Contenu du sommaire : Philosophie de la libération et tournant décolonial
Revue | Cahiers des Amériques Latines |
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Numéro | no 62, 2009/3 |
Titre du numéro | Philosophie de la libération et tournant décolonial |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Chronique
- Construire des États producteurs de cohésion sociale - Georges Couffignal p. 07-14
Dossier
- La philosophie de la libération et le courant décolonial - Capucine Boidin, Fátima Hurtado López p. 17-22
- Pensée critique latino-américaine : de la philosophie de la libération au tournant décolonial - Fátima Hurtado López p. 23-35 Cet article est une introduction à la pensée critique latino-américaine, de la philosophie de la libération au tournant décolonial proposé par le groupe de recherche pluridisciplinaire Modernité/Colonialité. Dans un premier temps sont présentées les principales contributions de la philosophie de la libération en tant que pensée critique latino-américaine. Est abordée ensuite la question de la pertinence actuelle des motivations et des inquiétudes initiales de la philosophie de la libération, ainsi que la pertinence de ses thèses et de ses principales catégories. Puis sont présentées les principales critiques adressées à ce courant de pensée en quarante ans d'existence. Enfin est introduit le tournant décolonial du groupe Modernité/Colonialité. L'accent est mis sur la notion de pluriversalité que proposent les penseurs critiques latino-américains présentés dans cet article.This paper is an introduction to Latin American critical thought, from the philosophy of liberation to the decolonial turn proposed by the multidisciplinary research group known as the modernity/coloniality group. First, we present the main contributions of the philosophy of liberation as a form of Latin American critical thought. Next we approach the question of the current relevance of the initial motivations and concerns of the philosophy of liberation on one hand, as well as the relevance of its theses and of his main categories on the other hand. In the third and fourth sections of the paper, we present the main critiques of this current over its forty years of existence. Finally, we introduce the modernity/coloniality group's « decolonial turn ». We seek to highlight the notion of pluriversality proposed by the thinkers presented here.
- De la philosophie de la libération - Enrique Dussel p. 37-46 Il s'agit, dans cet essai, d'exposer les trois concepts clés qui forment la structure principale du groupe Modernité/Colonialité : colonialité du pouvoir, colonialité du savoir et colonialité de l'être. Ces trois concepts et leurs articulations constituent ce que le philosophe colombien Santiago Castro-Gómez appelle « l'hydre à trois têtes ». Nous montrerons que la colonialité de l'être est un concept-synthèse qui subsume les deux autres. Ce concept exprime la domination concrète que le colonialisme a exercée sur l'Amérique latine et le Tiers Monde.The objective of this paper is to examine three key concepts that form the main structure of the « modernity/coloniality » group: the coloniality of power, the coloniality of knowledge and the coloniality of being. These three concepts and the articulation among them is what the Colombian philosopher Santiago Castro-Gómez has called « the three-headed hydra ». I will show that coloniality of being is a conceptual synthesis under which the other two are subsumed; this concept expresses the concrete form of domination exercised by colonialism in Latin America and the third world.
- Les immigrés caribéens dans les métropoles du système-monde capitaliste et la « colonialité du pouvoir » - Ramón Grosfoguel p. 59-82 Cet article aborde le rôle du « nouveau racisme » dans la reproduction des « frontières historiques imaginées » qui empêchent les populations coloniales d'accéder à l'égalité des droits dans les centres de l'économie mondiale capitaliste. L'expérience des migrations coloniales des Caraïbes de l'après-guerre vers les métropoles est centrale pour comprendre la discrimination raciale à l'échelle mondiale. Premièrement, elles font partie d'une migration coloniale de travailleurs qui ont fourni une main-d'œuvre bon marché dans les pays métropolitains pendant l'expansion de l'après-guerre de l'économie mondiale capitaliste. Deuxièmement, les migrants caribéens en tant que citoyens d'une métropole. Troisièmement, ils ont une longue histoire de racisme et de domination coloniale dans leurs rapports avec les centres métropolitains. Quatrièmement, à partir de 1973, la première et deuxième génération de ces immigrés des colonies caribéennes ont commencé à être exclues du marché du travail à cause de la crise économique mondiale. Elles sont alors devenues la cible privilégiée du « nouveau discours raciste », qui s'attachait à les maintenir dans une position subalterne à l'intérieur des centres à l'aide de discours « racistes-culturels ». À partir de ces similitudes apparaissent les questions suivantes: pourquoi, alors qu'ils jouissaient de la citoyenneté métropolitaine, les Portoricains, les Antillais néerlandais, les Surinamais, les Antillais français et les Antillais anglophones ont-ils subi la discrimination et, souvent, la marginalisation? Quelles sont les différences dans l'expérience de la discrimination et du racisme dans chaque pays? Comment cela reflète-t-il les différences entre les quatre pays métropolitains? Quelle est la relation entre l'histoire de l'empire, les mythes nationaux de la nation et les discours racistes-culturels, et l'incorporation sociopolitique des sujets coloniaux des Caraïbes dans les métropoles?This article deals with the role of what has been called the « new racism » in the reproduction of « imagined historical borders » that exclude colonial people from access to equal rights within the core of the capitalist world-economy. Post-war Caribbean colonial migration to the metropolis provides an important terrain for the examination of racial discrimination in core zones. First, Caribbean migrants were part of a colonial labor migration to supply cheap labor in core zones during the post-war capitalist expansion. Secondly, they migrated as citizens of the metropoles. Thirdly, they had a long experience of colonial racism in relation to the core. Fourthly, with the contraction of the capitalist world-economy after 1973, first and second generation Caribbean colonial migrants started to become excluded from the labor market. Fifthly, they have been the target of the « new racist » discourses that attempt to keep them in a subordinated position within the core zones via « cultural racist » discourses. Given these similarities, this article attempts to answer the following questions: Why do Puerto Ricans, Surinamese, Dutch Antilleans, French Antilleans, and West Indians experience discrimination, and in many instances marginalization, despite the fact that they hold metropolitan citizenship? What are the differences among the respective metropoles regarding the discrimination and racism experienced? How do these differences illustrate broader differences among the four core states? What is the relationship between the history of empire, the narratives of the nation, and cultural racist discourses with the socio-political incorporation of Caribbean colonial subjects in the metropoles?
