Contenu du sommaire : Histoire de la pensée et théories
Revue | Cahiers d'économie politique |
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Numéro | no 66, printemps 2014 |
Titre du numéro | Histoire de la pensée et théories |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Comment la poursuite de l'abondance annihile la culture : Essai d'interprétation des Perspectives économiques pour nos petits-enfants de J. M. Keynes (1930) - Antonin Pottier p. 7-33 Dans les Perspectives économiques pour nos petits-enfants, Keynes articule son raisonnement autour de trois thèmes : la croissance économique, l'occupation de l'homme et l'amour de l'argent. Les réceptions existantes soit se focalisent sur un thème spécifique, soit ignorent une partie du raisonnement. Si l'on considère le raisonnement dans son entier, Keynes propose en fait une critique du capitalisme, qui laisse libre cours à l'amour de l'argent, stimule les activités utilitaires et détruit la possibilité de profiter de l'abondance qu'il crée.How Pursuing Wealth Annihilates the Arts of Life. Interpretative Essay of Economic Possibilities for our Grandchildren from J. M. Keynes (1930)Keynes' rationale in Economic Possibilities for our Grandchildren uses three pivotal themes : economic growth, man's occupation and the love of money. Interpretations either focus on one specific theme, or disregard parts of the rationale. We consider the rationale as a whole and show that Keynes displays a criticism of capitalism, as it destroys the possibility to enjoy the affluence it has produced.
- Un lieu commun sans vacuité : le caractère dans la pensée d'Alfred Marshall - Rozenn Martinoia p. 35-68 Le caractère est une notion communément reconnue comme centrale dans la pensée d'Alfred Marshall, et plus largement dans l'Angleterre victorienne. Pourtant, cette notion n'est jamais intrinsèquement définie. Le présent article propose une reconstruction intellectuelle du caractère chez Marshall qui, sans nier que ses conceptions évoluent entre ses écrits de jeunesse et de maturité, se focalise sur les éléments pérennes de sa pensée. Cette reconstruction est également l'occasion de revenir, par un travail d'archives, sur la conception marshallienne de l'idéal social. Marshall conçoit en effet le caractère comme un complexe de qualités psychologiques, morales et cognitives qui, non sans circularité, prennent sens dans l'idéal marshallien et simultanément le servent.Character in Alfred Marshall's Work: Not so Commonplace?
Character is commonly recognised as a crucial notion in Alfred Marshall's thought, and more broadly in Victorian thought. However, this concept is never intrinsically defined. This paper offers an intellectual reconstruction of the notion of character in Marshall's thought. While not denying that Marshall's ideas evolve between his early writings and his later writings, this reconstruction focuses on the unchanged elements of his thought. This reconstruction is also an opportunity to re-examine Marshall's conception of social ideal, on the basis of archives documents : Marshall conceives character as a complex of psychological, moral and cognitive faculties that – in a somewhat circular way – both makes sense in the light of his social ideal and serves his social ideal. - Jean-Baptiste Say et la question de la population - Jean-Baptiste Fréry p. 69-94 La question de la population dans l'œuvre de Jean-Baptiste Say est un thème très peu abordé par la littérature secondaire. Les quelques travaux existants se limitent à mentionner certains éléments théoriques de l'auteur dans des études globales de la question. Ce faisant, aucune approche n'étudie réellement la manière dont la théorie de la population de Say est liée aux principaux éléments de sa théorie économique. Pourtant, cette étude s'avère fondamentale pour comprendre les différences de sa théorie de la population de celle de Thomas Robert Malthus qui fait référence en la matière.Jean-Baptiste Say and the Population Matter
The population matter in Jean-Baptiste Say's work is not a subject traditionally covered by secondary literature. The limited existing works, which consist of general studies on the question, only refer to some theoretical elements of Say's theory. No approach actually examines how Say's theory of population is related to the main elements of his economic theory. Studying this link is fundamental in order to understand the differences between Say's theory of population and Thomas Robert Malthus's referential theory on the topic. - La coordination par le marché dans Social Choice and Individual Values : mérites normatifs ou mérites techniques ? - Irène Berthonnet, Vincent Desreumaux p. 95-126 L'article cherche à élucider le statut qu'Arrow prête au marché dans son ouvrage de 1951. Il montre comment la quête originelle de l'auteur consistait à proposer un troisième théorème de l'économie du bien-être (Feldman, [1991]), en montrant que le marché réalise non seulement des allocations Pareto-optimales, mais aussi des allocations justes. Si le marché est frappé par le théorème d'impossibilité, Arrow propose cependant une solution à son célèbre théorème. L'article interprète le sens de cette solution en montrant qu'elle consiste à limiter le rôle du marché à celui d'opérateur technique d'efficacité, ne prenant pas en compte les valeurs individuelles.Does Market Coordination Lead to Justice or to Strict Efficiency in Social Choice and Individual Values? The paper tries to clarify the status of the market in Social Choice and Individual Values. It shows how Arrow at first intended to propose a third theorem of welfare economics (Feldman [1991]), which would show that the market achieves not only Pareto-optimality, but also equitable social allocations. The impossibility theorem proves this is impossible. Arrow's solution to impossibility is interpreted here as a further limitation of the market's objectives. At the end of the book, the market is presented as a technical mechanism that guarantees economic efficiency, if it doesn't take individual values into consideration.
