Contenu du sommaire : La Russie, une puissance faible ?
Revue | Politique étrangère |
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Numéro | no 2, été 2015 |
Titre du numéro | La Russie, une puissance faible ? |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - p. 6-8
Dossier
- La Russie, une puissance révisionniste ? - Fiodor Loukianov, Boris Samkov p. 11-24 Du raid sur Pristina (1999) à la mainmise sur la Crimée (2014), Moscou entend montrer qu'elle ne se résigne pas à être une puissance de second rang se ralliant à des règles définies par d'autres. Mais cette réaction témoigne moins d'un prurit expansionniste que de la difficulté de la Russie à se définir soi-même, à se constituer en nation. Le pays cherche en réalité aujourd'hui à s'isoler comme objet politique, et le révisionnisme de Moscou s'applique d'abord et avant tout à la Russie.From the incident at Pristina airport (1999) to the annexation of Crimea (2014), Moscow is trying to demonstrate that it will not abide by rules set by others, nor resign itself to the place of a second-tier power. Beyond an expansionist itch, this reaction displays Russia's difficulty in defining itself and constituting a nation unto itself. In reality, the country is trying to isolate itself as a political entity; Moscow's revisionism is aimed, first and foremost, at Russia.
- Russie : de la « grande stratégie » à la « guerre limitée » - Thomas Gomart p. 25-38 Au service d'une « grande stratégie », Moscou dispose d'abord de l'arme énergétique : mais l'effondrement des cours du pétrole et le conflit avec l'Ukraine la relativisent fortement. La dimension militaire, traditionnelle, est aujourd'hui limitée à la capacité de mener de « petites guerres » localisées. Reste la volonté d'ériger la Russie en puissance de valeurs contestant la primauté occidentale. Moscou joue ses cartes, mais il s'agit des cartes d'une puissance faible.To implement the “grand strategy”, Moscow's strongest card is the energy weapon. However, the fall in oil prices and the conflict in Ukraine have brought things sharply into perspective. The traditional military dimension of the army is currently resigned to waging “limited wars” in localized areas. In addition, there remains Russia's desire to establish itself as a “moral” power, challenging the West's dominance. Moscow is playing its cards, but it holds a weak hand.
- La logique non économique de Vladimir Poutine - Ioulia Joutchkova, Vladislav Inozemtsev p. 39-51 La crise économique russe ne découle pas des décisions occidentales suite au conflit russo-ukrainien. Cette crise était prévue et annoncée. Mais les dirigeants russes ont préféré la traiter politiquement, en cherchant à cristalliser l'opinion intérieure contre « l'agression » de l'Occident. Il est peu probable que cette opinion se retourne à court terme. La rhétorique nationaliste et l'agressivité extérieure vont continuer à camoufler de sérieuses difficultés économiques.Russia's economic crisis was not caused by decisions taken by the West following the Russia-Ukraine conflict. It was predicted and widely mediatized. However, Russian leaders preferred to handle it politically, and use it to intensify internal public opinion against the West's “aggression”. Unfortunately, it is unlikely that this opinion will turn around in the short term. Nationalist rhetoric and external belligerence will continue to mask serious economic difficulties.
- Le système Poutine : bâti pour durer ? - Tatiana Kastouéva-Jean p. 53-65 L'annexion de la Crimée et la crise ukrainienne ont permis à Vladimir Poutine d'incarner de nouveau une Russie dominante, autour de valeurs conservatrices rassemblant la nation. Le système politique se crispe en jouant l'opposition vis-à-vis de l'extérieur. L'économie est en crise, mais la population reste encore relativement épargnée. Pour le régime, le danger n'est pas la formation d'une opposition politique, mais l'aggravation de la situation économique, en particulier dans les régions.The annexation of Crimea and the Ukraine crisis have enabled Vladimir Putin once again to put on a display of Russian dominance, uniting the nation around core conservative values. Tension is rising within Russia's political system as it defines itself in opposition to the rest of the world. The economy is in crisis, but the general population has been relatively spared. The danger for the regime is not so much the formation of a political opposition, but rather the deterioration of the economic situation, particularly in rural areas.