- Anthropologies hégémoniques et colonialité - Arturo Escobar, Eduardo Restrepo p. 83-95 Cet article traite de l'articulation entre anthropologie et colonialité. Partant de la distinction entre anthropologies hégémoniques et subalternisées, notre propos est d'identifier certains des mécanismes qui introduisent et consolident certaines hiérarchies entre les différentes institutionnalisations et localisations anthropologiques. Ces mécanismes reproduisent et naturalisent un sens commun disciplinaire qui est profondément et structurellement colonial.This article discusses the articulation between anthropology and coloniality. Based on the distinction between hegemonic and subalternized anthropologies, we identify some of the mechanisms that introduce and consolidate hierarchies among different anthropological establishments and locations. These mechanisms reproduce and naturalize a disciplinary common sense, which is deeply and structurally colonial.
- La fin de l'université telle que nous la connaissons - Walter Mignolo p. 97-109 Cet article est une critique de la nouvelle réorientation des universités qui, depuis les années 1980 – surtout aux États-Unis et en Europe de l'Ouest –, ont adopté les valeurs entrepreneuriales et marchandes, en lieu et place des valeurs de l'humanisme caractéristique du modèle antérieur que l'auteur baptise « kantien-humboldtien ». Cette réorientation des universités se fait, selon l'auteur, au détriment du futur de la société et de la vie sur la planète. De plus, elle renforce l'unilatéralité des points de vue. Or, il est crucial que l'université continue à être le lieu de la pensée et de la recherche libres, où la créativité n'est pas évaluée en fonction de besoins urgents et actuels mais contribue à anticiper des problèmes futurs. Une réforme des universités et des pratiques du savoir est donc nécessaire. En ce sens, l'auteur affirme le besoin d'une discussion globale, conceptuelle et épistémique, à propos des politiques de désoccidentalisation et de décolonisation de l'éducation et du savoir.This article is a critique of the current reorientation of the universities. Although in the past two decades, universities, particularly those in the US and Western Europe, have embraced corporate and market values, rejecting the humanistic values of the previous model, referred to by the author as the « Kantian-Humboltian» model. In this author's view this reorientation is detrimental to the future of society and life on the planet. In addition, it contributes to a reinforcement of unilateral viewpoints. It is crucial in the author's view that the university remain a site of free thinking and research, where creativity is not valued in relation to pressing and present needs but in terms of its contribution to the anticipation of future problems. A reform of universities and knowledge practices is necessary. In this respect, the author affirms the need for a global conceptual and epistemic discussion regarding a politics of de-westernization and decolonization of education and knowledge.
- Pour un dialogue mondial entre traditions philosophiques - Enrique Dussel p. 111-127
- Études décoloniales et postcoloniales dans les débats français - Capucine Boidin p. 129-140 Cet article analyse les trois types de critiques généralement adressées aux études postcoloniales et décoloniales trop souvent confondues en France : États-Unis-centrisme, maniquéisme, essentialisme. Si cette lecture est compréhensible au vu du champ actuel des sciences sociales françaises, il n'en demeure pas moins qu'une étude attentive des différentes propositions des auteurs décoloniaux conduit à reconnaître que tous les auteurs ne tombent pas systématiquement dans ces travers. De plus, la diversité disciplinaire (économie, philosophie, sociologie, anthropologie, histoire) et nationale des auteurs (du nord au sud des Amériques) leur permet de développer une pensée complexe stimulante.This article analyses the three types of critiques generally formulated regarding postcolonial and decolonial studies (often confused with one another in France) : their alleged US-centrism, their Manichean structure and their essentialism. While such a reading is understandable in the context of the contemporary French social sciences, an attentive study of the authors of the decolonial current leads us to the conclusion that all the authors do not fall into these traps. Moreover, these authors' diversity in terms of the disciplines they practice (economics, philosophy, sociology, anthropology, history) and national origin (both Latin American and U.S.) favors complex and stimulating critical thought.
Lectures
- Thomas Calvo, Vivre dans la Sierra zapotèque du Mexique, 1674-1707. Vaincre la défaite - Guillaume Gaudin p. 145-149
- Jesús Silva Herzog, Histoire de la Révolution mexicaine - Luis Martínez Andrade p. 149-151
- Christine Laurière, Paul Rivet. Le savant et le politique - Antoine Huerta p. 151-154
- Michel Collon, Les sept péchés d'Hugo Chávez - Thomas Posado p. 155-157