Contenu du sommaire : Varia

Revue Cahiers du monde russe Mir@bel
Numéro volume 41, no 1, janvier-mars 2000
Titre du numéro Varia
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Articles

    • De l'or pour l'industrialisation - Elena A. Osokina p. 5-40 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le problème du financement de l'industrialisation est l'un des problèmes centraux dans l'étude de l'histoire soviétique de la période stalinienne. Les chercheurs concentrent traditionnellement leur attention sur la source principale de ce financement – les échanges inégalitaires entre la ville et la campagne. Mais l'industrialisation soviétique a eu également d'autres moyens de financement, moins significatifs, certes, mais plus inattendus. L'un de ces moyens a été l'exportation massive d'antiquités et d'oeuvres d'art. Le début de son essor a coïncidé avec l'élaboration et les premières phases de la réalisation du premier plan quinquennal et s'est prolongé jusqu'au milieu des années trente. Pendant cette période furent vendues à l'étranger non seulement des centaines de milliers de tonnes d'antiquités de second ordre mais également certaines des plus belles œuvres de l'Ermitage et d'autres musées de premier plan du pays. Dans cet article, il est question de la période initiale de cette exportation (1927-1930), des causes qui lui ont donné naissance, de la création de l'organisation Antikvariat, des gens qui ont vendu le patrimoine national et des gens qui l'ont défendu, du premier client avec qui les ventes n'ont pas pu se faire, Germain Seligman, et du premier acheteur des chefs-d'œuvre de l'Ermitage, Calouste Gulbenkian.
      Gold for industrialization. Soviet export of art to France during Stalin's five-year plans. – The financing of Soviet industrialization is one of the major issues in the study of the socio-economic history of the Stalin era. Scholars traditionally focus only on one financial source, the unequal exchange between the urban and rural sectors. However, industrialization had other, less significant, non-traditional financial means. One of these was the massive export of art. It started simultaneously with the implementation of the first five-year plan and continued through the mid-1930s. During that time, not only were hundreds of thousands of tons of, so-called, ordinary antiques sold abroad, but also many valuable works from the Hermitage and other major museums of the country as well. This article deals with the beginnings of this mass export of art (1927-1930), its origins, the creation of the organization Antikvariat, the people who sold the national heritage and those who tried to protect it, the first missed sale with Germain Seligman, and the first buyer of Hermitage masterpieces, Calouste Gulbenkian.
    • The early Russian exploration and mapping of the Chinese frontier - Marina Tolmacheva p. 41-56 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les premières explorations russes de la frontière chinoise et les premières cartes de la région. – Dans cet article nous étudions les différents types d'expéditions cartographiques russes en Sibérie et sur la frontière chinoise et nous en proposons une classification par période. C'est le commerce, la colonisation et les besoins du pouvoir qui déterminaient à des degrés divers l'attention et l'engagement de l'administration, de l'armée, des colons russes et de divers groupes de marchands et de diplomates. Les premières ambassades russes firent appel au savoir occidental – celui des jésuites en particulier – en ce qui concerne la Chine et la cartographie. Après le traité de Nerchinsk en 1689, les Russes organisèrent eux-mêmes leurs expéditions grâce à la stabilité de la frontière. Les différentes étapes de notre périodisation reflètent les changements survenus dans les priorités et la politique de l'État russe et les variations dans l'équilibre des pouvoirs entre la Russie et la Chine. La présence de plus en plus affirmée de la Russie dans la région du Pacifique et la fabrication de cartes géographiques de la région de l'Amur-Ussuri aux XVIIIe et XIXe siècles pesèrent en faveur de la Russie dans la rivalité qui l'opposait à la Chine des Qing.
      The article discusses the major patterns of Russian cartographical exploration of Siberia and the Russo-Chinese frontier and offers a periodization schema. Trade, settlement, and the issues of sovereignty commanded in various degrees the attention and commitment of officialdom, the military, Russian settlers, and diverse groups of merchants and diplomats. The early Russian embassies sought out Chinese maps and drew on Western, especially Jesuit knowledge of China and cartography. After the 1689 Treaty of Nerchinsk, Russians conducted independent surveys, benefiting from the stability of the negotiated border. The several stages of periodization reflect changing priorities and policies of the Russian state, fluctuating configurations of the neighboring domains, and the variations in the Russo-Chinese balance of power. The growing Russian presence on the Pacific and the mapping of the Amur-Ussuri region in the eighteenth and nineteenth centuries became crucial advantages in Russia's contest with Qing China.
