Contenu du sommaire : Savoirs appris, savoirs réfléchis

Revue Moussons : Recherche en Sciences Humaines sur l'Asie du Sud-Est Mir@bel
Numéro no 23, 2014
Titre du numéro Savoirs appris, savoirs réfléchis
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
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  • Articles

    • Savoirs appris, savoirs réfléchis - Natacha Collomb p. 7-20 accès libre
    • The Bird in the Corner of the Painting: Some Problems with the Use of Buddhist Texts to Study Buddhist Ornamental Art in Thailand - Justin McDaniel p. 21-53 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En dépit de l'omniprésence des ornements et des éléments décoratifs dans les monastères de Thaïlande, les ornements comme forme d'art ont été quasiment ignorés à la faveur de l'étude des arts et de la littérature narrative et didactique. Dans cet article, j'aborde le sujet des ornements de temples (en me concentrant principalement sur l'usage des oiseaux décoratifs) dans le bouddhisme thaï à travers le prisme de la théorie de l'affect. Les spécialistes de cette approche insistent sur le fait qu'étudier les affects, c'est étudier « l'accumulation des à-côtés ». C'est l'étude de l'accumulation des rencontres. Les sens accumulent constamment des images, des sensations, des odeurs et des sons. Le savoir est lentement accumulé sous la forme d'impressions non discursives. L'intérêt ne porte pas sur l'apprentissage systématique des faits, dates, titres, termes, séquences narratives, standards éthiques et progressions logiques, mais sur la « capacité du corps à affecter et à être affecté ». Les oiseaux sont si présents dans les histoires, les peintures murales, les manuscrits enluminés, le théâtre dansé, les bijoux et les éléments décoratifs des vêtements et de l'architecture des temples bouddhiques, qu'on peut les décrire, comme le rituel ou la musique, comme des rencontres affectives répétitives dont on fait l'expérience dans la culture populaire bouddhiste. J'affirme ici que ces rencontres affectives, parce qu'elles sont plus accessibles et répandues, sont aussi, sinon plus, fondamentales dans l'apprentissage par les Bouddhistes de la manière d'être bouddhiste que les arguments éthiques, les traités philosophiques et les formules doctrinales.
      Despite the prevalence of ornament and decoration in Buddhist monasteries in Thailand, as an art form, ornament has been almost entirely ignored in favor of the study of narrative and didactic art and literature. In this paper, I approach the subject of temple ornament (focusing primarily on the use of decorative birds) in Thai Buddhism through the lens of Affect Theory. As scholars of this approach emphasize that to study affect is to study “of accumulative beside-ness.” It is the study of accumulation of encounters. The senses accumulate images, feelings, scents, and sounds constantly. It is the slow accretion of knowledge in the form of non-discursive impressions. It is not the systematic learning of facts, dates, titles, terms, narrative sequences, ethical standards, and logical progressions, but the body's “capacity to affect and be affected.” Birds are so common in Buddhist stories, murals, illuminated manuscripts, dance dramas and comedies, jewelry, and decorative parts of clothing and temple architecture that they become, like ritual and music, repetitious affective encounters experienced in Buddhist popular culture. I assert that these affective encounters are as fundamental, if not more fundamental, to the ways Buddhists learn to be Buddhists, because they are more accessible and common, than ethical arguments, philosophical treatises, and doctrinal formulations.
    • Quel est le contenant des savoirs ? Réflexions d'après les modes d'apprentissage javanais - Jean-Marc de Grave p. 55-79 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Quel intérêt peut-il y avoir à étudier les processus de reconduction des savoirs et des savoir-faire ? Quelle forme prend cette reconduction ? En m'appuyant sur différentes pratiques javanaises liées à des contextes rituels, séculiers et scolaires, je propose ici d'élaborer une réflexion sur les modes de transmission concernés dans leurs rapports aux contenus d'apprentissage, ainsi que sur la circulation et l'adaptabilité de ces savoirs et savoir-faire dans leurs rapports à la cohérence sociale. L'analyse montre notamment que – quel que soit le contenu transmis – participer aux activités, c'est s'approprier un savoir(-faire), mais c'est aussi s'intégrer à un groupe tout en intégrant les valeurs et l'espace-temps contextuels. Le point nodal qu'expriment les exemples donnés pose la question de savoir si le contenu justifie le mode de transmission ou si ce dernier s'appuie sur un contenu qu'il domine à l'insu d'une partie des responsables qui ne distinguent plus les dimensions sociale et socialisante en jeu.
      What is the interest of studying the process of renewal of knowledge and know-how? What form does this renewal take? Drawing on various practices related to Javanese ritual, secular and schooling contexts, I propose to develop a reflection on the relationship of the concerned transmission systems with learning content, and also on the circulation and adaptability of this knowledge and know-how in their relationship with social coherence. The analysis shows in particular that — regardless of the content transmitted — to participate in activities implies the mastering of skills and expertise, but also implies being part of a group while integrating both contextual space-time and values. The nodal point expressed by the examples of the text raises the question of whether the content justifies the mode of transmission or, conversely, if the mode of transmission dominates the content, unbeknownst to some of the teachers or officials who can no longer distinguish the social and socializing dimensions involved.
    • Expériences des mondes spirituels et savoirs en Birmanie : la place de l'ethnographe - Bénédicte Brac de la Perrière p. 81-99 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La transposition d'un domaine de pratiques en savoir constitué pose des problèmes spécifiques à l'ethnographe lorsque ces pratiques ont pour fondement l'expérience du monde spirituel. Comment peut-on observer une expérience dite spirituelle, peut-elle faire l'objet d'un savoir ethnographique ? À partir de deux exemples contrastés tirés du terrain birman, celui de la possession d'esprit et celui du bouddhisme ésotérique, j'essaierai de montrer que l'observateur se trouve dans tous les cas pris dans la situation observée (cf. les travaux de Jeanne Favret-Saada sur cette question) et que la connaissance de ces expériences suppose l'analyse des interactions entre ethnographe et ethnographiés.
      Transposing a field of practices into a constituted knowledge is highly problematic for the ethnographer observing practices founded on the experience of the spiritual world. How can a so-called spiritual experience be observed? How can it be transformed into an ethnographical knowledge? Drawing on two contrasted cases issued from my fieldwork in Burma, spirit possession and esoteric Buddhism, I will try to show that, in any case, the observer finds himself caught in the observed situation (see Jeanne Favret-Saada on this subject) and that in order to construct knowledge about these experiences, it is necessary to analyse the interactions between the ethnographer and the ethnographees.
    • Le chercheur et son filon… Une richesse à partager ? Production et circulation de savoirs : usages et valeurs d'un manuscrit arakanais (Birmanie) - Alexandra de Mersan p. 101-118 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Apprenant que je travaillais sur les divinités tutélaires, l'historien Jacques Leider portait à ma connaissance un ancien manuscrit du fonds indochinois de la Bibliothèque Nationale à Paris. Celui-ci décrit la fondation de villages après la reconquête de cette région par le roi d'Arakan au début du XVème siècle, selon un processus qui recourt à des savoirs et à des pratiques diversifiées (divination, rites magico religieux, lectures de signes, culte aux esprits, etc.), révélant une conception originale du territoire. L'article porte sur les conditions de production et sur l'usage de ce type de sources, plus largement des productions locales, dans la constitution du savoir de l'anthropologue et la restitution de celui-ci. En l'occurrence, c'est plutôt d'usages au pluriel dont il est question. Partant d'une réflexion nourrie au fil de travaux sur les productions contemporaines, il décrit ensuite le contenu du manuscrit, les thèmes qu'il soulève, et ce que ce texte - tant outil que matériau -révèle des valeurs, pratiques et représentations de la société étudiée. Enfin, sont présentés les filons suivis et exploités et la question plus large que cela pose sur la valeur donnée au document par le chercheur.
      Learning that I was working on Arakanese tutelary divinities, the historian Jacques Leider kindly introduced me to an ancient manuscript in the Indochinese collection (Fonds Indochinois) of the National Library in Paris. This manuscript describes the foundation of villages subsequent to the region's re-conquest by the King of Arakan at the beginning of the fifteenth century through a process, which called on a diverse range of practices (divinatory, magic and religious, the reading of omens, spirit cults, and so on), which in turn revealed an original conception of territory. The article deals with the conditions of the manuscript's elaboration and the exploitation of vernacular sources of this type, and more generally of locally produced documents, in establishing the anthropologist's fund of knowledge and one's subsequent use of it. In this case, it is sooner a question of multiple uses. Starting from an analysis based on extensive research that focused on contemporary documents, the article describes the contents of the manuscript, themes and questions raised, and what it reveals about values, practices and representations of the society under review. Finally, the different seams that were followed and mined are described, and the broader question that arises of the “value” the scholar accords to a given document is discussed.
    • Du concept de fait et des effets des concepts. Réflexions sur les conditions d'une heuristique de la description - Gilles Deles p. 119-139 accès libre
  • Note

