Contenu du sommaire : Adieux aux colonialismes
Revue | L'Homme et la société |
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Numéro | no 174, 4e trimestre 2009 |
Titre du numéro | Adieux aux colonialismes |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial. Pragmatisme versus volontarisme ? - Michel Kail p. 5-8
Adieux aux colonialismes ? (I)
- Adieux aux colonialismes ? - Thierry Pouch, Bernard Hours p. 9
- De la globalisation des métaphores coloniales - Monique Selim p. 15-26 Cet article interroge les usages actuels du terme de colonisation qui s'est progressivement étendu à une multitude de faits sociaux, culturels et politiques. L'auteure illustre à travers plusieurs exemples comment la généralisation du terme de colonisation, évacuant les analyses de la domination, a permis une mutation profonde des représentations de l'oppression.This paper analyses the current uses of the word « colonization » that get broader to a lot of social, cultural and political facts. The author illustrates with several examples the great change of the representations of oppression because of the generalization of this word that disposes of the matter of domination.
- Le paradigme du colonialisme en Asie centrale postsoviétique - Marlène Laruelle p. 27-40 Dans l'espace postsoviétique, les débats sur le « colonialisme » sont marqués par l'interprétation du passé soviétique et la dissociation entre des discours politiques souvent victimisateurs et des habitus qui intègrent et même revendiquent des éléments du quotidien soviétique. En Asie centrale, le thème du colonialisme russo-soviétique est contrasté : certains États comme l'Ouzbékistan et le Turkménistan se posent en victimes du colonialisme russe, tandis que le Kazakhstan, le Kirghizstan et le Tadjikistan hésitent entre victimisation et approbation des logiques de modernisation sociale, culturelle et économique qui ont permis d'accéder à l'indépendance. De nombreux impensés politiques liés à l'histoire mouvementée du XXe siècle forment le soubassement idéologique de cette difficulté à prendre parti sur le débat du colonialisme.In post-Soviet space, debates about « colonialism » are stamped by the interpretation of the Soviet past and the dissociation between political discourses of victimhood and habituses which integrate and even assert elements of everyday Soviet life. In Central Asia, the topic of Russo-Soviet colonialism evokes contrasting responses : some states such as Uzbekistan and Turkmenistan cast themselves as victims of Russian colonialism, while Kazakhstan, Kyrgyzstan and Tajikistan vacillate between victimization and approval of the logics of social, cultural and economic modernization that enabled the accession to independence. Underlying the difficulties involved in taking a stance on the colonialism debate, then, is an ideological foundation comprising many uncognized political issues tied to the eventful 20th century.
- Une gestion publique de l'islam entre rupture et rhétorique - Lydie Fournier p. 41-62 Particulièrement orienté sur les enjeux politiques inhérents à la gestion publique de l'islam, cet article repose sur l'analyse des modes et logiques de sélection des partenaires musulmans dits « légitimes » au sein des réseaux d'action publique. Historiquement structurées en « réseaux d'acteurs fermés » fondés sur une volonté de contrôle d'une religion présentée comme délétère, ces politiques publiques subissent depuis une dizaine d'années les effets des évolutions sociologiques de l'islam en France, et des enjeux électoraux qui y sont liés. L'analyse des politiques publiques locales (Montpellier) et nationales démontre que si les responsables politiques cherchent à générer un sentiment de rupture avec cette gestion historique de l'islam, ils contribuent pourtant, dans les faits, à faire perdurer cette pratique.This paper analyses the political challenges that are inherent to the public management of Islam and is interested in the ways and logics of the selection of the so-called valid muslim partners to take part in the network of public action. This public politics were used to operate as closed networks. For ten years, this networks have been obliged to change their working. In spite of the will to show their intention of functionning otherwise, the same working endures, as the local level (Montpellier) as the national one.
- Le pourrissement rouge et vert : Les militaires français face au communisme et à l'islam : une pensée de l'infection par l'ennemi intérieur autour du 17 octobre 1961 - Mathieu Rigouste p. 63-74 La doctrine française de la guerre contre-révolutionnaire, conçue durant les guerres coloniales d'Indochine et d'Algérie a été organisée autour de la représentation d'un « pourrissement rouge et vert », désignant l'alliance des communistes et des colonisés. Cette double coloration, par le corps et par le camp, a accompagné le passage de techniques de guerre dans le domaine policier et permis de gérer une manifestation de colonisés comme une opération de défense en contexte de guerre totale. On peut interroger le rôle que jouent des dispositifs imaginaires comme les métaphores et les couleurs dans la traduction de doctrines de guerre en pratiques de contrôle.The French doctrine of counter-revolutionaty war, conceived during the Indo-China and Algeria's colonial wars, has been thought according to the representation of « a red and green deterioration », that is the union of Communists and colonized peoples. This representation that combines Communists and colonized peoples justified the use of the military technique by the police force.
