Contenu du sommaire : Blackness
Revue | Politique africaine |
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Numéro | no 136, décembre 2014 |
Titre du numéro | Blackness |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Le Dossier : Blackness
- Construire la blackness depuis l'Afrique, un renversement heuristique - Thomas Fouquet p. 5-19
- Photographie et géographie corporelle de l'Atlantique noir - Sarah Fila-Bakabadio p. 21-40 Le corps noir est à la conjonction des expériences africaines et afro-descendantes. Déplacé, exhibé, scruté, il porte les histoires de migrations successives entre l'Afrique, les Amériques et l'Europe. Cet article examine la géographie corporelle dessinée par certaines œuvres produites par des photographes contemporains africains, afro-américains et afro-européens comme Carrie Mae Weems, Ingrid Mwangi, Rotimi Fani-Kayode ou Kudzanai Chiurai. Il discute de leurs représentations croisées du corps noir défini comme une métaphore d'une positionalité atlantique, voire d'un cosmopolitanisme noir. Le propos est de saisir comment les images reconstruisent le corps comme un espace d'interaction et représentation d'une histoire noire connectée, dont l'Atlantique est le lieu de formulation premier.The black body is at the nexus of African and Afro-descendant experiences. Displaced, exhibited or scrutinized, it carries the history of multiple migrations from Africa to the Americas and Europe. This article examines the corporeal geography designed by African, Afro-American and Afro-European photographers such as Carrie Mae Weems, Ingrid Mwangi, Rotimi Fani-Kayode ou Kudzanai Chiurai. It studies their overlapping representations of the black body seen as a metaphor of an Atlantic positionality and even as a black form of cosmopolitanism. The point is to understand how images reshape the body as a site of interaction and representation of a connected black history for which the Atlantic Ocean is the primary space of creation.
- Rap et blackness au Burkina Faso. Les enjeux autour de l'accès à une reconnaissance artistique - Anna Cuomo p. 41-60 Cet article analyse le concept de blackness sous l'angle d'énonciations d'une condition subalterne et des dynamiques s'y rattachant, chez certains rappeurs burkinabè. À partir de données ethnographiques recueillies dans le cadre d'une thèse d'anthropologie, cette contribution met l'accent sur l'articulation entre blackness, énonciations d'une africanité authentique, et enjeux liés à la globalisation, en regard d'expériences et/ou de trajectoires socio-artistiques différentes au sein du monde du rap burkinabè. L'arrivée du hip-hop à Ouagadougou a constitué pour certains un moyen de s'approprier une histoire noire peu connue jusqu'alors. Cette connaissance de référents black transnationaux a ensuite été articulée à la valorisation d'une « authenticité » africaine, qui constitue désormais une véritable ressource mobilisable sur le marché de la musique à l'échelle transnationale.This article analyses the manner in which “blackness” is enunciated by Burkinabè rappers as a condition of subalternity. Based on ethnographic data gathered for a PhD in social anthropology, it focuses on the articulation between blackness, statements of African “authenticity” and questions of globalisation through different experiences and socio-artistic biographies within the world of Burkinabè rap music and culture. The arrival of hip-hop in Ouagadougou offered, for some, a way of appropriating key elements of a hitherto little known black history. These elements of black transnational cultures were then articulated with the valorisation of African “authenticity”, which, in the process, has come to constitute a significant resource that can be mobilised on the transnational music market.
- Africains et Afro-descendants à Buenos Aires : un cosmopolitisme noir en quête d'affirmation - Régis Minvielle p. 61-81 Longtemps occulté, voire objet de déni, le passé africain de l'Argentine resurgit sous l'égide de multiples acteurs qui tissent progressivement les contours d'un cosmopolitisme noir. Depuis le début des années 1990, des descendants d'esclaves, des deuxième et troisième générations d'immigrés capverdiens, des migrants subsahariens et latino-américains mettent en saillance une ethnicité qui se décline selon des modalités distinctes ; alors que les derniers arrivés cherchent à exploiter le créneau économique de l'africanité en convoquant notamment un ethos de l'Africain traditionnel supposé être le garant de la culture et des techniques ancestrales, les Afro-argentins investissent plutôt le champ du politique dans l'espoir d'obtenir des réparations pour des discriminations subies depuis le xvie siècle.Argentina's African past, after being concealed, if not altogether denied, for a long time, is now resurfacing via a multiplicity of actors who are progressively crafting the contours of a black cosmopolitanism. Since the early 1990s, slave descendants, second ? or third-generation Cape Verdean immigrants, as well as sub-Saharan and Latin American immigrants have been bringing to light their ethnicity in a range of different ways. While more recent immigrants seek to tap into the economic resources of African-ness by turning to the ethos of the “traditional African” as keeper of ancestral cultures and techniques, Afro-Argentinians invest, rather, in the field of politics in the hope of obtaining reparations for manifold forms of discrimination suffered since the sixteenth century.
