Contenu du sommaire : Ce qui reste du communisme
Revue | Raisons Politiques |
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Numéro | no 3, octobre 2001 |
Titre du numéro | Ce qui reste du communisme |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Introduction
- Comment le réel survit à l'idéal - François Godement p. 5-18 Ce sont des « liquidateurs » au sommet qui ont provoqué la chute des régimes communistes d'Europe centrale et orientale. Cette réalité contredit l'interprétation en vigueur dans les rangs de l'intelligentsia occidentale qui, tout en souscrivant à la thèse de « la révolution par en haut » pour l'avènement et le règne du communisme, attribue les causes de sa chute à l'action spontanée d'un mouvement venu « d'en bas ». Cette projection de la croyance en « la fin du politique », qui n'est que la face sombre du culte que clercs et militants des sociétés développées vouèrent au phénomène révolutionnaire, s'est construite parallèlement à l'adhésion des sociétés communistes, sous-développées, à un système politique et un mode de production qui devaient les lancer sur la voie de la modernité. Finalement, le modèle de déconstruction de l'Union Soviétique n'est pas universel. Il échoue même dans le cas des régimes communistes non-européens où le système peut survivre au projet politique et même enterrer les velléités réformatrices de certains dirigeants, comme à Tiananmen en 1989. Loin d'aller vers un dénouement spontané, la sortie de ces systèmes demandera une organisation politique et une réflexion stratégique intérieure bien différentes du simple jeu des tendances spontanées vers l'économie de marché.
- Comment le réel survit à l'idéal - François Godement p. 5-18
Dossier
- Les voies du communisme - Yu-Shan Wu p. 19-36 Peu de régimes communistes ont résisté à la révolution démocratique de 1989. Parmi les survivants les plus notables, la RPC, le Viêt Nam, la Corée du Nord et Cuba forment une « bande des quatre ». Une approche en termes de « crises et séquences », répertoriant huit trajectoires de développement, permet d'expliquer la survie de ces régimes et d'évaluer leurs perspectives de démocratisation. La Chine et le Viêt Nam ont emprunté la route des réformes économiques sans libéralisation politique institutionnelle, alors que la Corée du Nord et Cuba refusent tout processus de modernisation tant économique que politique. Dans tous les cas, la captation du pouvoir par les fondateurs du régime (ou leurs descendants) est le principal obstacle à la mise en place de réformes économiques, alors que la transition du pouvoir politique aux mains de bureaucrates réalistes est le fruit d'une volonté de restructuration économique non orthodoxe. Si Pékin et Hanoi peuvent s'appuyer sur les succès des réformes de structure pour consolider la fragile légitimité de leurs régimes respectifs, Pyongyang et La Havane recourent à la répression devant un risque imminent d'effondrement de leurs systèmes.
- La comédie de l'État-parti. Le Viêt Nam depuis la réunification - John Kleinen p. 37-54 L'auteur présente sous la forme d'une monographie, les intentions de l'Atat-parti unique vietnamien dans sa conduite précoce, dès la fin des années 1970 d'une politique de rénovation (appelée Doi Moi), essentiellement de type économique. La description du fonctionnement des principales institutions du régime (Atat, parti, armée, organisations de masse) permet de comprendre que le Viêt Nam n'est qu'au début d'un processus politique de différenciation entre le parti communiste et l'Atat et que la suprématie du premier sur le second est encore marquée. Par ailleurs, compte tenu du rôle révolutionnaire qu'elle a joué depuis sa création, l'Armée du peuple constitue toujours l'environnement naturel de la branche politique du régime. Son rôle reste crucial depuis 1986, du fait de son poids dans l'organisation en factions du pouvoir, mais aussi de sa participation à la transformation de l'économie. Parallèlement, l'auteur souligne l'émergence d'une sphère individuelle qui tend à fuir les logiques collectives, mais qui ne possède pas d'autonomie institutionnelle propre face à l'Atat ou au parti. En conséquence, la vitalité de la société n'a pas pu prendre la forme de la constitution d'une société civile indépendante. Le communisme a quitté la scène mondiale, mais le PCV demeure l'acteur de son théâtre national face à un public de moins en moins à l'écoute des discours de justification politique des contradictions du système.
- Les fonctionnaires au Viêt Nam : une classe sociale en transition - Alain Fontanel p. 55-65 Avec moins de 1,5 million de titulaires pour une population de près de 80 millions d'habitants, les fonctionnaires sont relativement peu nombreux au Viêt Nam. Classe sociale et pilier du régime, ils sont alternativement enviés, courtisés et critiqués. Dépositaires d'une triple tradition mandarinale, coloniale et socialiste, leur prestige social se perpétue en dépit du discrédit qui frappe une partie d'entre eux. Au coeur d'un réseau relationnel parfois clientéliste et souvent rémunérateur, les fonctionnaires vietnamiens freinent par conservatisme la mise en oeuvre de certaines réformes. La professionnalisation en cours de la fonction publique devrait toutefois permettre d'accélérer la transition de ce groupe social et faciliter les réformes programmées de l'Atat et de l'administration. La dialectique désormais traditionnelle pour le Viêt Nam d'un Atat tantôt « fort » tantôt « faible » trouverait alors une solution avantageuse pour le développement du pays.
