Contenu du sommaire : Vieillissement et prolongation de la vie, XVIe-XVIIIe siècle
Revue | Astérion |
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Numéro | no 8, 2011 |
Titre du numéro | Vieillissement et prolongation de la vie, XVIe-XVIIIe siècle |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Vieillissement et prolongation de la vie, XVIe-XVIIIe siècles
- Présentation - Claire Crignon-De Oliveira, Dominique Weber
- Prolonger la vie : les attrayantes promesses des alchimistes - Bernard Joly Il ne va pas de soi que l'alchimie, science du perfectionnement des métaux, se soit intéressée à la prolongation de la vie. C'est en fait à la faveur des ambiguïtés lexicales et conceptuelles liées aux termes désignant les substances chimiques que s'est effectué dans l'alchimie arabe un rapprochement entre la perfection des métaux et la guérison des êtres vivants. La doctrine de la quintessence de Rupescissa, puis les théories de Paracelse achèveront cette évolution qui donne à l'alchimie sa double dimension, chimique et médicale, rationnelle et mythique.
- La prolongation de la vie humaine selon Francis Bacon. Ou : quel Tithon voulons-nous être ? - Dominique Weber Afin de comprendre avec exactitude la manière dont Francis Bacon envisage la question de la prolongation de la vie humaine, il faut impérativement examiner l'assise théologique de la réflexion du philosophe à ce sujet. Il convient aussi de restituer l'intégration de cette réflexion dans les objectifs plus amples de la philosophie naturelle nouvelle. Enfin, il est nécessaire de comprendre les dimensions proprement morales de la question. Car la prolongation de la vie humaine n'est pas seulement, au sein de la philosophie naturelle nouvelle, un cas parmi d'autres des recherches qu'il faut désormais effectuer : en réalité, c'est elle qui lui donne et qui lui fixe son sens ; avec elle se joue l'effectivité de l'identité espérée entre science et puissance. Mais il faut encore préciser qu'il ne s'agit aucunement pour l'homme de vieillir pour vieillir : il s'agit pour lui de pouvoir vieillir bien. Les leçons que Bacon tire de la fable de Tithon sont ici véritablement décisives.
- Peut-on s'exempter de vieillir ? L'apport cartésien - Delphine Kolesnik-Antoine La revendication de la capacité de la science mécaniste nouvelle à prolonger la vie, dans des proportions dont on s'est souvent complu à exhiber le caractère irrationnel, est plus complexe qu'il n'y paraît. L'étude du détail des textes de Descartes, en particulier de la correspondance, montre ainsi que ce n'est pas d'abord l'étude de la médecine, si parfaite et démonstrative soit-elle, qui peut fournir à l'homme les moyens de vivre mieux et plus longtemps. C'est, inversement, la mise au jour des pouvoirs de l'âme sur ses représentations, donc sur le corps auquel elle est jointe, qu'il faut privilégier. La problématique de la conservation de la santé se résout ainsi dans une éthique de la joie entée sur une psychophysiologie radicalement singulière.
- Peut-on vieillir sans médecins ? La réponse des auteurs de régimes de santé ou « conseils pour vivre longtemps » aux XVIIe et XVIIIe - Claire Crignon-De Oliveira L'examen du corpus constitué par les régimes de santé en Europe, entre la fin du xvie siècle et le xviiie siècle, permet d'apporter des réponses intéressantes à la question de savoir si l'on peut vieillir sans médecins. Depuis le Trattato de vita sobria de l'Italien Luigi Cornaro (1558) jusqu'à The History of Health and the Art of Preserving it (1758) rédigée par l'Écossais James MacKenzie, on assiste à un effort pour distinguer le processus naturel du vieillissement de la vieillesse comme maladie. L'approche médicale préventive et diététique du vieillissement se trouve ainsi intégrée au sein d'une réflexion anthropologique et le projet de prolongation de la vie justifiée d'un point de vue théologique. L'enjeu est bien de s'efforcer de penser le sens moral, politique et plus généralement existentiel d'une vie humaine prolongée.
- Stahl et les âges de la vie - Sarah Carvallo La vieillesse constitue une pierre de touche pour toute théorie médicale : elle oblige à rendre raison de la temporalité à l'œuvre dans la vie. Aux yeux de Stahl, les iatromécaniciens méconnaissent la dimension temporelle de l'organisme ; en particulier, ils en ignorent la périodicité. Comprendre la vieillesse suppose donc la critique de la représentation linéaire du temps organique, que développe la mécanique et qui réduit le vivant au seul composé physique et chimique. Il reste alors à trouver la cause de la périodicité organique : sur ce point, Georg Ernst Stahl critique Thomas Sydenham, qui reconnaît certes la périodicité du vivant mais nie la possibilité d'une médecine étiologique. Pour sa part, le médecin de Halle cherche à rendre compte du vieillissement en lien avec les actions organiques fondamentales : le tonus, la circulation, l'excrétion, la sécrétion.
