Contenu du sommaire : Néotoponymie
Revue | L'Espace Politique |
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Numéro | no 5, décembre 2008 |
Titre du numéro | Néotoponymie |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Néotoponymie : formes et enjeux de la dénomination des territoires émergents - Frédéric Giraut, Myriam Houssay-Holzschuch La toponymie est ici considérée dans ses rapports avec le nouveau régionalisme qui fait émerger de nouveau territoires avec notamment la création de nouvelles municipalités, de nouvelles régions et de territoires de projet issus de la coopération entre territoires existants. Il s'agit donc au sein de la néotoponymie, des créations qui n'ont pas vocation à se substituer à un nom existant mais à désigner une entité émergente issue d'un processus de découpage et de dévolution de pouvoirs. On montre comment le processus de production et de sélection des nouveaux noms, à partir souvent de propositions contradictoires, peut être aussi révélateur des enjeux territoriaux locaux que le nom final. Une lecture transversale des productions de noms de territoires émergents aussi bien au Nords qu'aux Suds permet de voir poindre des tendances qui s'appliquent aux recompositions territoriales et fonctionnent au-delà des effets de contexte. Les deux principales sont la tentation d'aller puiser dans les référents précoloniaux et/ou prémodernes, et la tentation pour les villes secondaires de se tailler des arrière-pays en s'appropriant ou revendiquant des périphéries.This paper analyzes the relationships between toponymy and new regionalism: new territories, e.g. municipalities, regions or project-centered territories created by cooperation between previously existing territories, are being named. This naming process points, within neotoponymy – the invention of new place names -, to place names creation that are not designed to replace existing place names, but to brand new spaces generated by processes such as demarcation or devolution. We insist that the name production and selection process reflects local territorial conflicts even better than the final, adopted name. Case studies from both the North and the South allow us to identify general trends, chiefly the search for ‘traditional' references from pre-colonial or pre-modern times on the one hand, and the tendency of small towns to assert their dominance on their hinterlands on the other hand.
- L'émergence d'une toponymie plurielle au Mali - Stéphanie Lima L'émergence des territoires communaux au Mali, dans le cadre de la mise en œuvre d'une réforme de décentralisation, s'accompagne d'une renaissance toponymique des espaces locaux. Entre 1994 et 1996, l'ensemble des attributs des nouvelles communes ont été discutés puis négociés : gabarit, limites, centre, nom. L'enjeu toponymique se situe à l'intersection des logiques de découpage et des représentations spatiales convoquées lors des différentes étapes de la réorganisation territoriale. Au sortir de deux années de transaction territoriale, la toponymie communale s'inscrit dans une tension, entre l'adhésion au centre (chef-lieu) et une volonté de neutralité. Signes apparemment faibles, les noms de chefs-lieux, attribués aux territoires communaux, sont le point d'orgue du cheminement contrasté de la réorganisation territoriale.In Mali, municipalities were created in the context of decentralization. Their creation reveals an original process of toponymic renewal at the local level. Between 1994 and 1996, the main characteristics of the new municipalities (size, boundaries, centre and name) have been debated and negotiated. The Malian government associated local populations with the process of demarcating new municipal boundaries, thus allowing for social and spatial representations to be taken into account. The respective balance between the internal logic of territorial demarcation and social representations differ according to place. In the Kayes region for example, the mobility and social networks that structure space have been integrated in the making of new, local toponyms. The names of the new municipalities vary from adhesion to the centre and adoption of the name of the chef-lieu to “neutral” toponyms. The nature of toponyms thus sheds light on the contrasted results of the national territorial restructuring.
