Contenu du sommaire : Cyberespace : enjeux géopolitiques
Revue | Hérodote |
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Numéro | no 152-153, 1er-2ème trimestre 2014 |
Titre du numéro | Cyberespace : enjeux géopolitiques |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- La géopolitique pour comprendre le cyberespace - Frédérick Douzet p. 3-21 La croissance exponentielle de l'Internet a révolutionné nos modes de vie, bouleversé notre économie, démultiplié nos moyens de communication mais aussi conduit à une prolifération des conflits entre une multitude d'acteurs à propos de son contrôle et sa régulation ; de l'utilisation des réseaux informatiques dans le cadre de conflits politiques, de combats militaires, de guerre économique, de renseignement ou de politique d'influence diplomatique et culturelle ; et du respect de la vie privée et autres libertés individuelles. Le cyberespace est ainsi devenu à la fois un enjeu de rivalités de pouvoir entre acteurs, un théâtre d'affrontement et une arme redoutable dans les conflits géopolitiques. Pendant longtemps, ces questions sont restées entre les mains d'une petite communauté d'experts de culture scientifique et technique. Les gouvernements, les militaires, les entreprises, les citoyens ont désormais besoin de mieux comprendre les enjeux parce que beaucoup de ces décisions techniques sont devenues politiques et stratégiques. La géopolitique est un outil indispensable pour les analyser.The exponential growth of the Internet has revolutionized our way of life, transformed our economy and tremendously expanded our communication means. But it has also generated a proliferation of conflicts about: its control and regulations; the use of networks in political conflicts, military and economic warfare, intelligence and soft power; the respect of privacy and other civic liberties. Cyberspace has therefore become the object of power rivalries between stakeholders, a scene of confrontation and a highly powerful tool in geopolitical conflicts. For a long time, these issues have remained in the hands of a small community of experts with a scientific and technological background. Today, governments, corporations, the civil society, the military need to better understand these challenges because with the massive development of the Internet and its omnipresence in our daily lives, many technical decisions have become political and strategic decisions. Geopolitics is an essential tool to understand them.
- Lexique sur le cyberespace - Alix Desforges, Enguerrand Déterville p. 22-25
- Étude préliminaire sur les analyses en cybersécurité : l'affaire Snowden comme étude de cas - James A. Lewis p. 26-34 La cybersécurité est un champ d'études compliqué car de nombreuses informations nécessaires à une analyse objective sont confidentielles. Néanmoins, il est possible de tirer des conclusions précises de données incomplètes, mais cela dépend des hypothèses et des modèles choisis pour interpréter ce qui est connu et nécessite d'adopter des méthodologies rigoureuses. Une question initiale et fondamentale est de savoir si le cyberespace a transformé de manière significative le comportement des États. Ainsi, cet article analyse les effets réels de l'affaire Snowden sur les négociations visant un accord international sur la cybersécurité. Il montre que, depuis ces révélations, les positions des États sur la recherche d'un accord international varient selon leurs intérêts respectifs, mais qu'aucun d'eux n'envisage sérieusement de rompre les pourparlers avec les États-Unis.Cybersecurity is a complicated field to study because a lot of the necessary information is confidential. Nonetheless, it is possible to draw conclusions from partial data, but it depends on the hypotheses and model chosen to interpret what is known. It requires rigorous methodologies. To determine if cyberspace significantly transformed states behaviors is fundamental. Thus, this article analyses the real impact of the Snowden case on the cybersecurity international agreement negociation. It shows that, since those revelations, states positions about searching an international agreement vary according to their self-interests, but that none of them seriously consider breaking off talks with the United States.
