Contenu du sommaire : Guerres civiles
Revue | Clio : Histoires, femmes et société |
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Numéro | no 5, 1997 |
Titre du numéro | Guerres civiles |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- « & les femmes : que sait-on d'elles ? » (G. Duby, 1981) - Michelle PERROT
- Des guerres innommables - Catherine MARAND-FOUQUET
Dossier
- La guerre dans la famille - Nicole LORAUX L'étude porte sur la façon dont les Athéniens de l'époque classique ont pensé la guerre civile avec comme référence obligée l'affrontement entre oligarques et démocrates qui a déchiré leur cité à la fin du Ve siècle. Leur réflexion, comme en témoignent les syntagmes utilisés, est ambivalente. Lorsque la cité est conçue comme un phulon (la souche, la lignée), donc comme un groupe clos, la guerre civile est nommée en tant que telle : c'est la stasis emphylos, un affrontement interne engendré par la cité elle-même. Lorsque l'oikos (la maison, la famille) sert de support à la représentation de la cité assimilée au groupe des oikeioi (un signifiant qui oscille entre parents et intimes), le terme stasis est évité, au profit de polemos, le terme traditionnellement réservé à l'affrontement avec l'étranger. La guerre civile devient un oikeios polemos, une guerre à l'intérieur de la famille, une guerre à l'horizon de laquelle se profile une fête de la réconciliation. Faut-il en conclure que pour conjurer la guerre civile, il n'y a pas d'arme idéologique plus efficace que l'appel à la famille et à la parenté civique ? Au lendemain des affrontements sanglants de la fin du Ve siècle, l'imaginaire politique, nourri par le mythe de l'autochtonie (Erichthonios, le fondateur de la cité, est né de la terre et tous les Athéniens sont autochtones par hérédité), développe l'idée d'une parenté généralisée, unissant entre eux tous les citoyens. Il va de soi, même si le but recherché n'a jamais été exprimé, qu'une telle représentation est censée prévenir les risques de guerre civile.This study bears upon the way that Athenians of the Classicial period thought about civil war with, as an obligatory reference, the confrontation between oligarchs and democrats which rent their city at the end of the Vth century. Their thought, as the syntagmes used show, was ambivalent. When the city was conceived of as a phulon (stock, line), thus as a closed group, civil war was named directly : it was stasis emphylos, an internal face to face engendered by the city itself. When oikos (house, family) served as support for the representation of the city assimilated to the group of the oikeoi (a significant which oscillated from parents to intimates), the term stasis was avoided in favor of polemos, the word traditionally reserved for foreign confrontations. Civil war became an oikeios polemos, an internal family war, a war at the end of which a festival of reconciliation was possible. Is it necessary to conclude that to avert civil war, there was no better ideological weapon than appeal to family and civil affinites ? After the bloody incidents of the end of the Vth century, political imagination, nourished by the myth of « autochtony » (Erichthonios, the founder of the city, was born from the earth and all Athenians were authoctons by heredity), developped the idea of a general kinship relationship, linking together all citizens. It is clear that, even if the goal was never stated, such a representation was supposed to avert the risks of civil war.