- La Russie, une puissance révisionniste ? - Fiodor Loukianov, Boris Samkov p. 11-24
Contrechamps
- Climat : l'injustice faite au Sud - Sunita Narain, Valentine Deville-Fradin p. 69-81 Alors que le réchauffement climatique produit déjà des effets délétères, les négociations sur le climat ont jusqu'à présent largement échoué. Si tous les États doivent faire des efforts, les pays riches ont une obligation morale de montrer l'exemple : ils sont en grande partie responsables du stock de CO2 présent dans l'atmosphère, et les pays du Sud ont aussi le droit de se développer. En d'autres termes, la notion d'équité doit être mise au cœur de la Conférence de Paris.While climate change is already producing devastating effects, climate negotiations so far have been largely unsuccessful. Although each country must make an effort, richer countries have a moral obligation to lead by example since they carry more responsibility for the amount of CO2 currently present in the atmosphere, and because the countries in the south also have the right to develop. In other words, the notion of fairness should be at the heart of the Paris conference.
- COP21 : quelles chances de succès ? - Christian de Perthuis, Raphaël Trotignon p. 83-95 Depuis la Conférence de Copenhague en 2009, la négociation climatique internationale fait du surplace. Elle ne pourrait être débloquée qu'en mettant au cœur des discussions la question de la tarification internationale du carbone. Dans l'économie mondialisée, les décisions se prennent en fonction des prix qui expriment des valeurs sur les marchés. La protection du climat y compte pour zéro. Le principal enjeu des négociations est l'introduction d'une nouvelle valeur, celle que nous accordons collectivement à la protection du climat, dans l'économie mondiale.Since Copenhagen, negotiations have been in stalemate. Progress can only be made if there is a significant attempt to create a transnational carbon market. In a globalised economy, decisions are made based on price indications and market values. Climate protection by itself does not figure in this calendar. The Paris conference must therefore bring economic incentives and international carbon pricing to the center of discussions.
- Climat : l'injustice faite au Sud - Sunita Narain, Valentine Deville-Fradin p. 69-81
Actualités
- Les enjeux du chaos libyen - Archibald Gallet p. 99-111 Clivages géographiques, ethniques, économiques, religieux, dessinent une Libye en plein chaos, disputée par deux gouvernements soutenus par des milices en compétition pour la manne pétrolière. L'installation du djihadisme, le développement de contrebandes multiples, l'exploitation des flux migratoires, sont autant de facteurs qui imposent le désordre libyen comme un enjeu régional décisif. Si les dirigeants politiques libyens semblent s'accommoder de cet état de fait, les États européens sont ici en première ligne.Libya is in chaos, divided by geographic, ethnic, economic, and religious rifts, with two militia supported governments, each trying to take control of the country's oil fields. The establishment of jihadist activity in the country, the development of many types of trafficking, and the exploitation of displaced, migrating populations, are just some of the factors that mean Libya's state of disorder is becoming a significant regional issue. Libyan politicians seem to recognize the state of play, and European states are on the front line.
- Israël-Hezbollah : la nouvelle équation stratégique - Jean-Loup Samaan p. 113-123 Après la guerre de l'été 2006 entre Israël et le Hezbollah, une logique de dissuasion s'est établie entre ces deux acteurs. Les crises sporadiques ont ainsi été contenues et n'ont pas évolué vers des affrontements de grande ampleur. L'engagement du Hezbollah dans la guerre civile syrienne change néanmoins la donne. Il paraît désormais impossible de séparer les théâtres libanais et syrien, et la tension monte sur le plateau du Golan. Un embrasement régional ne peut être exclu.After the war between Israel and Hezbollah during the summer of 2006, a deterrence strategy was established between the two parties. Occasional subsequent crises have thereby been contained and have been prevented from escalating into extensive confrontations. However, Hezbollah's involvement in the Syrian civil war changes things. It seems impossible to separate events in Lebanon and Syria, and tension is rising on the Golan Heights. The possibility of a regional confrontation should not be disregarded.
- Défaire Daech : une guerre tant financière que militaire - Myriam Benraad p. 125-135 L'État islamique dispose de revenus importants tirés notamment de sa prise de contrôle de banques, de sa maîtrise des réseaux de contrebande, en particulier d'hydrocarbures, et de soutiens externes. Cependant, son projet politico-militaire lui coûte cher : il doit payer des milliers de combattants et administrer les territoires qu'il contrôle. Pour s'assurer de nouvelles sources de revenus, il cherche à se lancer dans d'autres conquêtes, au-delà de l'Irak et de la Syrie.The Islamic State has considerable income, mostly from taking control of banks; managing trafficking networks – particularly hydrocarbons – and from external support. However, its politico-military ambitions are expensive: it has to pay thousands of fighters and govern the territories under its control. In order to secure new revenue sources, it is seeking ways to get involved in new areas beyond Iraq and Syria.