- Cartographie de l'affaire Snowden - Louis Pétiniaud p. 35-42
- Les données sociales, objets de toutes les convoitises - Stéphane Frénot, Stéphane Grumbach p. 43-66 Les données personnelles jouent dans l'actuelle révolution sociétale un rôle aussi essentiel pour l'économie que fondamental pour les choix politiques. Alors que leur production augmente exponentiellement, leur exploitation a permis dans la décennie passée, une croissance, sans précédent dans l'histoire industrielle, des géants de l'Internet comme Google ou Facebook. Pourtant, en dépit de l'importance des données dans la nouvelle économie, l'activité en ligne et les flux de données ne sont pas pris en compte dans nos indicateurs traditionnels tels que la balance commerciale, ou le cours des matières premières. L'objectif de cet article est de montrer la pertinence de certaines métriques de flux de données pour mesurer cette activité aujourd'hui essentiellement invisible. Il s'agit dans un premier temps d'analyser comment fonctionnent les industries de la collecte de données que sont aujourd'hui les grandes plateformes d'intermédiation qui occupent dans le monde une position absolument dominante. Dans un second temps, une cartographie des flux de données à partir de certains pays représentatifs met en évidence les asymétries de connaissance dans cette nouvelle économie.Personal data play in the undergoing social revolution a role, which is as important for the economy as it is fundamental for the political choices. As their production increases exponentially, the exploitation of these data in the last decade has lead to a growth of the Internet giants, such as Google or Facebook, unprecedented in the history of industry. But, despite their importance in the new economy, neither online activity nor data flows are taken into account in traditional indicators, such as commercial balances, or raw materials price indexes. The objective of this paper is to show the relevance of data flows metrics to measure this activity, which today stays essentially invisible. We first show how the data collecting industry, based on the main intermediation platforms, work. These platforms occupy a dominant position in the world. In Europe for instance, they collect most of the personal data produced online, which is exported to the US. We then establish a cartography of data flows, based on some representative countries, including France, Korea, Egypt, Brazil, and of course the US and China, giants in the field, which exhibits the knowledge asymmetries of the new economy.
- Les représentations du cyberespace : un outil géopolitique - Alix Desforges p. 67-81 Depuis quelques années, le cyberespace est au cœur de débats et discussions au plus haut des instances gouvernementales et diplomatiques. Qu'il soit question de gouvernance ou de sécurité et de défense, les États se sont pleinement saisis des enjeux d'un cyberespace dont la démocratisation a fait exploser les usages malveillants qui défient leur souveraineté. Mais le cyberespace ne possède pas de définition consensuelle et fait l'objet de représentations qui s'expriment nettement dans les différents enjeux qui lui sont relatifs. Cet article a pour objectif de revenir sur ces différentes représentations et d'identifier leurs emplois aux finalités contradictoires dans le cadre des stratégies développées par les acteurs des conflits pour le contrôle, la maîtrise ou la sauvegarde du cyberespace, qui devient à la fois l'outil et l'objet de ces rivalités.Since the mid 2000's, cyberspace is a debated topic at the very top of governments and diplomatic corps. For its governance or about defense and security, Nation-States took the measure of the concerns about a cyberspace which challenge their sovereignty. But cyberspace has no consensual definition and is marked by representations. This article aims to explore these different representations which have emerged for contradictory goals and to understand how they are used for geopolitical purposes.
- Le cyberterrorisme : un discours plus qu'une réalité - Olivier Kempf p. 82-97 Le cyberterrorisme est mentionné depuis plus de dix ans comme un des dangers majeurs du cyberespace. Il sert d'ailleurs à justifier nombre de mesures de surveillance généralisée du cyberespace. Pourtant, l'expérience ne donne aucun exemple de « cyberterrorisme » : il semble bien qu'il s'agisse plus d'un discours (d'une représentation) servant à légitimer une politique de « domination » des réseaux. Les États-Unis sont les premiers à développer une telle attitude. Toutefois, cela ne signifie pas pour autant que les terroristes n'utilisent pas le cyberespace, mais selon des voies détournées. Ainsi, le cyberespace serait pour les terroristes plus un outil qu'une cible.Cyberterrorism has been mentioned for over ten years as one of the major dangers of cyberspace. It also serves to justify plenty of general measures of cyberspace surveillance. However, experience shows no example of “cyberterrorism”: it seems that it is first and foremost a speech (representation) used to legitimize a policy of « domination » of networks. The United States are the first to develop such an attitude. However, this does not mean that the terrorists do not use cyberspace, but in a roundabout way. Thus, for terrorists, cyberspace would be more a tool than a target.