- L'Afrique et la question de la blackness : exemples du Ghana - Jemima Pierre, Camille Niauffre p. 83-103 Quelle est la signification (et l'histoire) de la blackness dans l'Afrique postcoloniale ? Alors que la question de l'ethnicité (ou du « tribalisme ») en Afrique a été largement traitée dans toute sa complexité, la question de la race a reçu peu d'attention en-dehors de l'Afrique du Sud et du contexte particulier de l'apartheid. Dans cet article, je me base sur des exemples tirés de mes recherches ethnographiques et historiques au Ghana pour montrer qu'il faut replacer les discours, politiques et pratiques de la race, de la différence raciale et des privilèges qui y sont liés au niveau local dans un ensemble de processus plus larges qui ont trait à l'histoire récente de la domination impériale. L'article interroge les distinctions théoriques qui sont faites entre les tropes de la « blackness » et de « l'africanité » tout en défendant l'idée que la race est un concept central dans l'Afrique contemporaine.What is the meaning (and history) of “blackness” in postcolonial Africa? While much has been written on Africa's complex ethnic (or “tribal”) relationships, the question of race has received little attention outside of South Africa's unique history of apartheid. In this essay, I use examples from my ethnographic and historical research in Ghana to show how local engagement with discourses, politics, and practices of race and racial difference and privilege occurs within a broader set of processes that expose a very recent history of imperial domination. The essay interrogates the theoretical distinctions between the tropes of “Blackness” and “Africanness” while making the case for recognizing the centrality of race in contemporary Africa.
- L'afropolitanisme en débat - Patrick Awondo p. 105-119 S'appuyant sur la problématique des politiques identitaires, l'interrogation sur ce qu'on pourrait nommer le patrimoine Nègre et la façon dont les Afro-descendants s'y identifient a ouvert sur deux types de positionnements au cours des trois dernières décennies : il y a d'un côté une pensée de la différence s'adossant sur les avatars de l'africanité, et de l'autre des philosophies de la médiation, dont le travail intellectuel critique le discours de « clôture identitaire ». L'afropolitanisme comme idée de la façon dont les Africains et leurs descendants des diasporas font « communauté » et communient avec le monde surgit à l'interface des deux pôles évoqués. Il se veut lié à l'Afrique sans pour autant s'y réduire. Il ouvre dès lors sur une nouvelle politique identitaire à l'heure de la globalisation, privilégiant la fluidité et la modularité des appartenances. Mais réussira-t-il à faire école ?Based on the issue of identity politics, the interrogation about what might be called the Negro heritage and how Afro-descendants identify to it has led to two types of intellectual positions over the past three decades: On the one side is a discourse of the difference leaning on the avatars of Africanism; on the other, the philosophies of mediation, whose aim is to be critical of the “identity closure” discourse. Afropolitanism as an idea about how Africans and their descendants in the Diasporas build a “community” and are in communion with the world arises at the interface of these two positions. Afropolitanism as an intellectual project conceives itself as linked to Africa but without reducing everything to this location. It therefore opens a new kind of identity politics in the age of globalization, emphasizing the fluidity and modularity of belonging. But will this “postracial” project succeed in mobilizing the majority of Afro-descendants?
