Contenu du sommaire : Usages de la diversité

Revue Raisons Politiques Mir@bel
Numéro no 35, août 2009
Titre du numéro Usages de la diversité
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Editorial

  • dossier

    • Multiculturalisme libéral et monoculturalisme pluriel - Patrick Savidan p. 11-29 accès libre avec résumé
      Dans sa version libérale, le multiculturalisme défend une politique de reconnaissance fondée sur un engagement en faveur de la liberté de choix et de l'autonomie. Cet engagement impose précisément que soit reconnue, dans une certaine mesure, l'appartenance culturelle. Sur cette base, on peut relever trois justifications de la reconnaissance de droits différenciés en fonction de l'appartenance à des groupes nationaux : 1) égalité : le groupe minoritaire subit une injustice qui peut et doit être corrigée ; 2) historique : la minorité a une revendication à faire valoir qui se fonde sur des accords antérieurs (ex : traité entre colons et peuples aborigènes) ou une jurisprudence ; 3) La valeur intrinsèque de la diversité culturelle. Cet article propose d'examiner le premier type de justification qui porte sur le niveau fondamental des principes, en examinant le double défi du multiculturalisme : être « hospitalier à la différence », tout en assurant la justice et la cohésion sociale d'ensemble.
    • L'itinéraire contemporain de la « diversité » aux Etats-Unis : de l'instrumentalisation à l'institutionnalisation ? - Daniel Sabbagh p. 31-47 accès libre avec résumé
      Notion protéiforme, la diversité, à partir de la fin des années 1970, s'est progressivement imposée dans l'ensemble des discours publics comme la principale valeur susceptible de légitimer a posteriori des politiques de discrimination positive pourtant introduites pour des raisons distinctes, à la faveur de la juridicisation du règlement des conflits par elles suscitées. Formulé au départ dans le contexte spécifique de la sphère universitaire, l'argument justifiant l'affirmative action au nom de sa contribution présumée à l'enrichissement de la gamme des points de vue représentés a connu un succès certain bien au-delà de son lieu d'émergence initial. Cependant, comme l'illustre notamment l'évolution récente de la statistique ethnoraciale américaine, l'extension du domaine d'application de cet argument ne s'est pas véritablement accompagnée d'une autonomisation de la valorisation de la « diversité » par rapport à sa fonction légitimatrice originelle.
    • Un Janus aux deux visages : la diversité dans l'habitat : Réflexions sur les politiques de déségrégation résidentielle aux Etats-Unis et en France - Thomas Kirszbaum p. 49-65 accès libre avec résumé
      A la différence d'autres sphères de la vie sociale où promouvoir la diversité revient à résorber le déficit de représentation des groupes discriminés, favoriser cette diversité dans l'habitat revient aussi à attirer des membres du groupe majoritaire dans les lieux où ils sont sous-représentés. La première de ces stratégies est rarement efficace et la seconde risque de susciter de nouvelles discriminations. La comparaison franco-américaine montre que les garde-fous sont plus nombreux outre-Atlantique contre les effets pervers de cette diversité « à rebours » : la ségrégation n'est pas pensée en toute circonstance comme une discrimination et la conception de la diversité résidentielle y est plus procédurale que substantielle. Si la ségrégation reste élevée dans les villes américaines, l'intégration est plus poussée sur les lieux de travail. La France opte au contraire pour un modèle de diversitésubstantielle dans l'habitat qui se combine avec des efforts superficiels dans le monde du travail.
    • La diversité en Europe : une évidence ? - Virginie Guiraudon p. 67-85 accès libre avec résumé
      « Unis dans la diversité ». La devise de l'Union européenne nous invite à interroger les usages de la diversité dans les institutions de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe nées après-guerre pour réaliser « une Union toujours plus étroite » entre les peuples et célébrer l'universalisme des droits de l'homme. Ces usages sont pluriels suivant les secteurs et les arènes. Cet article se concentre donc sur deux études de cas : la politique de communication de l'Union autour de sa devise et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme sur la diversité culturelle. Dans les deux cas, il s'agit de canaliser les résistances nationales au multiculturalisme, au patriotisme constitutionnel, ou à tout autre paradigme qui mettrait en danger le rôle de la culture dominante et de l'identification à l'Etat-nation. Les stratégies employées sont néanmoins variées. Celle de la Commission européenne est plutôt une stratégie d'évitement ou d'euphémisation. La Commission se sert d'images publicitaires de la diversité pour masquer des différends profonds sur ces questions. La Cour de Strasbourg au contraire ne nie pas le caractère politiquement sensible des questions culturelles. Sa stratégie reste cependant fort prudente voire ambiguë, et moins favorable aux minorités issues de l'immigration qu'aux minorités nationales.
    • « Faire de la diversité une richesse pour l'entreprise » : La transformation d'une contrainte juridique en catégorie managériale - Laure Bereni p. 87-105 accès libre avec résumé
      Depuis la moitié des années 2000, la diffusion du discours de la « diversité » dans les entreprises françaises a principalement reposé sur l'idée qu'elle constitue une « ressource pour entreprendre ». Cet article analyse les logiques sociales et les registres de ce travail de mise en forme rhétorique, par lequel une contrainte juridique ­ l'antidiscrimination ­ a été transformée en catégorie managériale. Après un retour sur les origines anglo-saxonnes du « management de la diversité », l'article montre que l'acclimatation française de ce discours a été le produit d'un travail de mobilisation de la part d'un petit groupe d'acteurs dont la position professionnelle les prédispose à promouvoir la justice sociale au prisme du marché. Dans un troisième temps, les principaux registres de la rhétorique de l'intérêt de la diversité sont analysés de manière détaillée.
    • Réinterprétations et usages sélectifs de la diversité dans les politiques des entreprises - Milena Doytcheva p. 107-123 accès libre avec résumé
      A son origine, la « charte de la diversité », initiative patronale impulsée par le patronat en 2004 et signée par un nombre croissant d'entreprises en France, est explicitement liée à la question des discriminations ethno-raciales et plus particulièrement à celle de la place des « minorités visibles » dans l'entreprise. Quelques années après sa mise en oeuvre, on note que la conception de la diversité qui la sous-tend s'est considérablement élargie pour inclure des préoccupations comme celles du handicap, de la « parité », des « seniors », mais aussi de la « parentalité » ou de la « relation avec les écoles ». C'est ce mouvement d'élargissement sémantique et pratique du « champ de la diversité », notamment en entreprise, que ce texte propose de retracer pour interroger les usages et les réappropriations spécifiques dont il est l'objet. Une telle perspective permettra de questionner la manière dont ces développements prolongent aujourd'hui, à l'intérieur même du cadre anti-discriminatoire, une situation française historique marquée par la dénégation des discriminations ethno-raciales.
    • Représenter la diversité en politique : une reformulation de la dialectique de la différence et de l'égalité par la doxa républicaine - Patrick Simon, Angéline Escafré-Dublet p. 125-141 accès libre avec résumé
      L'émergence de la thématique de la diversité dans les années 2000 a modifié le cadrage des débats de société. Mobilisé depuis de nombreuses années dans les recherches sur les relations interethniques dans une certaine indifférence, la notion a bénéficié de la mise sur agenda de la lutte contre les discriminations pour s'imposer, d'abord dans le monde de l'entreprise, puis dans l'ensemble des secteurs de la vie sociale et du discours politique. Absente du logiciel républicain, l'ethnicité ou la « différence culturelle » constitue une catégorie illégitime ­ sinon illégale ­ de l'action. Elle a longtemps été tenue à distance des représentations collectives et, comme déterminant de l'identité politique, est demeuré jusqu'à peu un impensé de la vie politique française. Dans ce contexte, il est surprenant que le débat sur la diversité se soit déplacé avec une telle rapidité dans le domaine de la vie politique. A l'occasion de plusieurs séquences électorales (présidentielle, législatives, municipales), incluant l'épisode Obama, la question de la « diversité » de la représentation politique en France, c'est-à-dire la présence de « minorités visibles » parmi les responsables des partis et les représentants élus, a été posée avec insistance. Cet article propose d'avancer des hypothèses de réflexion à partir d'un terrain mené à l'automne 2008 auprès de différents acteurs mobilisés autour de la « diversité en politique ». Il montre que l'on assiste à un double changement de cadrage : l'utilisation du lexique de la diversité sert à dépasser l'approche en termes d'intégration des étrangers à la vie politique ­ centrée sur le droit de vote ­ et, en touchant aux fonctions représentatives, inscrit le débat sur la reconnaissance des « minorités visibles » au c?ur du dispositif républicain.
  • varia