- Socialisme colonial, socialisme national des pays dominés Le socialisme contraint par le nationalisme - René Gallissot p. 75-96 Retour sur l'histoire du socialisme dans les pays dominés, celui des partis socialistes et du travail (labour) et non pas communistes, tant pour le socialisme colonial pénétré de racisme blanc, qu'ensuite sous les références socialistes des partis nationalistes à travers les luttes d'indépendance. Au début du XXe siècle, le premier gouvernement travailliste au monde, en Australie, inaugure un socialisme blanc. Établi sur la frontière coloniale, le socialisme petit-blanc rend l'anticolonialisme minoritaire ; au mieux un évolutionnisme célébrant le progrès par l'école et le syndicat, permet une velléité de fraternité des races. Les socialismes de collaboration coloniale (et celui des partis métropolitains) ne voyant pas leur propre enfermement nationaliste, refusent le nationalisme des colonisés, plus encore s'il devient nationalisme révolutionnaire. Dans les mouvements de libération nationale (sans rappeler ici l'exception communiste nationale chinoise et indochinoise), l'affirmation socialiste est prononcée par des « partis du peuple ». Cet amalgame se traduit en populismes socialisants ou marxisants qui, à l'indépendance, se figent en nationalisme d'État notamment dans l'illusion développementaliste par l'État national. Le projet internationaliste de la Tricontinentale est liquidé ; les pan-nationalismes culturalistes cèdent place au chaos communautaire « religieux » ou « ethnique », fruit pourri de la colonisation.At the beginning of 20th, the first labour government that has been established in the world, in Australia, started the tradition of « white socialism ». This kind of socialism made the anticolonialist stance minority. At best, it developed an evolutionism celebrating progess because of education and unions. Unaware of his own nationalism, the socialism of the colonial collaboration rejected the nationalism of the colonized peoples, all the more reason it was revolutionary. Inside the national liberation movements, the socialist plan was supported by the « people's parties ». With the result that socialism has been converted into nationalism of state at the time of independence. The internationalist plan has been abandoned to let the community ethnic and religious chaos take its place.
- Indigénisme, capitalisme, socialisme : l'invention d'une « quatrième voie » ? Le cas bolivien - Diégo Landivar, Émilie Ramillien p. 97 La victoire du Mouvement vers le Socialisme (Movimento Al Socialismo, MAS) en Bolivie (et l'élection d'Evo Morales qui remporte 54 % des suffrages au premier tour) représente un véritable tournant dans la vie politique bolivienne. On s'intéressera dans cet article à l'étude du cas bolivien, qui représente le mieux la mutation d'un régime économique et politique en Amérique latine. En effet, l'objectif du gouvernement bolivien est d'inventer un modèle économique et politique sur des bases culturelles et historiques propres.L'objectif de cet article est de montrer l'originalité, la pertinence ainsi que la vulnérabilité du modèle politique et économique proposé en Bolivie. La première partie traite des origines de la synthèse idéologique opérée par le MAS à travers un rapide détour historique. La deuxième partie analyse le modèle politique et économique mis en place en Bolivie depuis janvier 2006. Enfin, la troisième partie aborde la question de la pertinence du modèle bolivien, de sa vulnérabilité et les risques inhérents à son développement. Il s'agit de comprendre les contradictions internes du modèle bolivien et sa difficulté à se définir en dehors des structures économiques « classiques » de type capitaliste ou socialiste.In Bolivia, the election victory of the Movement to Socialism (Movimento Al Socialismo, MAS) and the election of Evo Morales with 54 % of valid votes in the first ballot have been a watershed in Bolivian politics. The Bolivian government's plan aims to invent a new economical and political model based on the own cultural and historical bolivian characters. The purpose of this paper is to prove the novelty, the relevance and the vulnerability too of this actual bolivian model.