- Combien de temps nous reste-t-il à vivre ? La durée de la vie comme objet mathématique et comme enjeu politique au xviiie siècle - Grégoire Chamayou Au xviie siècle, la question de la durée de la vie fait l'objet d'un nouveau traitement en termes d'arithmétique politique. Cette mathématisation, avec la construction de la notion de « vie moyenne », permet une intégration de l'art de prolonger la vie aux techniques de gouvernement. Élaborée dans le cadre des pratiques financières de rentes viagères, la notion émigre vers l'économie politique, où la vie n'est plus conçue comme support d'intérêts mais comme force productive. Le problème se pose alors en termes de philosophie politique : le pouvoir peut-il se fonder sur des impératifs de maximisation de la vie moyenne pour contraindre ses sujets ? La question fut posée au sujet de l'inoculation de la petite vérole. Dans le débat qui déchira les Lumières françaises, c'est en réalité la question du fondement de ce que Michel Foucault appelait le biopouvoir qui est en jeu.
Normes et rupture de sens dans l'espace urbain
- Présentation - Eni P. Orlandi, Eduardo Guimarães
- Métaphores de la lettre : écriture, graphisme - Eni P. Orlandi Cet article aborde l'écriture à partir de la configuration actuelle de l'espace urbain, avec ses ensembles résidentiels sécurisés qui redistribuent et donnent sens à l'espace des villes, en provoquant une raréfaction des pratiques de sociabilité. Partant du principe qu'il est impossible de penser le fonctionnement du langage en le séparant de ses conditions matérielles et de la conjoncture dans laquelle celles-ci surgissent, il analyse le lien entre l'écriture urbaine et la façon dont cet espace de signification s'organise matériellement. L'analyse se fonde sur la pratique des tags à Campinas, au Brésil. L'article aborde également le rapport de la population à l'école en tant que lieu d'institutionnalisation de l'écriture.
- Ville, sujet et langue scolarisés - Claudia Castellanos Pfeiffer Cet article entend mettre en évidence les ressemblances dans la façon dont les processus de scolarisation et d'urbanisation produisent des effets de sens chez le sujet, ce qui amène à penser le rapport ville/école à partir d'un sujet que j'appelle « sujet urbain scolarisé », c'est-à-dire un sujet traversé par l'écriture comme mode d'inscription dans le monde. La définition de « sujet urbain scolarisé » revient à penser la relation étroite entre « être dans une position autorisée à dire » (processus d'autorisation produit par l'école) et « être dans une position autorisée à avoir de l'urbanité » (civilisé). Ces ressemblances ont surgi dans l'administration des sens de l'espace occupé et dans celle des modes d'occupation de cet espace. Cette réflexion passe par les relations duelles langue/État, civilité/non-civilité, sujet/espace, unité/dispersion, scolarisation/urbanisation.
- Sujets (in)formels. Désignation dans les médias et subjectivation dans la différence - Mónica G. Zoppi-Fontana À partir d'une analyse de la matérialité linguistique, cet article explore les processus de subjectivation et d'identification qui constituent le(s) sujet(s) des différentes pratiques urbaines, par rapport à l'espace de la rue et dans le cadre de disputes visant à l'affirmation d'identités socialement légitimées. Le corpus constitué pour ma recherche est de nature hétérogène, aussi bien dans sa matérialité symbolique que du point de vue de son inscription institutionnelle et de sa circulation sociale.
- Stations dans la discursivité sociale : alternance et fenêtres - Suzy Lagazzi-Rodrigues Ce travail s'insère dans un projet intitulé « Le discours aux frontières du social », qui vise à analyser, dans des films documentaires, l'entrecroisement des différents matériaux en jeu dans ces productions. Pour comprendre comment se formule la critique sociale, j'ai choisi d'analyser deux documentaires ayant pour thème des conflits sociaux : Tereza (« Thérèse », qui met en scène la vie des détenus dans une prison de Campinas) et Boca de Lixo (« Décharge publique », qui présente la vie de personnes qui habitent et travaillent dans les dépôts d'ordures).
- La marque du nom - Eduardo Guimarães Partant de l'hypothèse que le sens des noms se constitue dans l'événement de leur énonciation, ce texte analyse la question des noms propres d'établissements commerciaux, en considérant l'énonciation des noms tels qu'ils apparaissent sur les façades des magasins. Il montre que leur sens est lié à la manière d'identifier ces établissements qui, une fois identifiés, constituent le lieu social de leurs destinataires en tant que consommateurs.
Varia
- Généalogie du concept d'assimilation. Une comparaison franco-britannique - Abdellali Hajjat Malgré la popularité du concept d'assimilation en sciences sociales, on connaît finalement peu de chose sur son origine intellectuelle. Cet article vise à faire la généalogie de ce concept dans une perspective franco-britannique. Sa traduction du latin vers le français et l'anglais conserve la signification de « similitude » mais le concept se sécularise, d'une part, à travers le langage des sciences naturelles dont l'influence favorise une réappropriation pour décrire les relations humaines et, d'autre part, le discours historique anglais et le discours politique colonial français. Dans le contexte britannique, l'assimilation devient une qualité collective attribuée à tout un peuple, puis utilisée en naturalisant les différences entre les peuples pour les rendre irréductibles et enfin s'enrichit d'une acception administrative. En France, la politisation du concept d'assimilation dans les discours et réglementations coloniaux provoque un bouleversement sémantique qui l'associe au concept d'égalité.
- Généalogie du concept d'assimilation. Une comparaison franco-britannique - Abdellali Hajjat