- L'Autorité et l'autre - Francine Adam L'autochtone, la française et l'anglaise sont les trois principales souches linguistiques des noms de lieux du Québec. Tributaires de l'histoire du contact des langues et des cultures, elles imprègnent le contexte géopolitique de la naissance des institutions responsables de sa toponymie, la Commission de géographie (1912) et la Commission de toponymie (1977). Disparition et changement de noms marquent les parcours toponymiques au long de l'histoire, créant une succession d'avancées néotoponymiques en accord avec la dynamique politique et territoriale. La néotoponymie contemporaine est multiforme et empreinte de choix identitaires, comme l'illustrent les dossiers suivants : noms de lieux autochtones du Nord-du-Québec, désignations commémoratives et consécration de l'ancestral, création de noms gardiens de la tradition et de la culture, fusions municipales et visions d'avenir de la société.Place names in Quebec stem from three main origins: the native, French and English languages. Along history, these three sources have been diversely combined, according to the geopolitical context in which were established the relations between the cultures which they represented, particularly after these relations were embodied by the Geographical Commission (1912) and the Commission de toponymie (1977). Following the course of history, place names were changed or deleted, expressing political and territorial dynamics through the successive moves of neotoponymical frontiers. Contemporary neotoponymy is variegated and fraught with self-asserting cultural choices. The Commission de toponymie du Québec, which was created nine months after the Parti Québécois acceded to power, greatly contributed to these changes, e.g. by replacing French and English place names with native ones in Northern Quebec, launching a program for adopting new names commemorating the past, creating names as custodians of tradition and cultural heritage, etc. For their part, the highest governmental authorities have created a neotoponymical context by implementing a project of municipal and territorial mergers (2001). For instance, the merger of Métabetchouan and Lac-à-la-Croix initiated a reflection about the links between names, places and politics.
- Toponymie et recomposition territoriale au Maroc : Figures, sens et logiques - Saïd Boujrouf, Elmostafa Hassani Cet article présente les repères qui permettent de comprendre la recomposition territoriale au Maroc en rapport avec la toponymie utilisée. Il adopte une démarche interactive, interrogeant les politiques territoriales et les corpus toponymiques liés. Il traite des mécanismes et des processus complexes de production des nouvelles mailles et des toponymes en interpellant les formes et les sens véhiculés afin de déchiffrer les finalités, les logiques, les enjeux, les concurrences et les compromis dans la production toponymique territoriale au Maroc.This paper is an attempt at providing helpful references to understand the evolution of territorial restructuring in Morocco in relation to the type of toponymy in use. To do so, we will se an interactive approach with the aim of bringing under scrutiny territorial policy and and toponymic data. This paper also deals with the study of mechanism and complex processes by examining the forms and meanings transmitted; and this in order to decipher the aims, the logics, the stakes, competition, compromise that take place in the context of territorial toponymic production in Morocco.
- Acteurs et enjeux de la néotoponymie des territoires ethniques des grandes métropoles aux Etats-Unis : l'exemple de Miami - Cédric Audebert Dans une société états-unienne où les logiques organisationnelles des communautés ethniques se lisent dans les territoires urbains, les interactions entre les populations migrantes et la société d'installation s'incarnent dans une reconnaissance institutionnelle du « territoire ethnique ». Dans ce processus de qualification ethno-communautaire des quartiers dans la ville, les stratégies toponymiques jouent un rôle symbolique majeur. Ainsi, à Miami, métropole dont la moitié de la population est née à l'étranger, la volonté de rebaptiser les principaux quartiers d'installation des immigrés témoigne de la transformation culturelle et de l'internationalisation d'une ville de plus en plus segmentée. Parallèlement, le marquage néotoponymique de l'espace revêt aussi une dimension fonctionnelle. Il répond en effet à la nécessité des autorités locales de reconnaître officiellement la présence de populations immigrées clandestines à Miami ; l'enjeu étant l'obtention de ressources fédérales pour faire face à la demande en services sociaux de populations démunies.This reflection presents a diatopic approach which conceptualizes place as the result of contradictory forces identifiable at different geographic levels of analysis, from the global to the local scope. Contemporary immigration in the U.S. has profoundly transformed the social and cultural environment of metropolitan areas. In a society where organizational patterns of immigrants and minorities are identifiable in the urban structure, interactions between the immigrant communities and the receiving society translate themselves into an institutionalization of the ethnic neighborhood. In this process of ethnic qualification of urban places, recent toponymic strategies play a major symbolic role. For example, in Miami where 60 % of the population is of Caribbean descent, the renaming of immigrant settlement areas reflects the cultural change of the city and its internationalization as well as its sociospatial segmentation. In parallel, neotoponymy also has a functional dimension in the U.S. society. By the early 1980s, the decision to rename an inner city section of Metropolitan Miami ‘Little Haiti' came up to the impelling acknowledgement of the Haitian illegal presence by the local and federal authorities. What was at stake was the access to federal resources in order to respond to the tremendous social needs of this marginalized immigrant population. Thus, toponymy appears as an essential tool as well as the result of a power struggle between local power structures (municipalities, county government) and the federal government. At the same time, the stakes are also high at the neighborhood level, where place renaming reveals the changing relations between ethnic communities. One needs to carefully understand the relative significance of toponymy which is indeed often out of step with the more and more complex multiethnicity of U.S. international metropoles.