- Des femmes dans leurs rôles : pour une relecture des guerres civiles à Rome (Ier siècle av. J.-C.) - Jean-Marie PAILLER Les femmes occupent dans les récits des guerres civiles de Rome une place importante, parfois présentée sous un jour favorable. Le fait peut surprendre, dans une société aussi patriarcale et dans des récits tournés vers l'exaltation d'une tradition on ne peut plus virile. On y dénonce les aventurières, telle Sempronia, qui entourent, dans les troubles du Ier s. av. J.-C., les adversaires de la République, et au premier rang un Catilina. Mais l'« audace toute virile » qui leur est prêtée, si elle représente dans leur cas une perversion, une inversion des valeurs condamnée sans réserve, peut ailleurs se réclamer d'exemples plus nobles. Trois exemples positifs et plus ou moins légendaires (les Sabines, Lucrèce, Claudia Quinta), un contre-exemple historique (les Bacchantes) illustrent la manière dont les « rôles » féminins de la fin de la République s'adossent à une tradition aussi riche que nuancée. Finalement, si la femme sait se mettre au service de la famille et de la cité, sa capacité d'initiative représente une chance de salut pour tous. Tel est l'exemple proposé par la « matrone inconnue » dans l'éloge funèbre qu'a fait graver dans le marbre, au temps de Cicéron, un époux admiratif et reconnaissant.In the ancient accounts of the Civil Wars at Rome, an important space is devoted to the rôle played by women a rôle which, in some cases, is actually described as helpful. This may seem surprising, as we are dealing with a patriarcal society and with accounts which generally reflect and exalt a virile tradition. The authors denounce intriguing women, such as Sulpicia, who surround those who are threatening the Roman Republic, and among them, in the first place, Catilina. But their so-called uirilis audacia may well, in their case, represent a perversion, an inversion of social values which is entirely to be blamed ; it remains that in some other, different cases, such an audacious behaviour is actually based on more illustrious examples. Among them are examined those, more or less legendary, of the Sabine women, of Lucretia, of Claudia Quinta, and the counterexample of the historic Bacchantes. The four of them make clear the way in which the feminine roles, at the end of the Republic, rely upon a rich and diversified tradition. Finally, if Roman women decide to serve their city and family, their ability to take the initiative may prove very useful to every people around them. Such is the example of an unknown lady, whose memory is highly praised , by the time of Cicero, in a marble inscription composed with admiration by her grateful husband.
- Les femmes dans les « troubles » du XVIe siècle - Éliane VIENNOT La France a connu, dans la seconde moitié du XVIe siècle, près de quarante années de conflits civils et religieux, dans lesquels les femmes, toutes sortes de femmes, ont été très présentes. Comme cibles des crimes de guerre bien entendu, mais aussi comme comploteuses, comme espionnes, comme propagandistes, comme négociatrices des paix et même comme combattantes, à la défense des villes ou des châteaux, « pique à la main ». Cette activité des femmes, que soulignent toutes les sources, s'explique par divers phénomènes sociaux, politiques et culturels propres à la Renaissance notamment la vigueur du débat sur le rapport des femmes au pouvoir (la dernière guerre civile ayant divisé partisans et détracteurs de la loi salique). Histoire patente, passionnante, et pourtant effacée : absente des livres d'Histoire, éradiquée de la mémoire des Français. C'est qu'elle touche à la guerre, à la paix, à la violence, à la vie de la cité : au cœur de la domination masculine.In the second half of the XVIth century, France was rent by nearly forty years of civil and religious strife ; and during this time women, all sorts of women, were present on the scene. If they were of course passive victims of war crimes, they also actively engaged in plots, acted as spies, spread propaganda, and negotiated peace they even fought, defending cities and castles with spear in hand. Virtually all our historical sources emphasize female involvement, which must be understood in the social, political and cultural context specific to the Renaissance, notably against the backdrop of a heated debate on women and power (the final civil war creating a rift beween those who supported and those who opposed Salic Law). Although the history of female participation is palpable and fascinating, it has been erased from the records from history books and the memory of the French nation. For it concerns war, peace, violence and the lives of citizens, and is hence wedged in the heart of male domination.
- Femmes et guerre civile, l'exemple de la Vendée, 1793-1796 - Jean-Clément MARTIN Dans la situation de guerre civile créée pendant la Révolution française, les rapports hommes-femmes se détériorent. D'une part, la compétition politique ne profite en rien aux femmes, reléguées dans la sphère privée, à l'exception des femmes contre-révolutionnaires, dont l'action en faveur de leurs communautés ou de la religion devient un véritable moyen d'intervention politique. D'autre part, la compétition des pouvoirs libère l'agressivité contre les femmes, permettant que les femmes de la Contre-Révolution ou habitant dans les zones les moins contrôlées administrativement puissent être soumises au bon vouloir des troupes. La compréhension de cette réalité par le prisme de la guerre civile permet d'en restituer la complexité et d'ouvrir de nouvelles voies à l'histoire.During the French Revolution, the relations between men and women deteriorate for two reasons. First, women don't receive any political advantage, and are relegated in private sphere, except of counter-revolutionary women who fight for religious and communautarian sakes, and are politically repressed. Second, the struggle for powers gives way to men's aggressivity against counter-revolutionnary women, or against women living in areas out of national administration. Understanding this situation can be done better by highlighting the civil war point of view (competition for national power and lack of State), than accusing the revolution itself.
