Contenu du sommaire : Villes-monde, villes monstre ?
Revue | Raisons Politiques |
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Numéro | no 15, septembre 2004 |
Titre du numéro | Villes-monde, villes monstre ? |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Éditorial
- Villes-monde, villes monstres ? - Sandrine Lefranc p. 5-7
Dossier
- Introduire le concept de ville globale - Saskia Sassen p. 9-23 Dans le paysage économique actuel, la dispersion des flux, leur rapidité croissante et leur caractère immatériel dissimulent un aspect essentiel, et cependant négligé, du phénomène de globalisation : la concentration territoriale en général, et urbaine en particulier. En s'attachant à la pertinence de la variable géographique, cet article tend à démontrer dans quelle mesure certaines villes sont devenues des sites stratégiques. Cette nouvelle forme de centralisation, ignorant les frontières nationales, n'en reste pas moins liée à la culture et à l'histoire des pays et rassemble de façon inédite les activités les plus modernes et les infrastructures traditionnelles. Liées entres elles par des réseaux de plus en plus denses auxquels participent une multiplicité d'acteurs, les villes globales sont aussi le lieu idéal à l'émergence d'un nouveau type de revendication politique, voire de citoyenneté.
- Barrios des États-Unis: des logiques d'exclusion aux logiques communautaires ? - Emmanuelle Le Texier p. 25-36 La permanence de la ségrégation spatiale des populations d'origine hispanique dans les barrios (enclaves ethniques) des métropoles américaines a tour à tour été expliquée en termes culturalistes (« culture de pauvreté ») et structuralistes (sous-prolétariat ou underclass). Toutefois, depuis la fin des années 1980, l'application de ces modèles aux barrios se heurte à des approches qui insistent sur le caractère volontaire de l'exclusion. A l'inverse des ghettos noirs, le barrio résulterait des choix individuels, du désir de vivre ensemble dans des quartiers culturellement homogènes. Les logiques communautaires remplaceraient donc les logiques d'exclusion. Ce changement de paradigme s'inscrit dans une réflexion à double tranchant qui vise à légitimer d'une part, le « droit à la différence », et d'autre part, le retrait de l'intervention étatique dans les espaces marginalisés des villes américaines.
- Karachi : Violences et globalisation dans une ville-monde - Laurent Gayer p. 37-51 Ville de migrants et « cité-entrepôt » ouverte sur le monde depuis la période coloniale, Karachi a vu son tissu social se déchirer depuis les années 1970. L'éclipse du « monde commun » karachiite prend sa source dans la faillite des plans d'aménagement urbain sous-traités par les autorités pakistanaises à des experts étrangers, ainsi que dans les violences sociales suscitées par le débordement du jihad afghan hors de ses frontières. Les partis ethniques et les groupes criminels qui prolifèrent à Karachi depuis cette époque ont participé à la fragmentation de la ville et à son implosion en une myriade de micro-territoires communautaires régulés par le « clientélisme armé ». Cette fragmentation extrême de l'espace urbain local a contribué à l'enracinement des réseaux nationaux et transnationaux de l'islam radical, sans pour autant faire de Karachi un « sanctuaire » pour les jihadistes qui y ont trouvé refuge.
- « Nous avons dû prendre la loi entre nos mains ». Pouvoirs publics,politique sécuritaire et mythes de la communauté à Johannesburg - Claire Bénit-Gbaffou p. 53-67 L'article analyse la privatisation de la gestion de la sécurité à Johannesburg, en Afrique du Sud, en s'appuyant sur l'étude de deux quartiers, l'un populaire, l'autre aisé. Fermetures de rues à l'initiative des résidents, organisation de comités de police communautaire, création de milices, sont autant de formes privées de réponse locale à l'insécurité, qui s'expliquent davantage par le niveau socio-économique que par l'appartenance raciale des résidents. Loin de s'inscrire dans une délégitimation de l'Atat, ces initiatives sont souvent encouragées, plus ou moins explicitement, par les pouvoirs publics : pris entre la double exigence de sécurisation et de démocratisation de la société sud-africaine post-apartheid, ils voient souvent dans la mythique « communauté » un palliatif à leurs difficultés de restructuration interne.
- L'informe d'une ville : Lima et ses représentations - Raynald Belay p. 69-84 La légende coloniale de Lima a connu au 20e siècle le choc de transformations structurelles et sociales qui ont creusé l'écart entre la ville et ses représentations, ouvrant une crise non seulement fonctionnelle, mais également identitaire. Ce qu'on y voyait d'un « esprit des lieux » singulier s'est révélé appartenir au passé ou à une mystification entretenue, à mesure que Lima devenait impossible à saisir dans une même unité subjective et objective accordant les fonctions, les pratiques et les représentations. Cette étude s'attachera à montrer que ce démenti de la légende a provoqué la disparition des liens symboliques entre la ville et ses habitants, exprimée selon la forme supplétive d'un nouvel imaginaire urbain, la huachafería.
- Introduire le concept de ville globale - Saskia Sassen p. 9-23
Actualité - La culture paritaire
- Les « liaisons paradoxales » : genre, ordre politique et ordre social en France et en Allemagne - Catherine Achin p. 85-96 L'article cherche à résoudre un paradoxe propre aux rapports entre ordre politique et ordre social du point de vue du genre, en mettant au jour les facteurs de la plus forte représentation des femmes au Parlement en Allemagne qu'en France, alors même que les femmes sont moins « émancipées » au sein de la structure sociale en Allemagne. La comparaison révèle que le recrutement du personnel politique féminin est avant tout dépendant des logiques propres de fonctionnement du champ politique, elles-mêmes fortement soumises à la concurrence interpartisane. De ce point de vue, le champ politique français est particulièrement fermé, alors qu'en Allemagne, dans le sillage de la crise de 1968, les mobilisations des mouvements sociaux ont pesé sur le recrutement des professionnels de la politique et permis l'entrée massive des femmes au Parlement.
- Safe space et représentation substantive : le cas des délégations aux droits des femmes et à l'égalité des chances - Manda Green p. 97-110 La création en 1999 des Délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances est une occasion inédite pour les élus des deux sexes de « faire la politique autrement » et d'élargir le champs de la parité. Tandis que la loi du 6 juin 2000 vise à améliorer la représentation descriptive des femmes dans le domaine politique, les Délégations aux droits des femmes sont conçues pour mieux prendre en compte les différences de genre dans l'élaboration des lois dans tous les domaines. Elles fourniraient une zone neutre ' safe space ' où pourraient se développer de nouvelles pratiques et de nouvelles politiques.
- Les « liaisons paradoxales » : genre, ordre politique et ordre social en France et en Allemagne - Catherine Achin p. 85-96
Varia
- La culture politique républicaine en question Pierre Rosanvallon et la critique du « jacobinisme » français - Jean-Fabien Spitz p. 111-124
- La justice démocratique : deux dimensions - Ian Shapiro p. 125-144
Lectures critiques
- Lectures critiques - p. 145-155