Contenu du sommaire : La société libanaise à l'épreuve du drame syrien
Revue | Confluences Méditerranée |
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Numéro | no 92, hiver 2014/2015 |
Titre du numéro | La société libanaise à l'épreuve du drame syrien |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- La société libanaise à l'épreuve - Elisabeth Longuenesse p. 9-17
- De part et d'autre de la frontière libano-syrienne : les mutations de l'agriculture du Haut Oronte - Kanj Hamadé, Pierre Blanc, Ronald Jaubert, Myriam Saadé-Sbeih p. 19-32 Tout en développant une analyse ancrée sur des dynamiques historiques, cet article propose d'étudier les récentes transformations agricoles dans la zone frontalière du Haut-Oronte. Du côté Libanais, l'analyse se fait sur la zone de la Bekaa-nord qui, bien que marginalisée et soumise à une forte aridité, a connu durant les vingt dernières années un développement agricole spectaculaire. Du côté syrien, l'article se penche sur la situation actuelle dans la plaine de Qusayr, une région humainement et économiquement fortement liée à la Bekaa-nord. A travers l'étude des changements agricoles dans ces confins frontaliers, les auteurs proposent une clé de lecture complémentaire, permettant non seulement de comprendre les bases socio-économiques de la crise syrienne, mais aussi d'appréhender l'agriculture comme un des facteurs à considérer lors de la reconstruction de la future Syrie.
- Travailleurs étrangers, réfugiés syriens et marché du travail - Elisabeth Longuenesse p. 33-47 En 2011, la moitié du million et demi d'actifs au Liban étaient des non Libanais, et parmi eux, de 300 à 400 000 syriens, employés principalement dans l'agriculture et le bâtiment, mais aussi dans les services, en particulier hôtellerie, restauration, souvent sur une base saisonnière. L'arrivée de centaines de milliers de réfugiés a complètement bouleversé la situation du marché du travail, aggravant la pression sur les salaires et les conditions de travail des catégories les plus vulnérables de travailleurs, libanais et non libanais. L'article s'interroge sur les implications de la fragmentation accrue du monde du travail qui en découle et la façon dont celle-ci s'inscrit dans la dynamique de mondialisation des marchés.
- Les réfugiés de Syrie dans le camp de Chatila : conflits de légitimité et solidarités entre « nouveaux » et « anciens » réfugiés - Hala C. Abou Zaki p. 49-59 Depuis le début des soulèvements en Syrie en mars 2011, des dizaines de milliers de Syriens et de Palestiniens de Syrie réfugiés au Liban, se sont installés dans les camps de réfugiés palestiniens. Le camp de Chatila, situé dans la banlieue sud de Beyrouth, accueillerait ainsi aujourd'hui près de 2250 Syriens et 2000 Palestiniens de Syrie. Ces « nouveaux » réfugiés sont arrivés dans un camp qui souffrait déjà d'une très forte densité d'habitants (avec plus de 13000 habitants pour une surface de moins d'un kilomètre carré) et de conditions de vie précaires tant au niveau de l'habitat que sur les plans socioéconomique et éducatif. Dans ce contexte, l'arrivée de nouveaux réfugiés a détérioré un peu plus la situation dans le camp et des conflits de légitimité sont apparus entre « anciens » et « nouveaux » réfugiés, notamment autour de l'habitat et des services dispensés par l'UNRWA et les ONG. Ces tensions se sont accompagnées, cependant, de manifestations réelles de solidarités. Cet article cherche à mettre en lumière l'impact et les enjeux de l'installation des Syriens et Palestiniens de Syrie dans le camp de Chatila.
- Les réfugiés syriens au Liban : l'émergence progressive d'un discours de neutralité ? - Nicolas Dot-Pouillard, Jean-Baptiste Pesquet p. 61-72 Les réfugiés syriens au Liban sont souvent assignés, par les partisans du régime syrien comme par ses opposants, à prendre parti. Cet article s'intéressera au contraire à l'émergence d'un discours de neutralité, entre le régime syrien et l'opposition, exprimé par certains réfugiés syriens au Liban. Ce discours de neutralité est un produit du temps long du conflit : des réfugiés ne se retrouvent plus dans l'offre politique à l'œuvre en Syrie, entre le régime et les oppositions armées. Ils parlent désormais plus de « guerre civile » que de « révolution ». Au Liban, leur précarité sociale leur fait parfois regretter l'état passé, antérieur à la révolution. Le discours de neutralité est enfin un produit de la situation intérieure libanaise elle-même : certains réfugiés syriens, se méfiant des affidés libanais du régime syrien, se retrouvent parfois aussi rejetés par les opposants libanais à ce même régime.
