Contenu du sommaire : Réfugié(e)s
Revue | Le Mouvement social |
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Numéro | no 225, octobre-décembre 2008 |
Titre du numéro | Réfugié(e)s |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Du genre de l'exil - Philippe Rygiel p. 3-8
- Les réfugiés et l'État en Europe occidentale pendant les XIXe et XXe siècles - Frank Caestecker p. 9-26 Cet article livre une étude comparée des politiques du refuge menées par les principaux États européens sur le long XXe siècle en croisant les transformations des régulations internationales et les politiques propres à chaque État, en s'attardant sur le cas de la Grande-Bretagne, des Pays-Bas, de la Belgique, de la France et de la Suisse. Il souligne les difficultés de l'élaboration d'une politique européenne du refuge et les formes qu'elle prend en les rapportant aux traditions nationales des États européens. Il montre que les trajectoires nationales de la politique du refuge, du milieu du XIXe siècle à nos jours, peuvent être profondément différentes, voire contradictoires, et éclaire ainsi les enjeux contemporains liés à la mise en œuvre de la Convention de Genève.This article compares refugee policies created in Western European states during the long twentieth century. It compares transformations in the international regulations and the internal politics of several states, particularly Great Britain, the Netherlands, Belgium, France and Switzerland. The text underlines the challenges of building European refugee policies, and analyzes the forms they have taken in relationship to the national traditions of various European states. The article shows how, from the mid-nineteenth century on, national histories of refugee policies differ profoundly from, and even contradict, one another. This fact sheds new light on contemporary issues relating to the implementation of the ideals of the Geneva Convention.
- De l'exilé à l'exilée : une histoire sexuée de la proscription politique outre-Manche et outre-Atlantique sous le Second Empire - Sylvie Aprile p. 27-38 Les trajectoires de femmes proscrites et exilées sous le Second Empire ont été laissées au second plan. Trois figures émergent cependant, qui contredisent l'image stéréotypée d'un éternel féminin voué au foyer et à l'immobilisme. La première est celle de l'épouse, la « femme qui reste » mais qui n'est pas passive, assumant en partie le rôle de l'homme et l'opprobre qui entoure l'exilé. La seconde est celle de la « suiveuse » dont le rôle est également à réévaluer dans la structuration et le maintien des réseaux familiaux et politiques. Au-delà du topos de la femme sacrifiant son confort et son bonheur pour accompagner son mari, les sources révèlent une palette d'expériences professionnelles et une grande capacité d'adaptation. La dernière figure est celle de l'exilée proprement dite, condamnée ou proscrite volontaire, partant seule. L'exil transforme leurs pratiques militantes et la nature de leurs engagements, comme le montrent les parcours de Jenny d'Héricourt et Jeanne Deroin.The lives of political women outcasts under the French Second Empire have not attracted much historical attention. This article explores three types of female outcasts who challenge the traditional stereotype of a unchanging «eternal feminine» given over to domesticity. The first figure is the wife who « stays behind » the male political exile. She is not passive inasmuch as she assumes, at least in part, the responsibilities of her husband as well as the shame attached to his name. The second type is the woman who follows her husband into exile. She also plays an active role inasmuch as she helps to build and maintain family relations and political connections. If we look beyond the cliché of the wife who sacrifices her comfort and happiness for the sake of her husband, we find that these women had a variety of professional experiences and very ably adjusted to foreign circumstances. The last figure is the single woman outcast, who either is expelled from France or leaves by her own free will. In the case of such women outcasts as Jenny d'Héricourt and Jeanne Deroin, the exile experience transformed their militant behavior and the nature of their political activism.
- Une question de catégorie ? Politiques du mariage mixte entre Allemandes et Français. : France 1935-1940 - Aurélie Audeval p. 39-51 Les mariages mixtes de femmes allemandes et autrichiennes fuyant le régime hitlérien avec des ressortissants français sont un phénomène numériquement modeste mais qui mobilise une attention importante de la part des autorités françaises. La naturalisation de femmes allemandes par l'intermédiaire du mariage devient de plus en plus suspecte au fur et à mesure de la montée des tensions internationale. À partir de 1938 la naturalisation des femmes étrangères mariées à un ressortissant français peut être refusée par l'administration. La germanité des réfugiées du IIIe Reich fait d'elles, aux yeux de l'administration, des « anti-mères », qui ne sauront pas créer un foyer français, avoir des enfants français et même, dans le pire des cas, fourniront des informations militaires sur leur mari. L'articulation de cette double catégorisation genre-nationalité est importante pour saisir les enjeux qui se nouent autour de l'épisode de l'exil allemand en France entre 1933 et 1945.Mixed marriages between French citizens and German or Austrian women fleeing the Hitlerian regime were not numerous. Nevertheless, they aroused much attention from the French authorities. As the threat of war arose in Europe, the naturalization of alien women through marriage was increasingly viewed with suspicion. After 1938, French citizenship could be denied to alien women who married Frenchmen. For the French administration, the « Germanness » of the female refugees from the Third Reich made of them « anti-mothers » who could never create a French foyer or bear French children, and who might, in the worst case scenario, act as spies who used their husbands to furnish military information. The articulation of this double category of gender and nationality is crucial to understanding the issues raised by the German exile in France from 1933 to 1945.
