Contenu du sommaire : Dernières nouvelles de l'âge d'or
Revue | Mil neuf cent |
---|---|
Numéro | no 31, 2013 |
Titre du numéro | Dernières nouvelles de l'âge d'or |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- L'âge d'or : Entre passé et futur - Jean-Luc Pouthier p. 3-7
- L'âge d'or - Jacques Julliard, Daniel Lindenberg, Marie-Laurence Netter p. 9-24 De quand date le grand retournement qui va désormais situer l'« âge d'or », non pas dans un paradis perdu loin dans le passé, mais dans un avenir radieux ? C'est ce que se sont demandé les deux « débatteurs ». Il leur a semblé que le champ des hérésies médiévales européennes pouvait apporter, comme l'avaient pressenti Ernst Bloch et Henri de Lubac, une grande partie de la réponse. Le nom le plus souvent cité est, dans cette perspective, celui du moine franciscain Joachim de Flore (ca. 1130-1202), qui envisageait dans un schéma trinitaire historicisé un âge de l'« Esprit » (après ceux du Père et du Fils) où l'Église en tant que telle disparaîtrait alors que le règne de l'égalité adviendrait. Il est tentant, et beaucoup ont franchi le pas, de voir dans les utopies modernes une sécularisation de cette vision eschatologique. Mais des difficultés demeurent, car les mouvements révolutionnaires modernes supposent une intervention de la volonté humaine absente du schéma joachimite (et d'autres qui lui sont apparentés).The Golden Age When did the great switch occur, which meant that the “golden age” was now to be conceived of as a moment in a promising future and no longer in a long gone paradise ? That is what our two debaters have asked themselves. It seemed to them that the field of study of European medieval heresies could answer this question in part, as foreseen by Ernst Bloch and Henri de Lubac. The most commonly cited name in this regard is that of Fransiscan monk Joachim de Flore (ca. 1130-1202), who, through a historicized trinitarian scheme, envisionned an era of the “Spirit” – after those of the Father and the Son – by which the Church as such would vanish as the age of equality would dawn. It is tempting to see modern utopias as a secularization of this eschatological vision, and many have said so. Some difficulties remain, however, for modern revolutionary movements imply that human will be at work, an idea which does not pertain to Joachim's scheme (and others like it).
- Les mondes perdus de Charles Péguy : Un mythe intime et universel - Éric Thiers p. 25-51 Si l'idée de l'âge d'or n'apparaît pas comme telle dans l'œuvre de Péguy, elle structure sa pensée selon un mode très personnel. Ce mythe politique se caractérise ainsi : un rapport inquiet au temps et à l'histoire reposant sur la réfutation de l'idée de progrès ; le rejet de la société marchande et bourgeoise, synonyme de décadence et de corruption ; l'exaltation d'un passé révolu et d'une société ancienne où régnaient l'harmonie sociale et la pureté. Comme tous les mythes politiques, il se forme à la jonction d'un univers personnel, intime, nostalgique, celui de Péguy, et d'une vision plus universelle de la marche des civilisations. Face à la rupture absolue que constitue le monde moderne par rapport à ses mondes perdus, Péguy oppose une espérance fondée sur l'utopie de la cité harmonieuse, dont il demeure le citoyen égaré.Charles Péguy's lost worlds
The idea of a golden age does not appear, in Peguy's works per say. Nevertheless, it did structure his thinking in a very personal way. His political mythology is manyfold. His concern with time and history went hand in hand with a refutation of the idea of progress. He rejected bourgeois society and its mercantile values which he saw as signs of decadence and corruption. He gave an idealized vision of the past and a society characterized by harmony and moral purity. As with every political myth, Peguy's combined his personal influence – imbued with intimacy and nostalgia – with a more universal vision of the advance of civilizations. Péguy's lost worlds were a response to the dramatic changes brought up by the advent of modernity. He hoped for a utopian and harmonious society, of which he would remain a wandering citizen. - « Mon royaume n'est pas de ce monde » : Quand s'évanouissait l'âge d'or des catholiques - Jean-Luc Pouthier p. 53-69 À la fin du XIXe siècle, les catholiques peinent à se représenter « leur » âge d'or. Prêtres et évêques hésitent sur les visions du salut, terrestre ou céleste, à proposer à leurs ouailles. La nostalgie d'une chrétienté perdue côtoie la promesse d'un paradis lointain et évanescent. Pourtant, des églises de campagne bâties à l'époque sont encore décorées des symboles de l'Apocalypse et des fins dernières. Après la cassure de la Première Guerre mondiale, c'est une vision du Royaume à venir de plus en plus abstraite qui s'impose, sans qu'il soit possible de déterminer si elle est la cause ou la conséquence d'une sécularisation accentuée de la société.« My kingdom is not of this world »At the end of the XIXth Century, the catholics are worried about the representation of “their” Golden Age. Priests and bishops hesitate on the vision of salvation, on earth or in heaven, they could offer to their flock. The nostalgia of a lost christendom goes along with the promise of a far and vanishing paradise. However, churches of small villages built at that time are always decorated with symbols of the Apocalypse or of the last times. After the rupture of the First World War, a more and more abstract vision of God's Kingdom emerges. And it is quite impossible to know if it is a cause or a consequence of the secularization of the society.
