Contenu du sommaire : Le corps présidentiable
Revue | Raisons Politiques |
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Numéro | no 31, septembre 2008 |
Titre du numéro | Le corps présidentiable |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Editorial
- Capital corporel identitaire et institution présidentielle : réflexions sur les processus d'incarnation des rôles politiques - Catherine Achin, Elsa Dorlin, Juliette Rennes p. 5-17
dossier
- Nicolas Sarkozy ou la masculinité mascarade du Président - Catherine Achin, Elsa Dorlin p. 19-45 L'analyse de la construction de l'identité stratégique du Président de la République Nicolas Sarkozy dévoile la façon dont l'identité sexuelle travaille le rôle présidentiel, mais aussi comment elle peut être définie comme un « capital corporel identitaire » qui fonctionne à plein dans et pour le corps politique. L'investissement exacerbé, explicite et inédit du Président dans une « virilité ressource » se comprend en effet dans le contexte paritaire français et son duel avec Ségolène Royal, mais aussi par une logique compensatoire liée à la structure de ses capitaux et à sa trajectoire. Nicolas Sarkozy retourne en ressources des stigmates apparents, par la revendication d'une « rupture » dans le style présidentiel, qui passe notamment par la mise en avant d'une masculinité populaire et décomplexée. Pour la première fois au sein de la République universaliste, la virilité n'est donc plus un privilège implicite, mais apparaît comme un capital comme un autre.
- Pouvoir, sexualité et politique dans les médias biélorusses - Almira Ousmanova p. 47-63 En s'appuyant sur une approche constructiviste des médias, et revisitant L'histoire de la sexualité de Michel Foucault, Almira Ousmanova analyse l'articulation de la question sexuelle et du discours politique post-soviétique dans les médias biélorusses. Elle montre qu'en assimilant tous ceux qui s'opposent au pouvoir en place à des minorités sexuelles elles-mêmes représentées comme dotées d'une sexualité « méprisable », les médias officiels biélorusses contribuent à un double objectif : discréditer toute différence de genre et de sexualité (et ainsi maintenir un statu quo entre le pouvoir actuel et le système de valeurs traditionnel) et délégitimer toute différence politique : l'image de l'opposition « pédérastique » condition de la « masculinité » du pouvoir en place doit jouer son rôle historique à la veille des élections présidentielles.
- Des identités politiques : Jeux et enjeux du genre et de la race dans les primaires démocrates aux Etats-Unis en 2008 - Éric Fassin p. 65-79 Si aux Etats-Unis les primaires démocrates opposaient bien en 2008 une femme blanche à un homme noir, au lieu de prendre ces catégories comme des données premières, il convient de s'attacher à la manière dont elles sont le produit d'un travail politique. Ainsi la question fut-elle posée durant la campagne : Hillary Clinton est-elle une femme l'est-elle suffisamment, ou bien à l'excès ? Symétriquement, on s'est interrogé : Barack Obama est-il bien Noir l'est-il assez, ou risque-t-il de le devenir trop ? Sans doute s'agissait-il de contestations (et d'assignations) polémiques ; mais les candidats eux-mêmes en jouaient quitte à inverser les attentes. En particulier, pour séduire les classes populaires blanches, Clinton s'affichait volontiers plus virile qu'Obama : le genre signifiait alors la race. Autrement dit, à rebours des logiques de politique identitaire, et au-delà de l'intersectionnalité, il faut penser la production politique des identités qu'elles soient sexuelles ou raciales.
- Les discours de genre dans la campagne présidentielle de Michelle Bachelet : une critique féministe - Antonieta Vera Gajardo p. 81-103 Cet article interroge les usages du « féminin » dans les discours publics sur l'unité et la réconciliation nationales dans la nation chilienne postdictatoriale. A partir d'une approche critique et anti-essentialiste, l'analyse montre que la « bonne féminité nationale » y est façonnée à partir d'une rhétorique sur la supériorité morale des femmes et sur leur mission civilisatrice : la réconciliation nationale. Les discours de genre dans la campagne présidentielle de Michelle Bachelet sont alors appréhendés comme une illustration de ce processus.
- La différence comme catégorie utile d'analyse historique - Joan W. Scott p. 105-113
- Nicolas Sarkozy ou la masculinité mascarade du Président - Catherine Achin, Elsa Dorlin p. 19-45
varia
- Du savoir d'usage au métier de citoyen ? - Yves Sintomer p. 115-133 Dans les démarches participatives contemporaines, des expressions comme « savoir citoyen », « savoir ordinaire » ou « savoir d'usage » sont utilisées de façon inflationniste. L'article clarifie analytiquement ce que recouvrent ces expressions en étudiant successivement trois ensembles épistémiques mobilisables dans les dynamiques de participation : la raison ordinaire, l'expertise citoyenne et le savoir politique. Il interroge les enjeux politiques de cet appui revendiqué sur ces formes spécifiques de savoir, et contribue à renouveler l'opposition classique entre théories élitistes et théories « participationnistes » de la démocratie. Si la résorption du savoir des professionnels de la politique dans un savoir politique plus générique est improbable, l'appui sur les savoirs citoyens n'est-il pas susceptible de contribuer à redynamiser la politique dans son ensemble ?
- La tragédie, entre art et politique. : Schmitt, Benjamin, Foucault - Thomas Boccon-Gibod p. 135-149 Pour Carl Schmitt, Hamlet est une tragédie parce qu'on peut y lire les préoccupations décisives de l'Angleterre élizabéthaine et notamment le clivage de la foi qui ôte au monde sa forme précédemment assurée. Le tragique peut certes relever du mythe archaïque mais aussi de la réalité présente qui fait irruption dans l'action librement inventée. Pour Walter Benjamin au contraire, Hamlet n'est pas une tragédie car son héros, loin d'incarner les déchirures de l'Histoire, n'est que le représentant dérisoire d'un monde livré à la catastrophe.Cette opposition est dépassée par Foucault qui ramène l'histoire à l'extériorité de l'accident et renonce par là à toute référence à une instance transcendante, réduisant le tragique aux seules conditions d'énonciation de la vérité. C'est l'opacité du sujet à lui-même qui révèle alors la nouveauté d'un tragique sans finalité.
- Du savoir d'usage au métier de citoyen ? - Yves Sintomer p. 115-133
lectures critiques
- Lectures critiques - p. 151-158