Contenu du sommaire : Varia
Revue | Le Mouvement social |
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Numéro | no 218, janvier-mars 2007 |
Titre du numéro | Varia |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- L'empire (des fonctionnaires) du milieu - Marc Olivier Baruch p. 5-11
- Les « gradés » de préfecture ou l'émergence contrariée de nouveaux « cadres » administratifs au XIXe siècle - Jean Le Bihan p. 13-28 Cet article souhaite éclairer l'histoire d'un groupe méconnu : les agents de grade intermédiaire des préfectures et sous-préfectures (chefs de division et de bureau, secrétaires), agents placés à la fois sous l'autorité des fonctionnaires préfectoraux (préfets, secrétaires généraux, sous-préfets) et à la tête d'un certain nombre d'employés. L'examen de leurs fonctions prouve que ces agents jouent un rôle de plus en plus stratégique au sein de l'administration préfectorale. Leurs compétences techniques en effet s'accroissent, tandis que leur mission d'encadrement s'affirme. En même temps, l'absence de statut national, qui est aussi le lot de leurs subordonnés, entrave leur émergence en tant que groupe à part entière. Leurs carrières demeurent étroites, limitées tant au plan de l'avancement que du déplacement, et leur action collective est pénalisée par leur statut départemental. Il faut alors se demander ce qui les distingue de simples employés. La réponse est sans doute à chercher du côté des traitements, ainsi peut-être que des médailles et des titres, qu'on peut interpréter comme autant de dédommagements symboliques. Au final, l'histoire des « gradés » de préfecture constitue un bon exemple de retard du droit sur les faits; elle montre que l'émergence de certains groupes administratifs intermédiaires au XIXe siècle est un phénomène plus complexe qu'il n'y paraît, qui mérite réévaluation.The « officers » of the prefecture or the frustrated emergence of new administrative « ranks » in the nineteenth century. This article aims to shed light on one particularly obscure group : the intermediate ranks of civil servants in the préfectures and sous-préfectures (chef de division, head clerks and secretaries). All are agents who are under the authority of high-ranking civil servants of the préfecture (préfet, sous-préfet and general secretary), but also have some managerial responsibilities themselves. Analysis of their activity demonstrates that they played an increasingly strategic role in the service of the préfectures : their technical competence increased as the managerial element of their position became more important... At the same time, their lack of national status, which was also the lot of their subordinates, thwarted their self-assertion as a separate group. They had very few opportunities to develop their careers and the departmental basis of their legal status made it difficult for them to organize collectively. Hence we must ask the question : what precisely distinguished them from “simple employees” ? Among the answers would be the difference in the officer's salaries and the awarding of medals and titles to them as an important symbolic compensation. Ultimately, the history of these “officers” of the préfectures, is a good example of the lag between French law and factual reality. This history also shows that the emergence of intermediate administrative groups in the nineteenth century is a more complex phenomenon than it first appears to be, and hence deserves careful reevaluation.
- Le facteur rural des postes en France avant 1914 : un nouveau médiateur au travail - Sébastien Richez p. 29-44 Si le facteur rural, dont la création remonte à 1830, a su prendre dans la société française une importance sociale et économique, relayée par la littérature et les arts, comparable à d'autres métiers traditionnels tel l'instituteur ou le gendarme avec qui il possède des affinités, il n'occupe pourtant pas la même place que ces homologues au sein de l'historiographie nationale. Et pourtant étudier ce personnage permet d'aborder de riches problématiques touchant à l'histoire de la communication, de l'administration et de la hiérarchie, et de la sociabilité. Il est l'héritier de l'ancienne organisation des messagers-piétons qui assurait la circulation des informations entre les relais locaux de l'État; il est emblématique d'une très forte hiérarchisation caractéristique de l'administration française; il personnifie l'ambivalence d'un métier d'État, parfois redouté par les autochtones, et d'une fonction essentielle, souvent appréciée des populations. C'est à travers sa tâche extérieure, la tournée, longtemps l'expression de sa condition laborieuse, qu'il est reconnu, loué ou raillé. Mais en toute occasion, il a servi aux régimes politiques du XIXe siècle comme un des ciments de l'identité nationale, promouvant l'égalité territoriale des Français.Rural postman in France before 1914 : a new mediator at work. The rural postman, who appeared in 1830, has attained social and economic significance through his representation in literature and the arts. His place in French society can be compared to the teacher or the gendarme with whom he shares an affinity. However, he cannot be compared to these other professions in terms of his representation in our national history, despite the fact that his case permits historians to examine many tricky issues – in the history of communication, the history of administrative hierarchy, and finally, the history of sociability. He is the successor of the pedestrian messenger [messagers-piétons] who was responsible for circulating information between local State representatives. He symbolizes the strong hierarchy characterizing French administration. He personifies the ambivalence of civil service employment in that he is sometimes feared by the autochthons, and yet also often appreciated by the population for his vital function. It was through the task of the mail round – the long-standing public demonstration of his hard work – that he was accepted, praised or derided. But on every occasion, he has been used by nineteenth century political regimes as a kind of cement for French national identity, helping to promote territorial equality among the French.