- Le national et l'universel : Les âges d'or dans l'art hongrois (xixe-début xxe siècle) - Enik? Róka, Guillaume Métayer p. 71-99 Au XIXe siècle, chacune des identités nationales cohabitant dans le royaume de Hongrie, au sein de l'empire des Habsbourg, crée son propre récit historique. Cela apparaît aussi, de manière indirecte, dans les arts visuels. Les épisodes du « passé utilisable » (usable past), véritable âge d'or mythifié, sont représentés sur les fresques des bâtiments publics. Ils atteignent ainsi un vaste cercle, renforcent l'identité nationale et imprègnent bientôt profondément la mémoire collective. À la fin du siècle, toutefois, dans un contexte marqué par un nationalisme de plus en plus exacerbé, se dessine une tentative de dépassement de cet âge d'or spécifique vers une dimension universelle.National and universal
In the 19th century, each of the national identities in the Kingdom of Hungary, at the heart of the Habsburg Empire, created its own historical narrative. Such was also the case, but more indirectly, with visual arts. The famous moments of the usable past, portrayed as a mythical golden age, were represented on the front of buildings in public spaces. They therefore reached out to larger audiences and strengthened the bonds of national identity. Soon enough, they became part and parcel of collective memory. The end of the century saw the attempt at going beyond this specific golden age to attain a more universal dimension. - Foules, âge d'or et apocalypse à travers l'affaire Lazzaretti : Contribution à une archéologie du populisme - Olivier Bosc p. 101-115 L'affaire Lazzaretti, du nom de Davide Lazzaretti (1832-1878), charretier illuminé qui se fit le prophète d'une partie retirée de la Toscane, a suscité une abondante littérature. Depuis Cesare Lombroso jusqu'à Antonio Gramsci, de l'étude du fait religieux en passant par l'histoire de la pensée politique, tous furent fascinés par cet illuminé moderne et son épopée tragique où se mêlent révolte et rédemption religieuse, mouvement social et mouvements de foules. Il a paru intéressant, en faisant le bilan de ces différentes interprétations, de replacer ce courant dans une archéologie du populisme, moment fugitif où l'âge d'or a pu tendre à se concevoir comme un présent.Crowds, Golden Age and apocalypse in the Lazzaretti case
The Lazzaretti case has been studied in great lengths. It is named after Davide Lazzaretti (1832-1878), a carter and self-proclaimed prophet from a remote part of Tuscani. Thinkers like Cesare Lombroso and Antonio Gramsci and others from the fields of religious studies, history and studies in political thought, were fascinated by this modern hermit and his tragic story, one of revolt and religious redemption, one that moved the crowds and spurred social movements. While studying these interpretations, we thought it would be interesting to put this movement back into the larger history of populism, a fugitive moment where the idea of a golden age was almost spoken of in the present tense. Documents
- Les Naturiens libertaires ou le retour à l'anarchisme préhistorique - Arnaud Baubérot p. 117-136 Entre 1894 et 1898, le dessinateur Émile Gravelle fait paraître 4 numéros d'un curieux périodique intitulé l'État naturel et la part du prolétaire dans la civilisation. Il y proclame sa haine de la civilisation et décrit la vie préhistorique comme un temps de bonheur et d'abondance. Ses appels au retour à la nature suscitent bientôt la création d'un groupe de « Naturiens libertaires » qui rassemble quelques poignées d'anarchistes de la Butte Montmartre. La manière dont ceux-ci relaient la critique antimoderne de Gravelle et sa promesse d'un retour au paradis perdu conduit à s'interroger sur la force mobilisatrice que recèlent, en certaines circonstances, les avatars contemporains du mythe de l'âge d'or.The « Libertarian Naturians » or back to Prehistoric anarchism
Between 1894 and 1898, cartoonist Émile Gravelle published 4 issues of a peculiar periodical entitled The Natural State and the share of the proletariat in civilization. He declared his hatred for civilization and described prehistoric life as an era of happiness and plenty. Soon his calling for a return to nature entailed the creation of a group of “Libertarian Naturians” which gathered together a few anarchists at the Butte Montmartre. The way in which the latter relayed Gravelle's anti-modernity criticism and his promise for a return to paradise lost leads us to interrogate the mobilizing force contained, under certain circumstances, by contemporary forms of the Golden Age myth.
- Les Naturiens libertaires ou le retour à l'anarchisme préhistorique - Arnaud Baubérot p. 117-136
Études
- Carlo Rosselli et les cultures françaises des années trente : Entre socialisme, antifascisme et tyrannies - Marco Bresciani, Diego Dilettoso p. 137-157 Les auteurs explorent les échanges intellectuels intervenus, de 1929 à 1937, entre l'économiste et politique italien Carlo Rosselli et trois intellectuels issus de l'École normale supérieure : Élie Halévy, Célestin Bouglé et Marcel Déat. L'interprétation théorique et pratique du socialisme des années trente anima les relations entre eux. L'analyse des différentes nuances du socialisme européen de cette époque constitue une approche originale qui veut dépasser les catégories historiographiques traditionnelles – « fascisme », « totalitarisme », etc.Carlo Rosselli and the French cultural movements of the 30s
The authors examine the intellectual exchanges which took place from 1929 to 1937 between the Italian economist and politician Carlo Rosselli and three intellectuals from the École Normale Supérieure : Élie Halévy, Célestin Bouglé, and Marcel Déat. The theoretical and practical interpretation of 1930s socialism was the basis for the relationships among them. The analysis of the different declinations of European socialism of this period constitutes in itself an original historiographical approach, which goes beyond the former categories of “fascism” and “totalitarianism”.
- Carlo Rosselli et les cultures françaises des années trente : Entre socialisme, antifascisme et tyrannies - Marco Bresciani, Diego Dilettoso p. 137-157
Lectures
- Lectures - p. 159-184