à renforcer les théories traditionnelles selon lesquelles l'Europe de l'Est serait d'une certaine façon en retard, semi-orientale et fondamentalement différente d'un « Occident » démocratique défini de manière nationale. Cependant, une analyse minutieuse des structures constitutionnelles et des formes de citoyenneté révèle qu'après le compromis de 1867, l'Autriche-Hongrie n'avait plus grand-chose en commun avec les autres empires continentaux. Elle constituait de fait à peine un État unifié, et encore moins un empire. Après 1867, la Hongrie était essentiellement un État-nation tandis que l'Autriche développait un système politique pluraliste dans lequel aucune nationalité n'était dominante. Cet article analyse la formation conjointe du concept d'« empire » par les nationalistes et les loyalistes favorables aux Habsbourg, à la fois en Autriche-Hongrie et dans les États qui lui ont succédé, dans le but de contrer les puissants récits nationalistes sur cette région.
    • Pluralité impériale et identités subjectives dans la Chine des Qing - Pamela Kyle Crossley p. 597-621 accès libre avec résumé
      La pluralité de l'empire des Qing se manifestait à la fois dans les rituels de l'empereur, sa cour, ses histoires et ses monuments et dans la construction historique des cultures dont l'empire tirait sa légitimation. Le résultat fut, à la fin du XVIIIe siècle, l'objectivation par les textes et les rituels d'un nombre fini d'identités historiques, correspondant d'abord aux cultures qui avaient été instrumentalisées dans les conquêtes des Qing de 1616 à 1755. Cependant ces identités objectivées, à la fois historiques et rituelles, existaient parallèlement à des cultures plus subjectives et locales, inscrites dans la vie quotidienne, non seulement pour les Mandchous, les Mongols et les Hans, mais aussi pour les peuples qui n'avaient jamais eu d'existence officielle dans l'historiographie des Qing, en particulier les diverses communautés musulmanes réparties dans l'empire. Au moment de la crise de l'empire, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, les identités objectives produites par le pouvoir impérial ont fourni une ressource disponible pour la construction d'identités nationales et ont nourri les mouvements nationalistes.
  • L'histoire coloniale en question

    • La catégorie « études coloniales » est-elle indispensable ? - Jean-Frédéric Schaub p. 625-646 accès libre avec résumé
      L'article discute la pertinence de l'établissement des études coloniales comme branche spécifique des recherches historiques. Dans le contexte français, il n'est pas certain que l'institutionnalisation de l'histoire coloniale soit la meilleure voie. Sans doute, les recherches et l'enseignement ont accumulé des retards en France, notamment par rapport aux pays anglophones. Cependant, une spécialisation coloniale présente l'inconvénient de renforcer l'opposition entre terrains d'outre-mer et métropole, qui est une traduction de la distinction entre république et empire, en vigueur sous les IIIe et IVe Républiques. En outre, les études coloniales courent le risque de favoriser les recherches sur les régions extra-européennes, en Asie, en Afrique, en Amérique, à partir de sources en langues européennes. En conclusion, l'article propose un cadre à la fois national, colonial et international pour la recherche historique sur les anciens empires et sur les situations coloniales, qui n'appartiennent pas toutes au passé.
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