    • Alexandre de Rhodes a-t-il inventé le quốc ngữ ? - Alain Guillemin p. 141-157 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Alexandre de Rhodes fut longtemps considéré comme l'inventeur du quốc ngữ, l'écriture romanisée de la langue vietnamienne. Nous savons maintenant qu'il ne fut que l'un des jalons essentiels de l'entreprise d'étude des langues impulsée par les missionnaires. Jusqu'au début du xxe siècle, c'est à ces derniers que l'on doit l'essentiel des grammaires, des lexiques et des dictionnaires. Le quốc ngữ, d'abord considéré avec méfiance par les Vietnamiens, fut ensuite adapté et diffusé par les nationalistes. Le quốc ngữ est désormais l'écriture officielle du Viêt Nam.
      Alexandre de Rhodes was not the inventor of quốc ngữ, latin alphabet used for the transcription of Vietnamese language. Now, we know that he was meanwhile an inescapable link of the chain of the missionaries who studied vietnamese. Until the beginning of 20th century, these missionaries wrote the most of books of grammar, glossaries and dictionaries between Vietnamese and foreign languages. At first, the Vietnamese did not wish to use latin alphabet. But, soon as the beginning of the 20th century, Vietnamese nationalists utilized and diffuse quốc ngữ. In present days, quốc ngữ is the official graphy of Vietnam.
  • Comptes rendus