    • Russia's ambivalent response to the Boxers - David Schimmelpenninck van der Oye p. 57-78 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La réaction ambiguë de la Russie à l'insurrection des Boxers. – À l'instar des autres puissances ayant des intérêts en Chine, la Russie prit part à l'intervention militaire visant à écraser l'insurrection des Boxers, cette explosion de violence xénophobe qui eut lieu à Pékin et dans les provinces voisines dans le courant de l'été 1900. Cependant, la participation de Saint-Pétersbourg à cette opération se distinguait de celle de ses partenaires par son ambiguïté. Lorsqu'au début de l'année 1900 les diplomates russes furent informés des troubles pour la première fois, ils rejetèrent cette nouvelle comme alarmiste et ne joignirent pas leur voix aux protestations européennes. Quand l'émeute se transforma en insurrection et que les légations étrangères furent assiégées l'été suivant, c'est à contrecoeur que Nicolas II marcha sur Pékin avec les autres nations. Pendant l'automne 1900 et au début de l'année suivante, le représentant russe implora ses collègues de faire preuve de modération dans leur demande de réparations au gouvernement chinois. Les appréhensions de la Russie reflétaient le désir de celle-ci de maintenir une relation privilégiée entre la dynastie des Romanov et celle des Qing, désir qui s'exprimait surtout au niveau des hauts fonctionnaires des ministères des Finances et des Affaires étrangères et dans certains articles de presse.
      Like the other powers with interests in China, Russia intervened militarily to suppress the Boxer rising, a violent xenophobic eruption in Peking and the surrounding provinces during summer 1900. However, St.ÊPetersburg's participation in the operation was much more ambivalent than that of its partners. When unrest was first reported at the start of 1900, Russian diplomats dismissed the news as alarmist, and refrained from joining the European protests. As the disorders grew into a full-scale uprising and the foreign legations came undersiege that summer, Tsar Nicholas II participated in the multinational march on Peking with the greatest reluctance. During autumn 1900 and into the following year, Russia's envoy pleaded with his colleagues to moderate their demands for retribution from the Chinese government. Russia's misgivings reflected a belief in a special relationship between the Romanov and Qing dynasties, especially among officials at the ministries of Finance and of Foreign Affairs, as well as many commentators in the press.
    • Hijra and forced migration from nineteenth-century Russia to the Ottoman Empire - Brian Glyn Williams p. 79-108 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Départ en terre d'islam et migration forcée des Tatars de Crimée vers l'Empire ottoman au xixe siècle. – Nous faisons ici la première analyse socio-politique détaillée du rôle qu'ont joué l'islam traditionaliste de Crimée et la politique colonialiste russe dans le vaste mouvement migratoire des Tatars de Crimée vers l'Empire ottoman après la guerre de Crimée. Basée sur des sources russes, turques, tatares et occidentales, cette analyse recrée les conditions dans lesquelles s'est effectuée cette migration extraordinaire qui a vu, en 1860 et 1861, 200 000 des 300 000 Tatars de Crimée abandonner leur sol natal pour s'installer dans les territoires ottomans correspondant aujourd'hui à la Bulgarie, la Roumanie et la Turquie. Selon nous, les racines de ce mouvement remontent à l'émigration en 1859 de montagnards musulmans du Caucase (Circassiens, Tchétchènes, Lazes, Abkhazes, etc.) vers l'Empire ottoman après la défaite des rebelles antirusses de l'imam Chamil. Le mouvement se répercuta sur la société musulmane instable de Crimée. Nous exposons les mécanismes internes qui provoquèrent la migration de cette société – identification extra-territoriale prémoderne à l'Empire ottoman, le Dar al Islam (le royaume de l'islam) ; désir de protéger les traditions patriarcales musulmanes de Crimée de l'influence des infidèles (les colons russes) – ainsi que les influences extérieures (destructions de villages par les cosaques pendant la guerre de Crimée, confiscation massive des terres par les pomeshchiks). Nous présentons également la première étude en anglais sur l'abandon de la steppe du Kubanet de l'Ukraine du sud par les Nogaïs, un groupe ethnique apparenté aux Tatars de Crimée.
