Contenu du sommaire : Repenser l'Etat social
Revue | Raisons Politiques |
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Numéro | no 6, mai 2002 |
Titre du numéro | Repenser l'Etat social |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Éditorial
- Éditorial - Yohann Aucante, Pierre Bollinger p. 3-6
Dossier
- Pauvreté, exclusion sociale et redistribution : la réponse britannique - Ruth Levitas p. 7-21 Au début des années 1980, dans le débat politique britannique, le terme d'« exclusion sociale » était constitutif d'un discours redistributif axé sur les conséquences de la pauvreté. Le terme a été repris par le New Labour alors dans l'opposition et dans les premiers temps de son retour au pouvoir en 1997-2001, comme un discours performatif lié à l'intégration par l'emploi et par la conformation à des normes morales. Dans la deuxième mandature travailliste, la pauvreté et, tout spécialement, la pauvreté des enfants ont été encore explicitement dans l'agenda politique, et la pauvreté a été de nouveau associée à l'exclusion sociale. Cependant, l'examen attentif des rhétoriques et des politiques montre que, loin d'être un retour au discours redistributif, l'accent est mis sur les chances d'entrer dans la compétition plutôt que sur la réduction des inégalités.
- Les politiques sociales, une science expérimentale - Noëlle Burgi p. 23-36 Redéployées vers le haut (Union européenne) comme vers le bas (territorialisation), les politiques sociales des Quinze sont désormais gérées grâce à une méthode ouverte de coordination. Celle-ci vise l'harmonisation souple des marchés nationaux du travail tout en prétendant sauvegarder les fondements du « modèle social européen ». Inspirée de l'idéologie du management participatif, dont les concepts et les techniques forment la texture de la modernité démocratique, cette méthode ouverte entretient l'illusion que l'art de gouverner équivaut à une science expérimentale. En fait, elle rend totalement opaque le débat public et masque les enjeux de pouvoir associés à l'impressionnante machinerie de type bureaucratique qu'elle met en place. Les plus démunis s'en trouvent encore plus soumis à une logique de choses mortes.
- Du lancer de nain comme canon de l'indignité. Le fondement éthique de l'État social - Hélène Thomas p. 37-52 De nouveaux principes éthiques, comme la justice sociale, l'équité ou la responsabilité se sont affirmés depuis une quinzaine d'années dans les politiques publiques européennes et françaises. La dignité est devenue un principe matriciel de décision et d'évaluation en matière de politiques sociales. La Charte européenne des droits fondamentaux lui a récemment donné la première place. Dans les Atats providence, la dignité, principe de classement prérévolutionnaire, posé comme un droit naturel fondateur des droits de l'homme est devenue un véritable canon des droits de l'homme.
- Quelles sont les chances politiques de l'allocation universelle ? Hypothèses à partir des exemples canadien et néerlandais - Yannick Vanderborght p. 53-66 L'idée d'octroyer à chaque citoyen un revenu de base strictement inconditionnel est-elle politiquement réaliste ? L'allocation universelle (AU), pour reprendre l'expression devenue classique en français, est-elle seulement une utopie créatrice ? Dans différentes versions, la proposition a été au coeur de discussions concrètes sur la réforme de l'Atat social. Pourtant, elle n'a nulle part été effectivement introduite. Au-delà des obstacles spécifiques et contextuels, une objection de nature éthique freine de façon radicale la mise en oeuvre d'une telle garantie de revenu. Ce fait est particulièrement avéré au Canada et aux Pays-Bas où la question de l'AU a été abondamment débattue. Marqué par la rhétorique de l'activation des allocataires sociaux, le processus de recomposition de l'Atat providence y est foncièrement étranger à l'idée d'une prestation sans contrepartie.
- L'État social sélectif. Une relecture comparée du PARE et de la PPE en France - Laurent Geffroy p. 67-80 En 2000, les représentants des entrepreneurs (MEDEF) ont proposé une nouvelle convention articulée autour du PARE (Plan d'aide au retour à l'emploi) qui renforçait l'aide individualisée et conditionnait strictement l'indemnisation des chômeurs. En 2001, le Parlement a adopté la Prime pour l'emploi (PPE), un crédit d'impôt destiné à ne pas pénaliser les faibles salaires. Promus par des groupes distincts (dans un cas, des entrepreneurs venus de l'assurance ; dans l'autre, des économistes statisticiens), débattus dans des arènes différentes, le PARE et la PPE n'en poursuivent pas moins le même objectif qui est d'« activer les dépenses passives ». Fondées sur des présupposés anthropologiques communs, ces mesures tentent d'accélérer le retour à l'emploi, en recourant à de subtils mécanismes d'incitation ou en organisant des sanctions. Elles accroissent en fait le contrôle et la dépendance des plus démunis à l'égard des institutions de l'Atat social et contrastent avec les politiques d'autonomie prônées par la gauche critique.
- La régulation politique du rapport entre l'État et la famille - Jean-François Demongeot p. 81-92 La mise en oeuvre de la politique familiale mobilise systématiquement les experts des sciences sociales qui interviennent, d'une part, dans la mise à l'agenda des problèmes et dans la définition des populations cibles et, d'autre part, dans la formalisation et la justification des dispositifs mis en place. Leur rôle est ambigu comme le montre le débat sur les rapports de la dépendance des personnes âgées avec la politique familiale. Malgré le développement d'une communauté épistémique défendant l'idée d'une meilleure prise en charge de la dépendance au sein de la famille, la branche famille de la Sécurité sociale a refusé toute implication dans ce domaine. Cet exemple illustre un aspect essentiel de la complexité des réformes de l'Atat social.
- Les mondes du welfare - Robert E.? Goodin p. 93-105 Malgré le succès frappant du régime de welfare social-démocrate qui a atteint tous les objectifs qu'on avait pu assigner à l'Atat providence, la perspective étatiste qui est la sienne a récemment été remise en question. Les tentatives de réforme se sont portées sur les différentes manières de transférer une plus large part du fardeau du welfare vers d'autres piliers de la société que l'Atat : la famille, la communauté et le marché. Toutes ces options accusent des contradictions internes qui hypothèquent les conditions mêmes de leur succès. Le pilier de l'Atat apparaît fort en comparaison et une extrapolation du vieil idéal social-démocrate sous la forme d'une « allocation universelle » semble désirable. Il semble même possible d'atteindre cet horizon dans un climat politique hostile, en tirant indirectement avantage de certains aspects élémentaires des exigences mal intentionnées du workfare.
- Autour de In the Name of Liberalism : Illiberal Social Policy in the USA and Britain - Desmond King p. 107-116
- La chasse au modèle : l'État social suédois en science politique - Yohann Aucante p. 117-133 La réputation du modèle suédois n'est plus à faire. Pourtant, elle repose sur un certain nombre d'équivoques qui tiennent, entre autres, à la dominance du parti social-démocrate et à l'idée que les prestations sociales sont fondées sur le principe d'universalité. Un retour sur l'histoire et sur la philosophie de l'Atat social, dans ses rapports avec la social-démocratie, permet d'apporter des correctifs importants à ce tableau idyllique.
- Pauvreté, exclusion sociale et redistribution : la réponse britannique - Ruth Levitas p. 7-21
Parcours de recherche
- Theda Skocpol, l'État, l'histoire et la science politique américaine - Pierre Bollinger p. 134-148
- Parcours de recherche - Theda Skocpol p. 149-164
Lectures critiques
- Lectures critiques - p. 165-182