- Cybergéopolitique : de l'utilité des cybermenaces - Rodrigo Nieto Gómez p. 98-122 Les scénarios de cybersécurité aux États-Unis sont très influencés par les représentations géopolitiques de vulnérabilité et de menace qui sont un frein à l'esprit d'innovation très répandu sur le Net et, de ce fait, contrarient l'esprit d'entreprise propre aux États-Unis. Ces politiques de sécurisation ont été explicitement rejetées par de très nombreux membres de la communauté de la technologie d'information, qui voient le hacker comme l'archétype de la créativité sur Internet, et non comme un ennemi de l'État. Cet article développe les alternatives permettant de désécuriser le cyberespace, ce qui mènerait à une politique démocratique de cybersécurité. Cela rééquilibrerait l'écart entre les peurs et les faits, ce qui permettrait au citoyen-hacker de protéger les différents domaines du Net sans qu'il soit nécessaire de recourir à la politique de la terreur.Cybersecurity narratives in The United States are influenced by geopolitical representations of vulnerability and threat. Some of these representations challenge the innovation behaviors that are so prevalent in online environments, and antagonize with the entrepreneurial ethos of the country. These securitization moves have been explicitly rejected by an important sector of the Information Technology (IT) community that sees in the hacker an archetype of creative behaviour and not an enemy of the state. This paper explores alternatives to de-securitize cyberspace in order to create a more democratic cybersecurity policy that rebalances fears and facts to empower the citizen-hacker to protect online environments outside the politics of fear.
- Peut-on penser une cybergéographie ? - Jérémy Robine, Kavé Salamatian p. 123-139 L'Internet et le cyberespace sont aujourd'hui des réalités incontournables du monde contemporain, et en géopolitique bien des événements récents en ont souligné l'importance. Cependant, ces deux termes d'Internet et de cyberespace ne se recouvrent pas. L'Internet est un réseau bâti sur du réel, composé de fibres optiques, de liaisons par satellites et de machines qui sont situées dans l'espace terrestre ; le cyberespace regroupe les applications qui exploitent l'Internet et semble s'échapper de l'espace terrestre, pour en former un nouveau. L'analyse géopolitique doit, elle aussi, distinguer ces deux plans. Tout d'abord, et au travers de quelques exemples (Iran, France, Syrie), il convient de porter un regard géographique sur les infrastructures de l'Internet. Elles peuvent être des cibles en situation de conflit et, plus généralement, leur organisation dans les territoires pose de nombreux problèmes classiques de géographie ou de géopolitique, en termes d'aménagement du territoire ou d'inégalités spatiales. Dans un second temps, et à titre d'ébauche, cet article tente d'imaginer ce que sera peut-être demain la cybergéographie, discipline visant à étudier « spatialement » le rapport des humains au cyberespace, par analogie avec la géographie qui a pour objet leurs rapports avec l'espace terrestre. Cela impliquera d'élaborer les outils d'une description du cyberespace en quelque sorte de l'intérieur, et pose de nombreuses questions abstraites et théoriques.Internet and cyberspace are nowadays unavoidable facts of contemporary word, and their geopolitical importance have been emphasized during the recent two years. Nonetheless, Internet and Cyberspace are different terms and concept that do not cover completely each other. While Internet is a network build on concrete physical reality, made of optical fiber, satellite links and computer that are spread in terrestrial space, cyberspace containing the applications and the cooperation's that are exploiting internet, seems to be free of physical dimension, and defining a new spatial domain. Geopolitical analysis should distinguish this two dimensions. We first, through some concrete examples (Iran, France, Syria), show that we should have a geographical glance to Internet infrastructures. These infrastructures can be target in case of conflict and more generally their placement in territories falls in classical problems of geography and geopolitics, in terms of urban and territorial settlement or spatial inequality. In a second attempts, and as a first trial, this paper tries to imagine what should be “cybergeography” an emerging research theme that, similarly to geography that study the interaction between human and the earth, studies the spatial relationships between human and cyberspace. This will entail the need to develop new tools to describe cyberspace from inside. This generate several challenge both on theoretical and practical grounds.