- Une histoire du ciblage de l'inflation : science des théoriciens ou arts des banquiers centraux ? - Emmanuel Carré p. 127-171 Le régime de politique monétaire de ciblage de l'inflation apparaît en 1989 en Nouvelle-Zélande. Plus de vingt ans après, il domine la littérature, a été adopté par plus de 25 pays et constitue le régime de référence du Fonds monétaire international. Pour la littérature standard, il naît de la « science » de la politique monétaire, de l'incohérence temporelle principalement. Retraçant l'histoire de ce régime en Nouvelle-Zélande, l'article met en évidence qu'il s'inscrit aussi, dans le cadre plus large, des réformes gouvernementales inspirées de l'École de Harvard. Plus encore, l'historique du ciblage de l'inflation réalisé par l'article souligne le rôle limité des théories dans sa création : il émerge comme un « art » pragmatique, pauvre en fondation théorique. Il est donc une innovation au regard de la théorie, et une originalité au regard de l'histoire des régimes monétaires antérieurs dérivant de la théorie.The Origins of Inflation Targeting Regime : The Science of Central Banking or the Art of Central Bankers? The monetary policy regime of inflation targeting was born in 1989 in New Zealand. Inflation targeting has now become the mainstream view in the literature, it has been adopted by more than 25 countries and it is the norm of the International Monetary Fund. Conventional wisdom sees the origins of inflation targeting in the ‘science' of monetary policy, in particular the problem of time inconsistency. The author recalls the historical origins of this regime in New Zealand and shows that it also results from the broader governmental economic reform based on the Harvard School. Further evidence shows that economic theories have played a limited role in the creation of inflation targeting, which turns out instead to be a pragmatic ‘art', with little theoretical foundations. Inflation targeting is thus quite special in the history of monetary regimes.
- Les cycles d'accumulation du capital dans la théorie marxiste - Bernard Dupont p. 173-198 Cet article revisite la question des cycles dans la théorie marxiste à partir des indications méthodologiques de Marx dans le livre 1 du Capital. Il expose les propriétés d'un modèle dynamique non linéaire d'accumulation du capital analysant les interactions du taux d'emploi, du taux de plus-value et de la composition du capital. Un régime d'accumulation extensive génère des fluctuations endogènes. Un régime mixte d'accumulation extensive et intensive est marqué par des cycles longs de l'emploi, de la plus-value et du taux de profit alors que l'intensité capitalistique connaît des phases de stagnation et de hausse.Capital Accumulation Cycles in the Marxist Theory
This paper reviews the question of cycles in the Marxist theory from the methodological indications given by Marx in the first book of the Capital. It expounds on the properties of a nonlinear dynamic model of accumulation of capital which analyses the interactions between the rate of employment, the rate of surplus value and the composition of capital. An extensive accumulation regime generates endogenous fluctuations. A mixed regime of extensive and intensive accumulation is marked by long waves of employment, surplus value and the rate of profit while capital intensity goes through phases of stagnation and rising. - Esprits animaux et habitus : convergences et approfondissements - Michaël Lainé p. 199-235 Économie et sociologie explorent toutes deux rationalité et prise de décision avec leurs out-ils propres. Cet article interroge les liens entre les approches keynésiennes et bourdieu-siennes dans ce domaine suivant trois axes : 1) une conception corporelle spontanée, quasi-réflexe, de l'action ; 2) le caractère analogique des anticipations ; 3) la question du holisme ou celle de l'articulation micro/ macro. La convergence de vues entre esprits animaux et habitus semble grande. Au-delà des différences d'objet, il apparaît que le dialogue entre les deux théories peut être fécond, et qu'elles gagneraient à se compléter l'une l'autre. Sur six points en particulier le recours à l'habitus permettrait d'enrichir le concept d'esprits animaux : l'endogénéisation des préférences, l'extension de la notion de capital (aux dimensions culturelle et symbolique, notamment), le sens pratique, les effets de structure, les relations de pouvoir et une articulation fine des fondements micro de la macro aux fondements macro de la micro.Animal Spirits and Habitus: Convergence and Deepening
For long, economics and sociology have been exploring rationality and decision-making with analytical tools of their own. This paper aims at comparing Keynes's theories with Bourdieu's in this regard. It hinges around three headings, namely : 1) a spontaneous, embodied view on action ; 2) the analogical nature of expectations ; 3) the organicism or the micro/macro connection issue. Animal spirits and habitus appear to be very much in tune with each other. Beyond the differences in the research topics, it seems that both theories are consistent and should benefit from cross-fertilization. In particular, the very concept of animal spirits could benefit from the habitus on six points : endogenizing of preferences, extension of the notion of capital (not the least to other dimensions such as culture and symbol), practical sense, structural effects, power relationships and a refined articulation of the microeconomic foundations of macroeconomics to the macroeconomic foundations of microeconomics. - Notes bibliographiques - p. 237-284