- « Communisme et schizophrénie » : L'individu face au droit dans la société chinoise postrévolutionnaire - Stéphanie Balme p. 67-85 Les nouvelles prérogatives acquises par les individus ont généralement été conquises indépendamment de la sphère du pouvoir et institutionnalisées a posteriori par lui. En vingt-cinq ans, les métamorphoses de l'économie chinoise combinées à une réforme du système légal ont transformé la société et l'Atat mais peu, proportionnellement, les interactions entre l'Atat et la société. Le droit demeure imprégné d'une rhétorique pseudo-marxiste et soumis à une interprétation politique qui annule les nombreuses avancées, cependant réelles, du système. Les contradictions inhérentes et manifestes au sein de la société chinoise, que reflètent ses textes de loi, sont précisément justifiées par Pékin par une rhétorique du droit qui se trouve instrumentalisée afin de réprimer toute velléité de transformation politique du système.
- Arrêt sur les droits de l'homme en Chine - Daniel Bell, Joseph Chan p. 87-100
- Cuba : la peur, l'exil et l'entre-deux - Jacobo Machover p. 101-112 Entre la peur et l'exil, Cuba est un pays écartelé. Parmi les exilés, certains intellectuels sont devenus les porte-parole d'une opposition réduite à néant à l'intérieur de l'île, divisée et discréditée en dehors. Leur parcours est souvent exemplaire. Petit à petit, l'exil cubain a été réduit à jouer le rôle d'un lobby influent, certes, mais sans réelle autonomie, toujours dépendant des aléas de la politique américaine. Malgré la chute du mur de Berlin, Fidel Castro demeure, porté à bout de bras par une solidarité militante envers le dernier dinosaure de la guerre froide et, surtout, par une répression sans pitié vis-à-vis de l'opposition interne et de l'exil. Par-delà les enjeux internationaux, apparaissent les contradictions, les déroutes, les souffrances, mais aussi les espoirs de cet exil apparemment condamné pour l'éternité.
- Le communisme dans les têtes : Ruptures et permanences dans la société tchèque - Catherine Perron p. 113-125 Les régimes communistes se sont distingués par l'attention particulière qu'ils portaient à la diffusion des valeurs et représentations marxistes-léninistes dans la société par le biais de la propagande. En République tchèque, pourtant, la rupture avec le régime communiste semble être consommée. Fait exceptionnel en Europe centrale et orientale, on n'a pas assisté dans ce pays à un retour des anciens communistes au pouvoir. Le pays a connu une stabilité gouvernementale remarquable pour un pays postcommuniste. Il ne semble donc plus exister de trace de l'ancien régime à l'exception d'un Parti communiste de Bohême et de Moravie qui compte encore près d'une centaine de milliers d'adhérents. Or, malgré un discours imprégné des valeurs de la démocratie libérale occidentale, certaines représentations répandues bien au-delà des cercles des sympathisants communistes continuent de relever des anciens modes de pensée.
- La genèse d'un parti successeur en Bulgarie - Marta Touykova p. 127-138 Le Parti socialiste bulgare s'est engagé dans un processus de rénovation tout en maintenant un certain héritage de son passé communiste, qui lui a permis de construire sa légitimité sur une image passéiste. Une fois arrivés au pouvoir par les urnes en 1994, les anciens communistes ont rétabli des liens entre leur parti et l'Atat et, avec le retour sur la scène politique de personnalités du passé, ont permis à certains membres de la nomenklatura économique de prospérer.
- Les voies du communisme - Yu-Shan Wu p. 19-36
Varia
- Pour une démocratie en mouvement. Lectures critiques de la société civile - Jean Cohen p. 139-160
Correspondance
- Alternance démocratique et contrôle des gouvernants : quelques réflexions sur les élections italiennes - Biancamaria Fontana p. 161-173 Une analyse des causes de la défaite de la coalition de centre gauche aux élections italiennes de mai 2001 amène à penser que la victoire de l'alliance conservatrice, Polo delle Libertà, guidée par Silvio Berlusconi, ne peut pas offrir de solution stable à la crise du système politique italien qui a commencé, au début des années 1990, avec les procès pour corruption de Mani Pulite. Cette victoire va, au contraire, prolonger un état de confusion et d'instabilité des forces politiques et renforcer les principales faiblesses du système italien que sont l'absence d'une séparation claire entre sphères économique et politique et le déficit de responsabilité des acteurs politiques et gouvernementaux.
- Alternance démocratique et contrôle des gouvernants : quelques réflexions sur les élections italiennes - Biancamaria Fontana p. 161-173
Lectures critiques
- Lectures critiques - p. 175-189