- La Russie dans le cyberespace : représentations et enjeux - Kevin Limonier p. 140-160 Depuis une décennie, la Russie est devenue un acteur majeur du « cyberespace ». Disposant tout à la fois d'une économie numérique développée et d'une importante zone d'influence linguistique, la Fédération s'appuie sur cette nouvelle forme de puissance pour prolonger, sur les réseaux, les grandes postures géopolitiques qui caractérisent la Russie contemporaine. Cet article se propose donc d'étudier le segment russe du cyberespace sous l'angle des représentations territoriales et des rivalités de pouvoir qu'il suscite ou alimente. Il s'agira notamment de montrer qu'il constitue une importante « caisse de résonance » pour des problématiques qui concernent l'espace postsoviétique dans son ensemble.Since a decade, Russia has become a major player in cyberspace. With its strong digital economy and its lingustic area of influence, the Federation uses this new form of power as a vector for extending on networks the main geopolitical issues that shape contemporary Russia. This paper intends to study the Russian section of cyberspace by the prism of territorial representations and rivalries that it arouses. It will be especially showed that digital networks are an important amplifier for issues that affect the whole post soviet space.
- L'art de la guerre revisité. Cyberstratégie et cybermenace chinoises - Frédérick Douzet p. 161-173 À l'heure où les grandes puissances occidentales multiplient les initiatives et les investissements pour développer une stratégie cohérente face aux cybermenaces, la Chine fait paradoxalement figure de leader. Sa capacité à intégrer la dimension cyber dans tous les domaines stratégiques de sa montée en puissance – aussi bien militaire, que politique ou économique – impressionne, inquiète et suscite en réaction de vifs débats qui révèlent les contradictions et les fragmentations de la réflexion stratégique occidentale, dans un contexte de tensions qui rappelle le temps de la guerre froide. Alors que les États-Unis semblent toujours à la recherche d'une stratégie globale à l'égard de la Chine, la représentation de la cybermenace chinoise ne cesse de prendre de l'ampleur dans le discours médiatique et politique américain. Si cette représentation est d'abord fondée sur le positionnement et les actions stratégiques de la Chine dans le cyberespace, elle se nourrit aussi d'autres enjeux et s'inscrit dans un contexte politique tendu aux États-Unis.While most major western powers are developing capacities and strategies to face cyberthreats, China paradoxically appears as a leader. The regime has been able to integrate the cyber dimension into all aspects of its strategic thinking to serve its rising economic, political and military power. China's cyberstrategy is regarded both as impressive and worrying, and therefore generates a lot of reactions and debates that reveal the contractions and fragmentation of western strategic thinking, in a contex of tensions that somewhat recalls the cold war. While the US is still searching for a comprehensive strategy towards China, the representation of the Chinese cyberthreat keeps inflating in the media and political discourses. This representation is first and foremost grounded in the strategic positioning and actions taken by China in cyberspace but it also results from other domestic issues, including a the political gridlock of US institutions.
- Souveraineté et juridiction dans le cyberespace - Bertrand de La Chapelle p. 174-184
- Ranger la Terre. Le nommage des domaines est-il l'expression d'une stratégie des États-Unis de domination des réseaux? - Dominique Lacroix p. 185-200 Depuis la grande vague de libéralisation globale des années 1990, la stratégie états-unienne a consisté à pousser ses entreprises à conquérir le monde, par des moyens variés : standards, lois, facilités fiscales, commandes publiques (souvent militaires) et espionnage. En matière de nommage Internet, les entreprises états-uniennes, gagnantes au jeu dont elles ont inventé les règles, portent avec elles l'identité américaine projetée ainsi à travers le monde qu'elles tentent de réorganiser. Tout se passe pourtant comme si elles se heurtaient à des murs de résistance en Orient, des murs d'écritures.Since the 1990's neoliberalization wave, the American strategy consisted in pushing its companies to conquer the world, and so by various means such as laws, fiscal measures, public orders (often military) and espionage. On the matter of Internet naming, American companies win the game they invented the rules of and thus, spread their identity all over the world that they try to reorganize. However, everything seems to meet walls of resistance in the East.