    • « La guerre par d'autres moyens » ? : La société civile dans le processus de paix en Casamance - Vincent Foucher p. 143-165 accès libre avec résumé
      Domaines régaliens par excellence, la guerre et la paix sont aujourd'hui parcourues par des acteurs qui légitiment leur action par leur extériorité aux Etats. Mais cette société civile, portée par les organisations intergouvernementales et les principaux pays bailleurs de fonds, n'est pas désindexée du politique et les acteurs ­ à commencer par les parties au conflit ­ se l'approprient de multiples façons. L'étude du rôle joué par la société civile dans le règlement du conflit qui déchire, depuis plus de vingt-cinq ans, la Casamance, au sud du Sénégal, révèle la variété de ces appropriations, par la population d'abord, revenue de sa sympathie pour le séparatisme, et par les militants séparatistes eux-mêmes. Mais c'est paradoxalement l'Etat sénégalais qui se montre le plus adepte au jeu de la société civile et qui, pour le moment du moins, en profite le plus.
    • Qu'est-ce que les « Contre-Lumières » ? - Jean Zaganiaris p. 167-183 accès libre avec résumé
      Cet article vise à montrer de quelle façon le néologisme « Contre-Lumière » a été historiquement et sémantiquement construit. Le texte éclaire sur la pensée d'Isaiah Berlin, qui est l'auteur à avoir conceptualisé cette notion au cours des années 1950. Il met également en relation diachronique et synchronique des auteurs qui ont exprimé leur refus de la philosophie des Lumières à telle et telle époque historique.
    • Aux origines de l'« engagement » : retour sur l'expérience formative du libéralisme américain en Chine, 1900-1930 - Emmanuel Puig p. 185-205 accès libre avec résumé
      Depuis le milieu des années 1990, la montée en puissance de la Chine constitue une des questions centrales de la politique étrangère américaine. En l'espace de quelques années, le débat s'est polarisé selon une ligne de rupture entre partisans de « l'endiguement » (containment) et les partisans de l'« engagement » de la Chine. Inspirée des principes du libéralisme en RI, la politique d'« engagement » vise à assurer le développement pacifique de la puissance chinoise. Pour ce faire, les partisans de cette option espèrent peser sur la politique chinoise selon des principes normatifs bien définis. L'ambition de cet article est précisément d'éclairer l'histoire de ces principes. En effet, la volonté actuelle d'influer sur le destin de la Chine semble directement héritée des préceptes de Woodrow Wilson et de sa politique chinoise. En cela, cet article revient sur les fondements de la politique wilsonienne afin de souligner l'historicité des principes à l'?uvre dans l'« engagement ».
  • lectures critiques