- Colonialisme, internationalisation, démocratie... - Pierre Rolle p. 119-142 Les théories traditionnelles de la démocratie décrivent ce régime comme celui qui rassemble et unifie un peuple. Un tel mode de gouvernement passe pour applicable à toutes les nations. Si donc des pays nouveaux, sortis du colonialisme, ou suscités par l'expansion européenne, n'adoptent pas le système représentatif, ce ne peut être que l'effet d'un abus de pouvoir, une fraction du peuple dominant les autres, ou une élite menant une politique aveugle. Cette conception apologétique manque tout à la fois de cohérence, et de base empirique. Les nations anciennes se sont constituées par la violence et le commerce, qui créent entre les personnes des intérêts communs et des dissensions, et non comme accomplissement d'un projet collectif. La démocratie obéit à des conditions sociales précises : elle implique un pouvoir unique, qui n'a pas d'autres limites que celles qu'il se fixe lui-même. En s'interdisant de régler rigoureusement les objectifs et les moyens de dispositifs de travail, l'État insère l'économie nationale dans l'espace international des échanges. Les nations nouvelles se trouvent ainsi au centre de contradictions insolubles, et obligées de constituer à contretemps des États de type ancien au moment même où les pays dominants entrent dans une nouvelle étape de leur mondialisation.According to the common theory of democratic government, such an institution is the only one which sustains cohesion of the community and expresses the unity of the people. This political system is available to every country. It follows that the shortage of democratic institutions in many postcolonial nations is the effect of the domination of some groups over others, or the elite's blindness or indifference. This justificatory conception seems seriously deficient, and its empirical basis is questionable. The old nations were not invented to achieve a common design. They were established by violence and trade that actually created between people shared interests, solidarities and hostilities. « Democratic institutions » means a sole power, which has no other limits than the ones it imposes upon itself. When it refrains from imposing any set way or purpose to the productive occupations, the State manages the strategy of the nation in the international sphere of exchange transactions. The new nations are, as a result, forced to solve several contradictions. They have to establish an old type of State institution, at the very time when the old countries are entering a new stage in their international relationships and development.
Vers un monde à la Disney
- De l'espace public à l'espace publicitaire Odysseum à Montpellier - Jean-Pierre Garnier p. 143-168 Présenté par la municipalité de Montpellier et ses chargés de « communication » comme un projet urbain dont les composantes commerciales ne seraient que des moyens pour atteindre des fins autres que mercantiles, Odysseum ressemble plutôt à un dispositif, à la fois matériel et symbolique, où la place et le rôle impartis au « ludique » apparaissent surdéterminés par une logique strictement marchande. N'y aura-t-il bientôt plus, dans l'esprit des citadins subjugués par des fictions préférées à la réalité, d'autre espace public qu'un espace destiné à les conformer et les conforter dans leur statut et leur fonction de consommateurs ?Officially Odysseum had been presented in a favourable light by the town of Montpellier and her public relations team as an urban plan. His trading feature had been planned to be the mean to achieve other aims. In truth, Odysseum is rather a material and symbolic plan in which the play side is overdetermined by trading goals. Seduced by fictions instead of reality, the city dwellers are going to confuse the public space with a site designed to prepare them to adopt a very consumerist behaviour.
- Construire un passé : Les enjeux du New Urbanism en Allemagne - Margaret Manale p. 169-184 Pendant un demi-siècle, le Mur a préservé la République démocratique allemande, au centre de l'Europe, des opérations de démolition modernisatrice. Villes et campagnes sont aujourd'hui rattrapées par une spéculation immobilière effrénée qui prend pour prétexte la défense du patrimoine. Le développement du tourisme est censé procurer travail et élévation de son niveau de vie à une population vieillissante, en même temps que la reconstruction/déconstruction du bâti reflète une certaine idée de ce pays réunifié. Nous étudions cette problématique à partir de deux sites balnéaires de la province de Mecklembourg, Heiligendamm et Wustrow, et du quartier dit le Johannisviertel à Berlin. Trois projets, tous propriété de Fundus, un fonds d'investissement ouest-allemand, dont la planification a été confiée à de célèbres architectes/urbanistes nord-américains du New Urbanism. Au mépris des populations locales, et de leur histoire, on se sert de simulacres pour confectionner la scénographie d'une Allemagne au passé lisse et à l'avenir radieux.For nearly half a century the Wall preserved the German Democratic Republic, in the heart of Europe, from the devastations of modernisation. Today, however, frantic real-estate speculation has overtaken both cities and the countryside, under the pretext of a concern for cultural heritage. The development of sites with potential touristic interest is supposed to offer work and a higher standard of living to an ageing population, and this spatial reconstruction, or, as the case may be, the deconstruction of built sites, reflect a certain idea of reunified Germany. We explore this issue through the examples of two seaside resorts in the province of Mecklenburg, Heiligendamm and Wustrow, and that of the Johannisviertel in East-Berlin. All three projects belong to a West-German investment fund called Fundus, and their realisation has been entrusted to famous North-American architects/urban planners of the New Urbanism movement. Sham constructions, irrespectful of the local citizenry and their history, provide the stage design for an unruffled version of Germany's past and a radiant vision of its future.
- Revue des revues - Thierry Pouch p. 185-196
- Comptes rendus - p. 197-204
- De l'espace public à l'espace publicitaire Odysseum à Montpellier - Jean-Pierre Garnier p. 143-168