- Les Salvadoriennes et la guerre civile révolutionnaire - Jules FALQUET La guerre civile révolutionnaire au Salvador a fait irruption dans la vie des femmes et les a précipitées hors des cuisines. Si un certain nombre d'entre elles en ont profité pour bousculer leur destin séculaire, tenter de prendre en mains leur propre vie et l'avenir du pays en participant activement au projet révolutionnaire, beaucoup d'autres se sont contentées de subir, non sans héroïsme, la violence, la terreur et la misère supplémentaire produites par la guerre. La guerre n'a rien laissé intact, mais les rapports sociaux de sexes, particulièrement résistants, n'ont pas été modifiés radicalement. Ce n'est qu'avec le retour à la paix que, fortes de leur expérience acquise dans la lutte, des femmes ont véritablement pu commencer à lutter pour leurs propres besoins et rêves et à construire un fort mouvement de femmes qui s'oriente vers des positions féministes autonomes.The salvadorian revolutionnary civil war irrupted into women's lives and threw them out of the kitchens. Some of them took advantage of the situation to try to modificate their traditional destiny and take in their own hands their lives as well as the whole country's life, through active participation to the revolutionary project. But the majority of women only suffered in quite a undesired, even if heroical way, the violence, terror and additional misery produced by the war. The war caused very deep transformations in every aspect of personal, economical, social and political life, but the gender system, which is especially hard to tranform, didn't change that much. It is only in the peace time that women, strengthened by the experience they acquired in the struggle, have been able to start claiming for their own needs and dreams and to build a strong women's movement, heading towards autonomous feminist positions.
- La guerre dans la famille - Nicole LORAUX
Regards complémentaires
- La notion de guerre civile en question - Marie-Danielle DEMÉLAS-BOHY
- La « femme nouvelle » dans la propagande phalangiste - Marie-Aline BARRACHINA Dès le début de la Guerre civile, les insurgés ont besoin du concours des femmes de la Zone nationale. La Section féminine de la Phalange apparaît bientôt comme l'organisation la plus adéquate pour susciter la mobilisation féminine et pour la contrôler. La propagande diffusée auprès des militantes tend à fomenter un conditionnement idéologique susceptible à la fois :1) de justifier l'utilisation des compétences des femmes en temps de guerre sans entrer en contradiction avec l'idéal traditionnel de la femme au foyer,2) de garantir un retour volontaire — et militant — des femmes au foyer après la guerre.From the beginning of the Spanish civil war, the insurgents needed the help of the women from the national Zone. The Seccion Femenina of the Phalange seemed to be easily the most appropriate organisation to incite and control the mobilisation of women. The propaganda spread amongst the female militants aimed to foment an ideological conditioning in order to :1) justify the use of the women's skills during war time without contradicting the traditional idea of the housewife,2) guarantee a vonluntary — and militant— return of women to the home after the war.
- Le mythe de Dolorès Ibarruri - Yannick Ripa
Témoignages
- La journée du 8 mars 1965 à Alger - Catherine LEVY
- La purification ethnique et les viols systématiques. Ex-Yougoslavie 1991-1995 - Véronique NAHOUM-GRAPPE
Documents
- L'Epistre à la Reine de Christine de Pizan (1405) - Éric HICKS, Thérèse MOREAU
- Les femmes de la « Cause » - Danièle Bussy-Genevois
Varia
- Des esclaves pour la liberté sexuelle de leurs maîtres - Alessandro STELLA Le recours aux esclaves n'a pas eu seulement des motivations économiques, l'exploitation sexuelle aussi faisait partie des raisons esclavagistes. Dans le monde musulman et ses harem, certes, mais aussi chez les chrétiens. Depuis la mise en place par l'Eglise, au milieu du Moyen Age, du contrôle sexuel de ses fidèles, nombre de chrétiens trouvèrent dans la servante domestique, et en particulier dans l'esclave, l'échappatoire qu'ils désiraient. Le dossier florentin portant sur les derniers siècle du Moyen Age, et en particulier des correspondances privées, éclairent un sujet gardé secret. Les informations sérielles provenant de la Péninsule Ibérique, font apparaître l'ampleur d'un phénomène déjà connu pour les Amériques. Des législations différentes déterminaient le destin des enfants nés de ces unions ancillaires: le plus souvent abandonnés à Florence, vendus, affranchis ou gardés comme esclaves en Espagne.The use of slaves did not only stem from economic reasons, sexaul exploitation was another motive. In the muslim world with it's harems, naturally, but also amongst christians. Since the sexual control of the faithful christians found in their servants and in particular in their slaves, the outlet they were looking for. Florentine documents, concerned with the last centuries of the Middle Ages, and in particular private correspondence, clarified a subject previously kept secret. Information coming from the Iberian Peninsula shows the size of this phenomenon already known to have existed in the Americas. Different legislation determined the destiny of children born from these illegitimate unions, who were frequently abandoned in Florence, sold; freed or kept as slaves in Spain.