- Economie des guerres civiles : la Syrie et le Liban transformés - Charbel Nahas p. 73-88 Avec le retour des discours guerriers et la multiplication des guerres civiles, une réflexion sur l'économie de guerre est devenue nécessaire, et des guerres civiles en particulier. Quelle rationalité commande le déclenchement et la poursuite des violences inter et intra étatiques ? Dans quelle mesure les effets réels des guerres sont-ils conformes aux objectifs annoncés de leurs protagonistes ? Pour son malheur, l'Orient s'est transformé en un vaste territoire de violence, matérielle et symbolique à la fois. Quelle place reste-t-il pour la raison ?
- Benefiting from a Crisis: Lebanese Upscale Real-Estate Industry and the War in Syria - Hisham Ashkar p. 89-100 L'industrie imobilière libanaise est en crise. Ici et là, des voix rendent la guerre en Syrie responsable de ses malheurs. Pourtant, non seulement elle a commencé bien avant le soulèvement, mais il semble que le secteur de l'immobilier profite des évènements de Syrie. Les investissements syriens et la demande de logements haut de gamme par les classes supérieures syriennes l'aident à ne pas plonger un peu plus dans la récession. Bien plus, la guerre en Syrie lui fournit des arguments permettant de brouiller les causes réelles de cette crise et de produire un nouveau discours dans l'espoir d'une répétition de la bulle immobilière dans les mêmes termes pernicieux.
- Crise du logement et fin du contrôle des loyers à Beyrouth : la poursuite d'une production urbaine exclusive - Bruno Marot p. 101-112 Le Parlement libanais a voté le 1er avril 2014 la suppression du contrôle des loyers. Mis en place en 1939 et renouvelé en 1992 à la sortie de la guerre civile, ce système de régulation du marché immobilier constituait l'un des principaux filets de protection sociale pour les ménages à revenu modeste face à une crise structurelle du logement, et assurait une mixité sociale, relative mais réelle, dans de nombreux quartiers de Beyrouth. Cet article analyse le contexte, les mécanismes, et les conséquences potentielles de cette réforme socialement exclusive, tout en éclairant le rôle des pouvoirs publics dans la fabrique urbaine et la domination des intérêts de l'industrie bancaire et immobilière, dans la période de l'après-guerre au Liban.
- Clientélisme et contestation : l'exemple de la mobilisation des travailleurs de Spinneys au Liban - Michele Scala p. 113-123 Parallèlement à l'avènement des changements politiques majeurs qui ont touché nombre de pays arabes, à partir de 2011, le Liban a connu un regain de luttes sociales s'exprimant principalement - mais pas uniquement - par le biais de batailles syndicales. Dans le secteur privé, l'éclosion de formes de résistance et de contestation sociale considérées comme « improbables » à cause de la présence et de la coexistence de réseaux de contrôle clientélistes et de modes de gestion ultra libéraux remet en question l'idée reçue d'un secteur où la mobilisation serait « sous-contrôle ». À partir de l'étude de cas de la mobilisation des travailleurs de la chaîne de supermarchés multinationale Spinneys, cet article se propose d'une part de questionner les modalités d'éclosion de ce conflit salarial et, d'autre part, de remettre en cause l'hypothèse de la résistance absolue des systèmes clientélistes aux formes de contestation collective.
- Public sector mobilisation despite a dormant workers' movement - Léa Bou Khater p. 125-142 La mobilisation des travailleurs du secteur public au Liban illustre la possibilité d'une renaissance du mouvement ouvrier malgré les divisions confessionnelles et les interventions politiques. Après la guerre, les syndicats ont été affaiblis et hautement politisés. Cependant, on a observé dans la dernière période des signes de reprise de la mobilisation des travailleurs. Celle-ci est avant tout le fait du Comité de coordination syndicale (Union Coordination Committee, UCC), créé en mai 2012, qui regroupe la Ligue des fonctionnaires, les ligues d'enseignants des écoles publiques primaires et secondaires, et le syndicat des enseignants des écoles privées. La principale revendication est une nouvelle échelle des salaires. Après d'imposantes manifestations et de longues actions de grève, le gouvernement a cédé et a approuvé une nouvelle échelle des salaires, qu'il a soumise au parlement. Mais les commissions parlementaires ont modifié le projet de loi. Bien que le mouvement n'ait pas encore été couronné de succès, l'UCC s'est montré capable de rassembler les travailleurs autour de leurs revendications de façon unitaire, en dépit de la prédominance des affiliations politiques dans un système fortement confessionnel.