      This article presents the first in-depth socio-political analysis of the role of traditionalist Crimean Islam and Russian colonialist policies incausing a vast emigration of Crimean Tatars from their ancestral homeland to the Ottoman Empire following the Crimean War. Using Russian, Turkish, Tatar and Western sources we recreate the conditions for this extraordinary migration that saw 200,000 of the Russian Empire's 300,000 Crimean Tatars abandon their ancestral homeland for Ottoman lands in what is today modern day Bulgaria, Romania and Turkey in the years 1860-1861. We trace the beginning of this movement to the emigration of Caucasian highlander Muslims (such as the Circassians, Chechens, Lazes, Abkhaz, etc.) to the Ottoman Empire in 1859 following the defeat of Sheikh Shamil's anti-Russian guerrillas. The emigration of Caucasian Muslims had a ripple effect on the unstable Crimean Muslim society of the nineteenth century. We show that there were internal mechanisms operating within Crimean Muslim society that led to this extraordinary migration (such as a pre-modern, extraterritorial identification with the Ottoman Empire as the Dar al Islam, i.e. realm of Islam; a desire to preserve traditional-patriarchal Crimean Islamic traditions from infidel influence of Russian colonists) as well as outside influences (such as Cossack destruction of Crimean Tatar villages during the Crimean War; massive loss of land by Crimean Tatars to Russian landlord-pomeshchiks). We also present the first study in English on the abandonment of the Kuban steppe and south Ukrainian steppe by the Nogai Tatars (a sub-group related to the Crimean Tatars).
    • Références eurasiennes au Kazakhstan contemporain - Fabrizio Vielmini p. 109-134 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La quête identitaire qui traverse les États privés du cadre organisationnel de l'Union soviétique s'est souvent manifestée au Kazakhstan par une manipulation diffuse du terme « Eurasie ». Le régime de Nazarbaev a sûrement utilisé l'idée d'un destin eurasiatique pour le pays afin de détourner les russophones de la rivalité croissante envers Moscou. Cependant, à travers la multiplicité des messages et des acteurs qui se réfèrent au terme Eurasie à l'intérieur de la société kazakhstanaise, on peut constater une volonté réelle d'intégrer les éléments bénéfiques de l'influence russe comme véhicule d'une identité européenne revendiquée par la majorité de l'intelligentsia locale. Ce sentiment s'alimente de l'incertitude qui prévaut ces dernières années quant à la position régionale du Kazakhstan dans l'espace de l'Asie intérieure, espace traditionnellement de transition, flottant entre des univers culturels différents. Autour des représentations eurasiatiques se développe ainsi une réflexion à propos de l'identité « civilisationnelle » du pays qui reste à étudier dans ses différentes expressions.
      References to Eurasia in contemporary Kazakhstan. – The quest for identity prevailing in the former Soviet republics has often shown itself in Kazakhstan in frequent use of the term Eurasia in various meanings. The idea of an Eurasian destiny for Kazakhstan was certainly aploy on the part of Nazarbaev's regime to divert the attention of Russian-speaking citizens from the country's increasing rivalry with Moscow. However, the multiplicity of opinions voiced and of people involved in the debate reveals a genuine willingness to integrate certain positive elements of Russian influence as vehicle of theEuropean identity claimed by most of the intelligentsia. This attitude is due to a general feeling of uncertainty which appeared over the last few years as to the place of Kazakhstan in the region – internal Asia –, a traditional crossroads between several cultures. Thus, the various representations of Eurasia are at the center of a thinking process about the “civilizational” identity of the country whose various aspects need to be studied.