- « L'or enfoui » - Frédérique VERRIER
- De filles en mères. La seconde vague du féminisme et la maternité - Sabine FORTINO À partir des principaux résultats d'une recherche sociologique réalisée en 1992, l'auteur montre dans ce texte quelles furent les pratiques et les théories du mouvement féministe français contemporain à l'égard des thèmes de la maternité et de l'éducation. En utilisant deux catégories de sources la presse de ce mouvement social et les témoignages actuels des militantes-, l'auteur conclut à la faible prise en compte de ces deux thèmes par les féministes, un silence qu'elle explique par des raisons tout à la fois sociologiques (le statut social dominant des militantes), historiques (l'absence de transmission d'une génération de féministes à une autre) et idéologiques (la croyance en une libération immédiate des femmes). Puis elle révèle quelques-unes des pratiques pédagogiques que, en dépit d'un tel contexte, des militantes mères de petites filles et de petits garçons ont tenté d'élaborer et de mettre en pratique durant la même période (1970-1980).Taking as her starting-point the main results of sociological research carried out in 1992, the author presents us in this text with what she considers to be the theories and practices of the feminist movement at that time, regarding maternity and education. Using two distinct categories of source information namely, press coverage of this social movement and actual evidence given by certain militant feminists , the author concludes that little importance has been attached to these two themes, even by the feminists themselves ; their silence in these matters she explains by sociological (the social status of the militants), historical (the lack of transmission from one generation of feminists to the next) and ideological reasons (the belief in an immediate liberation of women). Then she reveals some of the individual teaching methods which, in spite of the difficult context, certain militant mothers of young boys and girls tried to put into practice during that same period (1970-1980).
- Des esclaves pour la liberté sexuelle de leurs maîtres - Alessandro STELLA
CLIO a lu
- Claudio PAVONE, Una guerra civile. Saggio storico sulla moralità nella resistenza, Bollati-Boringhieri, 1991, XIV + 825 p. - Maya ROSENGERGER
- Michel de MANASSEIN (dir.), De l'égalité des sexes, préface d'Elisabeth Roudinesco et Michel de Manassein, Paris, Centre national de documentation pédagogique, 1995, 317 p. - Florence ROCHEFORT
- Ilse LENZ, Anja SZYPULSKI, Beate MOLSICH (Hrsg.), Frauenbewegungen international. Eine Arbeitsbibliographie, Opladen, Leske + Budrich, 1996, 234 p. - Christine BARD
- Josefa AMAR Y BORBON, Discurso sobre la educación física y moral de las mujeres [Discours sur l'éducation physique et morale des femmes]. Édition de Mª Victoria Lopez-Cordon. Madrid, Ediciones Cátedra de Valencia, Universitat de Valencia, Instituto - Mónica BOLUFER-PERUGA
- Démocratie et représentation, sous la responsabilité de Michèle Riot-Sarcey, Éditions Kimè, 1995, 282 p. (Actes du colloque d'Albi, 19-20 novembre 1994) ; La Démocratie « à la française » ou les femmes indésirables, sous la direction d'Éli - Mathilde Dubesset
- Julia Pirotte, une photographe dans la Résistance, Musée de la photographie, Charleroi, 1994 ; Sandrine SUCHON, Résistance et Liberté. Dieulefit 1940-1944, Die, éditions A Die, 1994. - Françoise Thébaud