- La ville de Tripoli, marginalité ou dépérissement ? - Nahla Chahal p. 143-156 La ville de Tripoli au Liban : foyer potentiel de « groupes terroristes » comme il est désormais convenu de le croire, ou du moins espace social ultra conservateur qui offre une base à un islam radical comme le pensent les observateurs « indulgents » ? Profil de la deuxième ville du pays, marginalisée politiquement et économiquement par la force de l'Histoire et la volonté d'établir un centralisme débridé dans ce petit pays si complexe, ces circonstances se sont greffées à une défaillance marquée de ses élites. Aperçu des conséquences sociales. Un cas d'école.
- L'intégration des élèves syriens dans les écoles libanaises : trois témoignages - Isabelle Grappe, Delphine Compain, Feyrouz Salamé p. 157-170 Cet article présente trois témoignages d'actions en cours depuis 2013. Ceux-ci montrent comment les actions de formations pour l'intégration des élèves réfugiés syriens dans les établissements scolaires libanais ont transformé la résistance à l'accueil de ces enfants en une prise de conscience des problèmes des élèves libanais. L'approche sociolinguistique couplée à une approche globale ainsi adoptée a permis de prendre en compte le profil linguistique et socioculturel des élèves et a renforcé les techniques des enseignants et des encadrants. Ceci a contribué à faire émerger une conscience des Droits à l'Education et des Droits des Enfants.
- La réponse humanitaire à la crise syrienne : et si une autre action, citoyenne et engagée, était possible ? - Kamel Mohanna p. 171-180 Le Liban accueille aujourd'hui environ un million et demi de réfugiés syriens, soit l'équivalent d'un tiers de sa population. Dans cette situation, l'absence de solidarité des pays du nord est criante. Mais surtout, le glissement de l'humanitaire solidaire vers le « charity business », et la marginalisation des acteurs locaux qui en découle, traduisent une forme de néo-colonialisme insupportable. Les sommes astronomiques consacrées à la coordination, aux frais de gestion, à la communication, représentent un gaspillage scandaleux, inversement proportionnel à l'efficacité de l'action. L'expérience de l'association Amel, association libanaise créée en 1979, pendant la guerre civile, offre un exemple à contre-courant de cette logique en s'appuyant sur la société civile locale et en ciblant son action en direction de tous les démunis.
Variations
- Grèce : barre à gauche toute ? - Christophe Chiclet p. 183-191 Le 25 janvier dernier, la gauche de la gauche, appelée « Coalition de la Gauche radicale » a remporté les élections législatives anticipées. Mais n'ayant obtenu la majorité absolue, elle s'est coalisée avec le parti souverainiste ANEL. Dépeint comme le mariage d'un parti d'extrême gauche avec un parti d'extrême droite, il n'en est rien. Il s'agit de deux forces politiques pragmatiques qui ont en commun de vouloir rejeter ce qu'elles estiment être un assujettissement du pays au diktat de la Troïka, composée de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne et du Fonds monétaire international. Considérant que celle-ci n'est soumise à aucun contrôle démocratique, ni du parlement européen, ni des Etats souverains, leur combat leur semble juste. L'expérience grecque est suivie à la loupe par le reste de l'Europe.
- Les violences contre les femmes en Turquie : entre modernisation et traditionnalisme - Ípek Merçil p. 193-206 Les femmes turques sont particulièrement touchées par de nombreuses formes de violence qui se déroulent le plus souvent au sein de la famille. La violence domestique, les suicides forcés, les assassinats d'honneur, les mariages forcés ou/et précoces, la pression paternelle et/ou conjugale, l'inceste, la polygamie, la maternité adolescente sont différentes formes de violence subies par les femmes turques. Dans cet article, nous essayerons d'analyser les motifs de ces différents types de violence et le système patriarcal qui persiste au changement malgré les efforts d'occidentalisation et de modernisation de la Turquie par les élites kémalistes et les modifications juridiques faites en vue de l'adhésion à l'Union Européenne.
- Notes de lecture - p. 208-213
- Grèce : barre à gauche toute ? - Christophe Chiclet p. 183-191