    • De l'abus de l'historiographie - Francine-Dominique Liechtenhan p. 135-150 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Jusqu'au règne de Pierre le Grand, les « spécialistes » de la Moscovie se référaient à une histoire aléatoire du pays, empreinte de références légendaires ou bibliques, pour marginaliser les Russes, voire les exclure du système des nations européennes. Les philosophes des Lumières profitèrent de ce manque d'informations pour inventer le mythe d'une Russie modèle du Progrès et de la Raison ; afin de rehausser l'oeuvre du grand homme, on coupa la Russie moderne de ses racines moscovites. L'appel d'historiens comme Schlözer, soucieux d'exploiter et de classer des sources nouvelles afin de rédiger une « vraie » histoire de Russie, tomba rapidement dans l'oubli. Après 1789, partir en Russie relevait d'une attitude politique (quête d'un appui contre les idéaux révolutionnaires ou justification de la Terreur par la dénonciation de l'autocratie) ; on redécouvrit les textes sur la Moscovie, on y puisa des arguments majeurs pour ou contre ce pays, mais jamais neutres.
      Historiographical abuse. Approaches to the history of Russia from Herberstein to Custine. – Until the reign of Peter the Great, “specialists” of Muscovy relied on an obscure history of the country rife with legends and biblical references. Their intent was to marginalize Russians, even to leave them out of the system of European nations. Philosophers of the Age of Enlightenment took advantage of this lack of information and invented the myth of Russia as a model of Reason and Progress. In order to enhance Peter's achievements, they cut off modern Russia from its Muscovite roots. Historians such as Schlözer who called for classifying and exploiting new sources in order to write a “real” history of Russia went unheeded. Going to Russia after 1789 was a political statement: one was either seeking support against revolutionary ideals or trying to justify the French Terror by denouncing autocracy. Texts on Muscovy were rediscovered and used as a source of major arguments in favor of or against the country, and not for an objective study.
    • La Russie en 1839 du marquis de Custine et ses sources contemporaines - Vera Milchina p. 151-164 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Pendant de longues années on a présenté Astolphe de Custine surtout comme un prophète de l'antisoviétisme avant la lettre et l'analyse impartiale de son livre sur la Russie en tant que document historique était presque impossible. Plus tard, les chercheurs français ont replacé La Russie en 1839 dans son contexte historique et ont indiqué quelques-unes des sources de l'ouvrage. Pourtant ces sources se sont limitées aux travaux sur la Russie antérieurs à celui de Custine. Le but du présent article est de montrer ce que la vision custinienne de la Russie doit à la presse française de l'époque et aux contacts avec le fin connaisseur de la vie russe que fut l'ambassadeur de France en Russie, le baron de Barante. Comme Custine lui-même l'indique plusieurs fois, tant dans son livre que dans sa correspondance privée, il a très peu fréquenté les nobles russes et sa connaissance de certains faits et rumeurs de la vie russe a toujours intrigué les chercheurs ; nous essayons de montrer que Custine tirait cette information des journaux parisiens et des récits de Barante.
      Contemporary sources of Custine's “Russia in 1839”. – Astolphe de Custine has long been considered a prophet of anti-Sovietism before its time, and making an impartial analysis of his book on Russia as an historical document has been next to impossible. At one point, French scholars placed Russia in 1839 in its historical context and cited some of the work's sources, but these antedate Custine's work. This article aims at showing what Custine's vision of Russia owes to the French press of the time and to his contacts with the Baron de Barante, the French ambassador to Russia, a fine connoisseur of Russian life. As Custine himself stated both in his book and private correspondence, he had very few contacts with Russian aristocrats, so that his knowledge of certain facts and rumors about Russian life has always puzzled researchers. Our purpose is to demonstrate that Custine gathered his information from Parisian newspapers and Barante's travel accounts.
  • Nouvelles sources

    • Le rapatriement des citoyens soviétiques à partir de la France et des zones d'occupation françaises en Allemagne et en Autriche - Pavel M. Polian p. 165-190 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En comparaison avec le rapatriement des citoyens soviétiques depuis l'Angleterre et les États-Unis et leurs zones d'occupation, celui qui eut lieu depuis la France et les zones françaises d'occupation en Allemagne et en Autriche après la guerre est un sujet de recherche trop peu exploré. Le présent article se consacre à cette question dans un contexte historique élargi sur la base de sources connues et inédites provenant des archives russes, françaises et allemandes.
      The repatriation of Soviet citizens from France and its occupation zones in Germany and Austria. – In comparison to the repatriation of Soviet citizens that took place from the United Kingdom, the United States and their occupation zones, little attention has been devoted to that which took place from France and its occupation zones in Germany and Austria. This article deals with this problem in a larger historical context, using known documents as well as unpublished ones from Russian, French and German archives.