- Afrofuturisme et devenir-nègre du monde - p. 121-133 La réflexion africaine et diasporique moderne sur la « condition nègre » s'est largement faite dans le cadre de la pensée humaniste qui aura prévalu en Occident au cours des trois derniers siècles. Depuis le milieu du XXe siècle, différents courants se sont attachés à critiquer en profondeur l'humanisme occidental. Parmi eux, l'afrofuturisme déclare que c'est l'idée même d'espèce humaine qui est mise en échec par l'expérience du nègre, forcé notamment par le biais de la Traite, de revêtir les habits de la chose et de partager le destin de l'objet. Aujourd'hui, le « nègre de fond » – qui réactualise le « nègre de surface » sans nécessairement avoir la peau noire – correspond à un genre d'humanité subalterne dont le capital n'a guère besoin et qui semble être voué au zonage et à l'expulsion. Il fait son apparition sur la scène du monde alors que, plus que jamais, le capitalisme s'institue sur le mode d'une religion animiste, tandis que l'homme de chair et d'os d'autrefois fait place à un nouvel homme-flux, numérique.
Recherches
- Écrire masqué. Des pseudonymes dans la presse camerounaise - p. 135-156 Cet article est une réflexion diachronique sur la généralisation, puis la banalisation de l'usage des pseudonymes par la presse camerounaise depuis une vingtaine d'années. Il examine les conditions historiques, politiques et culturelles de l'émergence, puis de l'usage répandu des pseudonymes par une presse « libre ». Il montre comment l'absence d'un cadre juridique spécifique permet à celle-ci de piéger les lecteurs avec une illusion de signature. L'étude détermine non seulement les stratégies mises en œuvre dans le choix des pseudonymes, mais surtout les discours que les usages permettent de construire. L'analyse révèle les conditions de pratique du journalisme dans un contexte alliant répression et libertinage, qui fait de la facilité de se (re)baptiser une forme de protection, un masque malicieux ou une fantaisie.This essay is a diachronic examination of the generalization and trivialization of pseudonyms by Cameroonian journalists in the past twenty years. It explores the political, historical and cultural determinants of the use of “fake” and pen names by a so-called “free” press. In the absence of a rigorous legal framework, journalists mislead readers by means of frequent forged signatures. The article not only uncovers the rationalities used in the choice of pseudonyms and local journalistic practices, but also the various discourses constructed within the context of an authoritarian regime. The power to (re)name, then, becomes a strategy of self-protection, a roguish practice or a whim.
- Soigner les siens : citoyenneté et imagination nationale au Botswana au temps du sida - Fanny Chabrol p. 157-177 Le Botswana a tôt acquis une réputation de pays modèle, voire de miracle, en Afrique pour sa croissance économique et sa stabilité démocratique. Ce pays a été touché de plein fouet par l'épidémie de sida. Sa réponse face à la tragédie sanitaire est examinée non point en tant qu'illustration de son exceptionnalité, mais selon la forme qu'elle donne à une citoyenneté qui n'est pas uniquement biologique mais qui incorpore une dimension sociale et politique, à caractère national, parfois même nationaliste. L'article décrit les caractéristiques d'un État bienfaisant qui, tout à la fois, prend soin de sa population de citoyens nationaux et réaffirme l'importance d'une nationalisation de la santé publique. Les mécanismes de souveraineté sont alors en jeu : la manière dont la communauté produite par l'accès aux médicaments recoupe les contours de la communauté nationale et, plus généralement, comment la question de l'étranger se trouve au cœur des politiques publiques au Botswana.Botswana has long been considered a model or a miracle in Africa for its sound economic growth and democratic stability. The country has been dramatically hit by the AIDS epidemic. The article examines Botswana's response to it, not as an illustration of the country's exceptionality, but by looking at how this has contributed to shaping a kind of citizenship that is biological, but with a strong social and political dimension and a national or nationalist character. It describes a benevolent State that takes care of its population of national citizens and at the same time reaffirms the importance of nationalizing public health, thus pushing the issue of sovereignty to the centre of the debate. The community produced by access to medications and the national community overlap and, more broadly, the issue of nationality is at the heart of public policies in Botswana.
- Écrire masqué. Des pseudonymes dans la presse camerounaise - p. 135-156
Lectures
- Autour d'un livre - Séverine Awenengo Dalberto, Sandrine Perrot p. 179-203
- La revue des livres - p. 205-214