- Le gouvernement anglais et les femmes réfugiées d'Europe après la Seconde Guerre mondiale - Silvia Salvatici p. 53-63 Les constructions socio-culturelles du genre féminin et la figure du réfugié interagissent et se renforcent : l'un et l'autre sont considérés comme des sujets non-politiques, n'ayant besoin que d'aide et de protection. L'une des premières opérations de réinstallation à grande échelle, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, voit le gouvernement britannique se charger de milliers de réfugiées originaires des pays baltes, recrutées comme personnel de service pour ses sanatoriums et sélectionnées à partir de critères restrictifs fondés sur l'âge, la nationalité et le renoncement aux liens familiaux. Cette expérience peut être considérée comme un chapitre important de l'histoire des personnes déplacées à la suite de la Seconde Guerre mondiale. Elle donne à voir une Europe occidentale qui se consacre à la reconstruction de démocraties nationales et reçoit alors des réfugiés sans reconnaître ni leur histoire ni leurs droits. Ce type d'intégration les repousse en même temps vers des marges sociales, que définissent leurs emplois, leurs caractéristiques ethniques et leur genre.Because of the socio-cultural construction of gender, the figure of the female refugee is considered to be a non-political subject, needing neither aid nor protection. In one of the first large-scale attempts at resettlement, which took place at the end of the Second World War, the English government assumed responsibility for thousands of women refugees from the Baltic countries. These women were recruited as service personnel for sanatoriums; they were selected according age, nationality and the willingness to renounce family ties. This experience can be considered an important chapter in the history of displaced persons at the end of the Second World War. It reveals a Western Europe dedicated to the reconstruction of national democracies, and willing to receive refugees (but without recognizing either their history or their rights). This type of integration pushed immigrant women towards the social margins, where they were defined by their work, their ethnicity and their gender.
- Les transformations des rapports sociaux de sexe dans l'immigration cambodgienne en France de 1975 à nos jours - Karine Meslin p. 65-79 Les Cambodgiens immigrés en France entre 1975 et 2000 sont des réfugiés politiques fuyant la guerre civile et le régime Khmer. L'arrivée simultanée des hommes et des femmes ne renforce pas la domination masculine, bien qu'elle soit traditionnellement établie. Le modèle familial est affaibli par les événements vécus au Cambodge et les modes de vie dans la société d'accueil. Les conditions de l'exil transforment donc de façon accélérée l'ordre sexué et engendrent des tiraillements identitaires pour les deux sexes, que révèle l'étude des trajectoires de femmes cambodgiennes. Les situations sont complexes – il ne s'agit pas d'une simple émancipation d'un modèle traditionnel – et l'on observe des stratégies d'adaptation différentes à l'échelle du foyer familial et du groupe communautaire.Immigrant Cambodians in France since 1975 have been political refugees fleeing civil war and the Khmer Rouge. Although male domination in this culture has remained relatively stable, it was not reinforced in France because men and women arrived at the same time. The familial model was undermined by events experienced by the immigrants in Cambodia as well as styles of life in France. Studies concerning Cambodian women reveal that conditions of exile transformed the sexual order in an accelerated fashion, generating ruptures in the gender identities of both men and women. However, the result of such ruptures was more complex than a simple emancipation of women from traditional models. This study also reveals that Cambodian women adopted different strategies of adaptation to their new environment, both at the familial and the community levels.
- Poussières d'instants : la reconstruction de soi et l'invention de nouveaux métiers par les réfugiées du Darfour au Caire - Fabienne Le Houérou p. 81-97 Les conflits sanglants que connaît la corne de l'Afrique depuis plusieurs décennies provoquent l'accumulation en Égypte, et particulièrement au Caire, de nombreux migrants forcés. Ceux-ci, dans l'attente d'une éventuelle reconnaissance de leur statut de réfugié décerné par les représentants locaux du Haut Commissariat aux Réfugiés, doivent assurer leur survie et retrouver leur capacité à agir. Les normes culturelles des immigrés et de la société hôte comme les structures économiques de la ville égyptienne donnent naissance à des expériences profondément différentes selon le genre.The violent conflicts which have taken place in the Horn of Africa since the 1980s have led to an increased number of Darfour immigrants in Egypt, especially in Cairo. While these immigrants wait to be granted the status of refugee by the local bureau of the UNHCR, they have had to struggle on their own to survive and reorganize their lives. Profound gender differences in the immigrants' experiences have resulted from the cultural norms of the host society as well as the economic structures of the Egyptian city.
- Notes de lecture - p. 99-137
- Hommages à Charles Tilly : Aujourd'hui je suis monté à Amiens - John Merriman p. 139-141
- Charles Tilly et la France - Michelle Perrot, Patrick Fridenson p. 143-145
- Informations et initiatives - p. 147-152