- Existe-t-il un droit international du cyberespace ? - Oriane Barat-Ginies p. 201-220 Le droit international est un outil exceptionnel par sa capacité à s'adapter aux nouveaux enjeux liés à l'évolution globale des sociétés actuelles. En s'appuyant sur les traités internationaux spécialisés concernant les espaces, sur les conventions de Genève en droit international humanitaire ou encore sur les manuels militaires doctrinaux d'emploi des forces, les sources permettant de répondre aux défis et menaces dans le cyberespace sont nombreuses. Sans volonté de création de nouvelles normes internationales spécifiques aux cyberconflits, le jeu d'analyse et de mise en lumière du droit existant face aux attaques cybernétiques reflète l'intérêt stratégique du domaine pour chaque État. Quelques experts internationaux se sont essayés à cette gymnastique juridique et ont rédigé un manuel de droit international applicable aux cyberguerres. Quel est l'intérêt stratégique, géopolitique et juridique de ce travail de plus de trois ans accueillis par le Centre d'excellence de cyberdéfense de l'Otan ? Quels sont ses atouts et ses principaux écueils ? Pourquoi la France n'y a-t-elle pas participé ?International law is an exceptional tool capable to adapt itself against new challenges linked to the global evolution of our contempory society. Relying on specialized international treaties, Geneva conventions on humanitarian law or on military manuals of armed forces, legal sources are numerous and could also help to get an answer to these new challenges and threats in cyberspace.
Without any willingness to create new international legal norms specifically to cyberconflicts, the exercise to interpret law against cyber attacks shows the strategic interest of this domain for each state. Few international experts have tried this legal brain training and wrote the Tallinn manual on international law applicable to Cyber Warfare. What are strategic, geopolitics and legal interests of the three years of work welcomed to the NATO Cyberdefense center of excellence? What are its principal strengths and weaknesses? Why France didn't attend this Manual? - De Tallinn à Las Vegas, une cyberattaque d'importance justifie-t-elle une réponse cinétique? - Martin C. Libicki p. 221-239 À l'heure où l'on cherche à établir des normes et des règles internationales dans le cyberespace, on trouve deux écoles. D'un côté, le Manuel de Tallinn, rédigé par un groupe d'experts sous les auspices de l'Otan, analyse comment le droit des conflits armés s'applique au cyberespace. Les attaques dans le domaine du cyberespace ne différeraient en rien des autres formes d'attaques et la légitime défense autoriserait les nations à répondre violemment, tant qu'il y a une forme de proportionnalité entre les dommages causés par la cyberattaque initiale et la réponse cinétique. D'un autre côté, il y a ce que l'on pourrait appeler les règles de Las Vegas : ce qui se passe dans le cyberespace ne sort pas du cyberespace. Ainsi, aucune cyberattaque, même si elle cause des dommages conséquents, y compris la mort, ne mérite d'entraîner une réponse cinétique. Cette position repose sur la démonstration que, du fait de l'engrenage des ripostes, celles-ci risqueraient de provoquer des dégâts beaucoup plus dramatiques pour les populations.While one tries to establish international norms and rules for cyberspace, one finds two schools. On the one hand, the Tallinn manual – written by a group of experts under NATO auspices – analyzes how armed conflicts law can apply to cyberspace. Attacks in cyberspace would be no different than other forms of attacks and legitimate defence would authorize violent (but proportional) responses from the states. On the other hand, we have what one might call Las Vegas rules: what happens in Vegas stays in Vegas. Thus, no cyber-attack – even causing significant damages, including deaths – would deserve a kinetic response. This position is based on the belief that a chain of riposts would provoke much more dramatic damages for populations.