- La protestation des rappelés en 1955, un mouvement d'indiscipline dans la guerre d'Algérie - Clément Grenier p. 45-61 Mouvement interne à l'institution militaire, les actes de protestation des soldats rappelés perturbent, aux mois de septembre et d'octobre 1955, les débuts de l'engagement du contingent dans la guerre d'Algérie. Du cri de slogans à l'entrave violente au départ pour l'Afrique du Nord, l'attitude des soldats exprime une opposition plus ou moins tranchée. Les autorités politiques et militaires s'emploient à réprimer les « meneurs » et cherchent à limiter le développement et la portée du mouvement. A partir d'une typologie des modes d'action utilisés par les rappelés et de l'étude du contenu de leur protestation, l'article entend s'interroger sur le sens de cette révolte, ses répercussions et sa place dans la mémoire de la guerre d'Algérie.Acts of indiscipline during the Algerian war : the protest of French soldiers recalled in 1955. Acts of protest within the military in September and October 1955, led by recalled soldiers, disrupted manœuvres at the beginning of the war in Algeria. From the slogans used during the protests to the violence delaying departure to Northern Africa, the soldiers expressed their opposition in more or less clear-cut terms. Political and military authorities suppressed the leaders and tried to limit the growth and reach of this movement. By establishing a typology of actions used by these recalled soldiers, and by studying the content of their protests, this article seeks to question the meaning of this revolt, its repercussions, and its place in the memory of the Algerian war.
- L'état d'urgence (1955-2005). De l'Algérie coloniale à la France contemporaine : destin d'une loi - Sylvie Thénault p. 63-78 Cet article étudie la création et les usages de la loi d'état d'urgence entre 1955 et 2005. Cette loi porte la marque de la guerre d'Algérie, pendant laquelle elle fut élaborée et modifiée. Au final, elle se présente comme l'équivalent d'un état de siège contournant l'armée. L'état d'urgence fut déclaré cinq fois : en Algérie en 1955, en France en 1958 puis de 1961 à 1963, en Nouvelle-Calédonie en 1985, puis de nouveau en France en 2005. Alors que les débats contemporains la dénoncent comme une loi coloniale, c'est pendant la période gaulliste qu'elle connut sa durée d'application la plus longue et la moins contrôlée. Ainsi, elle s'enracine doublement dans l'histoire de France : comme une loi conçue pour répondre aux insurrections indépendantistes, mais aussi comme une loi de répression politique, lorsque la République doit faire face à ses « ennemis », depuis les « hors la loi » de la période révolutionnaire jusqu'aux communistes au XXe siècle.The state of emergency law (1955-2005). The history of a law from colonial Algeria to contemporary France. This article explores the introduction and use of the state of emergency law between 1955 and 2005. This law bears the mark of the Algerian war, as it was created in 1955 and modified in 1960. Ultimately it resembles martial law except for the fact that the special measures it provides become the responsibility of civilian authorities rather than the army. The state of emergency law was introduced in Algeria in 1955, in France in 1958 and again from 1961 to 1963, in France's Pacific island territory of New Caledonia in 1985 and then in France again in 2005. Hence even if it is presented in current debates as a colonial law, it was during the Gaullist period that the law experienced its longest, most loose application – against the French forces fighting de Gaulle's Algerian policy, his republican regime and his own rule. This law, then, is doubly rooted in French history : as a law conceived as a response to pro-independence revolutions, but also as a law of domestic political repression on the occasions when the Republic was forced to face its various « enemies », whether these be the « outlaws » of the French revolution or the communists of the twentieth century.
Chronique
- Histoire sociale et expérience audiovisuelle - Nicolas Hatzfeld p. 79-85
- Notes de lecture - p. 87-119