- Soudan du Sud : de l'État en faillite à l'État chaotique - Marc-André Lagrange p. 137-145 Le Soudan du Sud n'est encore ni un État ni une nation. Déchiré par les rivalités ethniques, divisé entre conceptions diverses de l'organisation de l'État, il ne connaît que la guerre comme moyen de dialogue politique. La gestion de la question pétrolière par les actuels dirigeants a été catastrophique, conduisant le pays à une quasi banqueroute, et touchant gravement le Soudan lui-même. Le Soudan du Sud devient ainsi un élément préoccupant de déstabilisation pour toute la région.South Sudan is still neither a state nor a nation. Torn apart by ethnic rivalries, divided between diverging ideas about state organization, its only means of political dialogue is war. Current leaders' management of the territory's oil was catastrophic, almost spelling bankruptcy and seriously effecting Sudan too. South Sudan's situation is becoming a worrying issue for the entire region.
- Boko Haram, une exception dans la mouvance djihadiste ? - Marc-Antoine Pérouse de Montclos p. 147-158 Boko Haram, créé vers 2002 et dirigé depuis 2010 par Abubakar Shekau, demeure un groupe mal connu. Tantôt qualifié de secte, de mouvement insurrectionnel, d'organisation terroriste ou djihadiste, il prospère dans un pays où pauvreté et corruption font des ravages. Les populations locales sont prises entre deux feux : d'un côté, Boko Haram brûle des villages et kidnappe des jeunes filles ; de l'autre, l'armée nigériane applique des méthodes brutales qui ne font qu'empirer la situation.The Islamic State has considerable income, mostly from taking control of banks; managing trafficking networks – particularly hydrocarbons – and from external support. However, its politico-military ambitions are expensive: it has to pay thousands of fighters and govern the territories under its control. In order to secure new revenue sources, it is seeking ways to get involved in new areas beyond Iraq and Syria.
- Les enjeux du chaos libyen - Archibald Gallet p. 99-111
Repères
- Le concept de risque pays - Norbert Gaillard p. 161-172 L'expression « risque pays » a émergé dans les années 1960 aux États-Unis. Son acception a évolué au fil du temps, sans qu'une définition ne s'impose véritablement. Parfois confondu avec le risque souverain, le risque pays est en réalité plus large : il englobe par exemple les risques sociaux ou climatiques. Différents acteurs – agences spécialisées, banques, etc. – cherchent à évaluer le risque pays, mais les résultats obtenus varient sensiblement selon la méthodologie employée.The expression “country risk” emerged in the United States in the 1960s. Its meaning has evolved over time, without any definition ever really being settled on. It is sometimes confused with sovereign risk, but country risk is, in fact, a broader concept; it encompasses social and environmental risks too, for example. Various players – specialist agencies, banks, etc. – endeavor to evaluate country risk; however, results vary considerably depending on the methodology used.
- Terrorisme et contre-radicalisation : le modèle danois - Lars Erslev Andersen p. 173-183 Le terrorisme n'a frappé que deux fois au Danemark au cours des 30 dernières années : en 1985 et en 2015. D'autres attaques ont été déjouées, notamment contre les dessinateurs ayant publié des caricatures du prophète Mahomet dans le Jyllands-Posten. Pour faire face au terrorisme, le Danemark a été à l'avant-garde du développement de programmes de contre-radicalisation. Il n'est toutefois pas certain que ces programmes soient efficaces. Ils pourraient même être contre-productifs.There have only been two terrorist attacks in Denmark over the last thirty years: in 1985 and 2015. Other attacks have been prevented, notably those planned against the illustrators whose drawings of the prophet Mohammed were published in Jyllands-Posten. In dealing with terrorism, Denmark has been at the forefront of developing counter-radicalization programs. Nevertheless, it is not clear whether these programs are actually useful. It may even be that they are counter-productive.
- Le concept de risque pays - Norbert Gaillard p. 161-172
Lectures
- Le piège Daech. L'État islamique ou le retour de l'Histoire ; Le retour des djihadistes. Aux racines de l'État islamique - Myriam Benraad p. 186-188
- Lectures - p. 189-219