Contenu du sommaire : Observer en réunion

L'observation d'une réunion dans un projet de réforme agraire au Brésil, marquée par la dramatisation publique d'un conflit familial, permet d'analyser la façon dont la « réunion » est à la fois une technologie politique et un rituel de gouvernement, donnant un cadre formalisé aux interactions entre l'univers bureaucratique de l'État et le monde des relations interpersonnelles. La définition officielle de la situation, conforme aux normes de l'univers légal-bureaucratique entre en conflit avec les arrangements pratiques correspondant aux attentes orientant les relations interpersonnelles. La gestion de l'interaction entre ces deux univers repose sur le travail de médiation d'un bureaucrate de terrain. Dans une configuration d'administration indirecte, la réunion permet de faire exister sur le mode rituel la « communauté », élément essentiel d'un mode de gouvernement mis en place sous la bannière de la « participation ».

L'article étudie les effets des tentatives d'inculcation de pratiques effectuées par les agents de l'État vers les habitants d'un village rural du Mexique. Par l'analyse de trois cas de figure, il montre que le pouvoir d'imposition symbolique exercé par les représentants de l'État sur les habitants du village est fortement lié à la présence de conditions structurales favorables à la réception des consignes. Il permet ainsi de relativiser la vision trop unilatérale du changement social qu'on retrouve dans la plupart des analyses des politiques indigénistes latino-américaines.

Centré sur une consultation ethnoclinique avec une famille ouest-africaine, cet article souligne l'intérêt d'étudier ces séances dans leur forme réunion pour les analyser au prisme d'une ethnographie du politique vu d'en bas. Après avoir montré que les performances menées en consultation conduisent à la construction des « origines » en références premières et omniprésentes, l'articulation de plusieurs conditions de félicité pouvant expliquer cette performativité des séances est mise au jour.

Cet article part de l'ethnographie d'une réunion de travail entre les agents d'une commune malgache et leurs « partenaires » étrangers. On y observe une lutte entre ceux qui considèrent que l'échelle légitime de décision pour le « développement » de la ville est locale et ceux qui considèrent qu'elle est transnationale. On y comprend que l'ingérence et la résistance à l'ingérence sont le produit de rapports de domination individuels et collectifs, mais aussi des comportements expérimentés et négociés au fil de carrières professionnelles et militantes.

Exerçant leur métier dans un environnement très politisé où le parti unique s'assure de leur docilité par différents dispositifs de contrôle (système de recrutement, évaluations, sanctions), les fonctionnaires éthiopiens ne réagissent pas de manière uniforme à l'encadrement partisan et adoptent des attitudes différenciées selon leurs ressources et selon les situations. À travers l'analyse des pratiques quotidiennes de fonctionnaires envisagés à la fois dans leurs relations avec les administrés et les employés des nombreux programmes de développement qui travaillent au sein de l'administration, cet article montre les effets de la discipline sur les pratiques administratives.

Lors des grèves de l'automobile au début des années 1980, les ouvriers immigrés, fortement impliqués dans ces conflits en particulier à Citroën et Talbot, revendiquent le respect des pratiques religieuses musulmanes, qui deviennent alors un enjeu syndical, à côté d'autres revendications. Or, une lecture des conflits, circulant entre différents champs (patronal, policier, médiatique, politique), fait peu à peu de l'Islam, puis de l'Islamisme, un facteur essentiel de compréhension de ces conflits sociaux.

Comment faire sens du refus d'entretien d'un enquêté incontournable ? Lors d'une recherche sur les cinéastes militants des années 1970, nous n'avons pu rencontrer le documentariste Chris Marker qui a détaillé dans un courriel les raisons de son refus. Décédé en 2012, son refus nous a semblé, a posteriori, riche de sens et nous l'avons interprété en formulant deux hypothèses solidaires. La première, c'est le refus du stigmate. Quoique pionnier et acteur crucial du cinéma militant, Chris Marker a refusé d'être associé au dogmatisme qui le caractérisait et a toujours fait primer l'autonomie artistique. La deuxième, c'est son obsession du secret et de l'enchantement. Le collectif de cinéma militant qu'il a fondé et animé lui conférait une certaine invisibilité tout en procédant d'un principe d'organisation fortement charismatique.