- Les nouveaux territoires et leurs noms entre projet et compétitivité : le cas des “ pôles d'excellence rurale ” - Pierre-Antoine Landel, Nicolas Senil Le lancement fin 2005 de l'appel à projet Pôle d'Excellence Rurale par la Délégation Interministérielle à l'Aménagement et à la Compétitivité des Territoires fournit un état remarquable de la “ projectivité ” des territoires ruraux français en 2006. Le corpus généré compte en effet 342 dossiers déposés lors de la première vague. Dans le cadre du travail de recherche ici présenté, ceux-ci ont fait l'objet d'une première analyse toponymique et typologique. Ainsi mise en œuvre, cette étude explore les questions des ressources territoriales mobilisées et des stratégies d'autonomie territoriale. Elle permet de présenter au final une première proposition des formes de développement aujourd'hui perceptibles dans les territoires ruraux français en les catégorisant selon leur rapport à la ressource patrimoniale.The launch at the end of 2005 of the call for project “Pôle d'Excellence Rurale” by the Interministerial Delegation for the Territorial Planning and Competitiveness (DIACT) supplies a remarkable state of the “projectivity” of the French rural territories in 2006. The generated corpus indeed counts 342 files deposited during the first wave. Within the frame of the research work presented here, these were the object of a first toponymic and typological analysis. So implemented, this study investigates the matters of the mobilized territorial resources and the strategies of territorial autonomy. It allows to present at the end a first proposition of the present perceptible forms of development in the French rural territories by categorizing them according to their relation with the patrimonial resource.
- Nommer les espaces de coopération intercommunale - Guillaume Bailly Depuis une vingtaine d'années, l'intercommunalité n'a cessé de se développer en France. Les nouveaux territoires de coopération s'imposent désormais comme des niveaux décisionnels incontournables tant en milieu urbain que rural. En effet, dans un climat de concurrence territoriale accrue, les différentes formes de mutualisation de moyens humains et financiers entre communes tentent de concilier efficacité économique et justice sociale. Néanmoins, ces territoires intercommunaux sont également porteurs des projets politiques soutenus par les élus locaux. De manière assez visible, le nom donné à chacun de ces nouveaux espaces de coopération municipale constitue souvent un premier révélateur de ces enjeux politiques et territoriaux attachés à l'échelle locale. Le principal objectif de cet article visera donc, à travers une typologie toponymique originale, à évaluer les éventuels effets tendanciels et en particulier, à mesurer si le nom reflète les intentions politiques ou/et les identités locales.During the last 20 years, the number of associations of local governments has considerably increased in France. These new territories of co-operation are now essential because they have become some significant decisional levels in both urban and rural areas. Indeed, in a climate of increased territorial competition, the various forms of human and financial sharing between municipal governments try to manage economic effectiveness and social justice. Nevertheless, these new common territories are also carrying the political projects supported by the local elected people. Obviously, the name given to each of these new spaces of municipal co-operations is often revealing about these political stakes and territorial anchors at the local scale. Thus the aim of this article will be, through an original toponymic topology, to evaluate the possible trend effects and in particular, to measure if the place names reflect the political intentions as well as the local identities.
