Contenu du sommaire : Les services. Définitions, ruptures, enjeux
Revue | Le Mouvement social |
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Numéro | no 211, avril-juin 2005 |
Titre du numéro | Les services. Définitions, ruptures, enjeux |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Les services : définir autrement que par défaut - Christian Chevandier p. 3-19
- Un demi-siècle de montée des services : la révolution permanente - Jean Gadrey p. 21-36 En 2004, le secteur tertiaire représente entre les deux tiers et les trois quarts de l'activité des économies développées. Certains soupçonnent toutefois les services de freiner la dynamique économique, voire d'être « improductifs ». Pour d'autres, au contraire, la « croissance tertiaire » est la seule à pouvoir engendrer les millions d'emplois qui font défaut. Pour réfléchir à ces questions, un diagnostic de longue période s'impose, qui permette de prendre la mesure de la révolution dans la structure du système productif et dans les modes de vie que constitue l'irrésistible ascension des services, et d'en fournir une explication multi-dimensionnelle.
- Perspectives sociologiques sur le travail dans les services : les apports de Hughes, Becker et Gold - Marie Cartier p. 37-49 C'est E. Hughes, professeur à l'université de Chicago dans les années 1950, qui a le premier souligné l'intérêt sociologique des métiers de service, en se démarquant tout à la fois de la sociologie industrielle et de la sociologie fonctionnaliste des professions. Il s'agit ici de présenter quelques-unes des perspectives qu'il proposa, et que certains de ses étudiants, tels R. Gold et H. Becker, développèrent à partir d'enquêtes de terrain sur les concierges, les musiciens de jazz et les institutrices : comparer métiers modestes et professions prestigieuses, être attentif aux conflits qui opposent ceux qui produisent le service et ceux auxquels il est destiné, contextualiser les interactions et tenir compte des différences de classe qui les façonnent. Le retour sur ce moment de la tradition de Chicago permet d'esquisser une sociologie du travail dans les services fort différente de la sociologie des relations de service qui s'est développée en France depuis la fin des années 1980 en se référant principalement à Goffman.
- Les services entre droit civil et droit du travail - Jean-Pierre Chauchard, Jean-Pierre Le Crom p. 51-65 Les services, ignorés de la législation industrielle au XIXe siècle, bénéficient progressivement du droit du travail à la faveur du développement de l'État social. Cette intégration ne se réalise toutefois que dans la mesure où les travailleurs concernés peuvent faire valoir l'existence d'un contrat de travail caractérisé par l'existence d'un lien de subordination défini par la jurisprudence ou présumé par la loi. Nombre d'activités de service restent donc réalisées par des travailleurs indépendants qui entretiennent avec leurs clients des relations de type commercial. Cette question n'en demeure pas moins d'une actualité certaine. En effet, la progression des services aux entreprises et, plus généralement, les transformations de la relation de travail, davantage tournée vers le service, sont susceptibles d'entraîner des conséquences sur le droit du travail ou son application. Déjà, les contrats de service apparaissent quelquefois comme un moyen d'évitement du droit du travail, par exemple dans le transport routier. Mais, à terme, ce sont les transformations du lien de subordination qui pourraient remettre en cause les frontières entre travail salarié et travail indépendant.
- Le travail dans les services rend-il malade ? : L'analyse du psychiatre Louis Le Guillant dans les années 1950-1960 - Jean-Christophe Coffin p. 67-81 Cet article évoque la contribution originale du psychiatre français Louis Le Guillant (1900-1968) à la constitution d'une psychopathologie du travail dans les années 1950. Il a dirigé ses recherches cliniques en direction des métiers de service, témoignant par là de sa volonté d'ouvrir la psychiatrie sur des terrains où elle était absente et de lui donner également des contenus théoriques quelque peu en rupture avec ses pratiques passées. L'attention pour les questions liées au travail dans les services l'a amené à s'intéresser aux problèmes de formation et d'organisation du travail infirmier au sein des hôpitaux psychiatriques et à engager une profonde réflexion sur le sens de la prise en charge des troubles mentaux par ce type d'institution, en privilégiant la réflexion sur l'adéquation du métier de soignant tel qu'il se déclinait dans les années 1950. Cette réflexion sur la maladie mentale et sa prise en charge prenait en partie appui à travers les discussions du mouvement de psychothérapie institutionnelle.
- Les services dans une société industrielle et socialiste : le cas de la RDA, 1949-1989 - Sandrine Kott p. 83-98 Existe-t-il des services dans une société centrée autour des valeurs de l'industrie comme l'était celle de la RDA ? Et si oui, sous quelle forme ? Tel est le propos de cet article qui entend montrer que, même s'ils ne constituaient pas un secteur économique distinct, les services existaient en RDA, souvent en relation étroite avec le monde industriel et sous forme d'une sorte de « service public » généralisé. L'article tente ensuite de trouver dans la faillite de l'économie planifiée centralisée, l'ambiguïté de certains choix politiques et de représentations sociales les raisons de la mauvaise réputation des services dans les sociétés socialistes.
- Les travailleurs des services pour l'extrême gauche française des années 1970 : des « cols blancs » à la prolétarisation - Alix Ducamp p. 99-113 Au lendemain de Mai 68, après la plus grande grève de l'histoire du mouvement ouvrier, l'extrême gauche française concentre ses efforts en direction de la classe ouvrière. De ce fait, elle ne définit les travailleurs des services qu'en fonction de leur proximité par rapport à la classe ouvrière. C'est ainsi qu'apparaît, à la faveur des bouleversements socio-économiques des Trente Glorieuses, l'idée de la prolétarisation des « cols blancs » : les travailleurs des services entrent dans les stratégies de l'extrême gauche à condition de s'assimiler à la classe ouvrière; par ailleurs l'existence d'une classe ouvrière homogène est très peu remise en cause. Mais cette conception évolue au cours des années 1970. De grands mouvements de protestation des employés, en particulier le « Mai des banques » en 1974, favorisent l'émergence de nouvelles théories dans l'extrême gauche qui tendent à l'intégration des travailleurs des services dans leurs stratégies militantes et à une meilleure prise en compte de leurs spécificités. Cependant la conception des travailleurs des services reste problématique pour une extrême gauche française écartelée entre ses théories héritées du XIXe siècle, le choc de Mai 68 et l'évolution socio-économique des Trente Glorieuses.
- Notes de lecture - p. 115-136