- La guerre économique à l'ère du cyberespace - Danilo D'Elia p. 240-260 Au cours de ces cinq dernières années, les déclarations sur les cyberattaques visant l'exfiltration de données confidentielles des entreprises se sont multipliées sans interruption. Aujourd'hui, dans un contexte de forte compétition à l'échelle mondiale où c'est le savoir-faire industriel et la capacité d'innover qui font la différence, le cyberespionnage est devenu un enjeu sécuritaire majeur pour les États. Le cyberespace apporte-t-il une nouvelle dimension à la guerre économique ? Cet article explore les rivalités de pouvoir et les représentations qui relèvent du – et sont suscitées par – le cyberespionnage.During the last five years, the statements concerning cyberattacks aiming the exfiltration of confidential corporate data have increased significantly. Nowadays, cyberespionage has become a major challenge to the security of nation-states in a context of economic warfare where the industrial know-how and the innovation are the keys to the success. Is the cyberspace changing the dynamics of the economic warfare? This paper aims to explore the power rivalries and the representations relating to and awakened from the cyber-espionage.
- L'intergouvernementalité dans le cyberespace : étude comparée des initiatives de l'Otan et de l'UE - Vincent Joubert, Jean-Loup Samaan p. 261-275 Alors que le cyberespace est devenu un sujet incontournable des agendas diplomatiques internationaux, il existe peu d'études dédiées à l'analyse de l'adaptation des organisations internationales, et plus particulièrement européennes, à ce phénomène. Cet article propose ainsi une étude comparée des transformations bureaucratiques, institutionnelles et politiques de l'Otan et de l'Union européenne relatives à l'intégration des enjeux de cybersécurité et de cyberdéfense dans leurs missions. Le constat est mitigé, et si les deux institutions ont mis en place les moyens techniques et institutionnels nécessaires pour protéger leurs infrastructures et leurs réseaux, la coopération politique intergouvernementale se heurte au principe de souveraineté, limitant de facto la portée des actions de l'Otan comme de l'UE dans le domaine militaire.Even though cyberspace is now a major security priority on international agendas, there is a surprising lack of literature on the role international organizations play in the cyber domain. This paper offers a comparative analysis of NATO and European Union's institutional, bureaucratic, and political transformations made to match cybersecurity and cyberdefense requirements. The conclusions are that both NATO and EU have established proper capabilities to manage cybersecurity on their networks, but political cooperation amongst States is limited by the principle of sovereignty, therefore considerably restricting NATO and EU's actions in the cyberdefense area.
- Revendications sur le cyberespace et puissances émergentes - Hannes Ebert, Tim Maurer p. 276-295 Les États-Unis ont acquis une influence croissante au sein du cyberespace et y ont donc toujours joué un rôle de premier plan. Pourtant, les puissances émergentes, dont les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), contestent de plus en plus fortement l'ordre établi. En 2011, Chine et Russie ont soumis à l'Organisation des Nations unies une proposition conjointe sur la sécurité des informations. Depuis leur déclaration de Brasilia en 2003, Inde, Brésil et Afrique du Sud s'intéressent de plus en plus à la société de l'information. Ces initiatives démontrent que le cyberespace est de plus en plus disputé. Cependant, cette divergence reste à expliquer. Les puissances émergentes contestent-elles le rôle des États-Unis en raison de leurs intérêts nationaux et de leur empressement à maximiser leur sécurité ? Ou des facteurs tels que valeurs et structures politiques expliqueraient-ils les différences de trajectoires par rapport à cette hégémonie ? Cet article examine les politiques étrangères des BRICS, de 1995 à ce jour, afin d'expliquer l'influence de l'histoire spécifique à chaque pays, du type de système politique, de même que l'augmentation des pressions de la société civile.The USA developed and has therefore historically played a lead role in cyberspace. Yet rising powers, including BRICS, have been increasingly challenging the established regime. China and Russia submitted a joint proposal on information security to the United Nations in 2011. India, Brazil, and South Africa have been focusing on the information society since their 2003 Brasilia Declaration. These initiatives demonstrate that cyberspace has become hotly contested. However, there is still a need to explain this divergence. Are rising powers challenging the USA because of their national interests, the urge to maximise their security, or do factors such as values and political structures explain the different trajectories vis-à-vis the hegemon? This article examines the foreign policies of BRICS from 1995 to date, explaining the influence of different path-dependent origins, of the systemic shift and the type of political system, together with rising civil society pressure.
- Hérodote a lu - p. 297-303