- Néotoponymie, marqueur et référent dans la recomposition de territoires urbains en difficulté - Romain Lajarge, Claudine Moise En France, dans les espaces de la rénovation urbaine, de nombreuses recompositions sont constatées. A la fois résultat de politiques publiques (urbaines, de logement, sociales, …), de changements culturels et socio-économiques. La question est de savoir comment des signes de ces changements peuvent être lus ? Les investigations dans les quartiers dits « en difficulté » montrent le déficit de l'intervention publique. Ce qui explique notamment que la ségrégation socio-spatiale s'accroît. Qu'en est-il des précurseurs de ces changements ? Graffitis, inscriptions, traces et marques sont les moyens utilisés pour manifester les nouvelles représentations à l'œuvre. Dans ce texte, nous nous intéresserons, du point de vue géographique et sociolinguistique, aux traces et marques visibles dans l'espace urbain de deux quartiers (Figuerolles, proche du centre de Montpellier et Monclar, périphérie enclavée entre deux centralités d'Avignon). Nous cherchons à la fois à décrire ces marques qui caractérisent ces espaces, ces pratiques et ces acteurs des quartiers et à comprendre en quoi ces signes, graffitis, inscriptions et tags sont des marqueurs néotoponymiques de changements imminents et de probables recompositions.In French urban redevelopment the common process is territorial adjustment. It is the result of public policy (urban, housing and social integration programs) and of cultural or socio-economic changes. The question is how these kinds of changes can be seen ? Current happenings in districts of some French towns, known as “difficult areas”, explain the lack of public intervention. They make us think that socio-spatial segregations are increasing. What about the precursors of these situations? Graphing, writing, tracing, and marking are useful tools of territorial representation. In this paper, we will be interested as a geographer and sociolinguist, in tracks and visible marks in urban space. In observing two districts (one a suburb close to a new centre in Montpellier, the second, a enclosed city close to downtown Avignon), we want to find a answer to two questions : how to describe the markers which characterize the places, practices and people of the district ? Why is it interesting to consider the shop signs, graffiti, public notices and posters, … as neotoponymics markers of change?
- Des territoires sans nom peuvent-ils être sans qualité ? Réflexions sur les modifications de la carte administrative chilienne1 - Anne-Laure Amilhat Szary Pendant des années, la décentralisation chilienne a été critiquée pour son manque de représentativité démocratique. Puis, en deux points du pays, à l'extrême nord (Première Région dite de Tarapaca) et au sud (Dixième Région des Lacs), le régionalisme a pris des formes séparatistes : des anciennes provinces, dont l'importance avait été grandement atténuée par celle accordée aux régions qui les englobaient, ont réclamé leur indépendance. Celle-ci leur a été accordée fin 2007 à la suite d'un arbitrage politique rapide, permettant en peu d'années ce qui pouvait sembler invraisemblable : la modification de la carte administrative du pays établie pendant la dictature. A l'heure des premiers bilans, l'impact de ce bouleversement apparaît plus important qu'on ne l'escomptait et ce, du fait d'un enjeu toponymique. Les deux nouvelles régions perturbent la numérotation en usage pour désigner les entités territoriales chiliennes : depuis 2007, il n'est plus possible de continuer à désigner les régions par des chiffres romains, puisque les nouveaux numéros s'intègrent mal dans l'ancienne progression nord/ sud. Malgré le choix de noms les plus neutres possibles pour les nouveaux territoires, l'introduction d'un débat toponymique apparaît comme la marque d'une certaine reconquête de la démocratie locale.During years, democracy in Chile has been criticized for its lack of democratic representativeness. Then in two points of the country, the extreme north on one side (First Region called Tarapacá Region) and the south on the other side (Tenth Region of The Lakes), regionalism has taken a separatist trend: previous provinces, which importance had long been undermined by their surrounding regions, have claimed their independence. They have won the latter in 2007, after a very quick political arbitration, allowing in a few years what had long seemed impossible: the modification of the administrative map of the country established during the dictatorship years. When it comes to first balances, the impact of this change appears more profound than had been foreseen, and because of a toponymy issue. The two new regions interfere strongly with the numbering that what used to refer to the Chilean administrative units: since 2007, it is no longer possible to go on using the Roman numbers as before, since the new numbers do not fit the old north / south progression. Despite the very ordinary quality of the chosen names for the new territories, the introduction of a toponymy debate appears as the sign of a certain progress on the front of local democracy.