Contenu du sommaire : Les pouvoirs dans la ville
Revue | L'Espace Politique |
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Numéro | no 8, septembre 2009 |
Titre du numéro | Les pouvoirs dans la ville |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Les Pouvoirs dans la ville - Catherine Fournet-Guérin, Céline Vacchiani-Marcuzzo
- L'espace politique de la ville : plaidoyer pour une géopolitique urbaine - François Hulbert En fonction de leur poids démographique et économique, les villes jouent un rôle politique plus ou moins important, de l'échelle locale et régionale à l'échelle nationale et internationale. Cette compétition des villes n'est évidemment qu'un aspect de la géopolitique urbaine qui se développe sous de multiples formes au sein des agglomérations, en particulier dans cette dialectique des territoires et des pouvoirs entre les municipalités qui les composent. Jeu des acteurs, rapports de force et luttes de pouvoir, enjeux et conflits de localisation et d'aménagement sont les termes de l'analyse géopolitique de l'espace urbain. Celle-ci peut se définir par quatre images : celle du théâtre et de la mise en scène, celle du champ de bataille où les acteurs déploient leurs stratégies, celle de l'entreprise de construction dans laquelle l'agglomération apparaît comme un édifice géopolitique et celle du chantier de rénovation qu'est la réforme territoriale. En plus d'être une géographie des acteurs, des enjeux et des conflits de territoires, la géopolitique urbaine est une géographie de la représentation, c'est-à-dire de la perception et de l'image de la ville, tout comme une géographie des modes de désignation et de répartition des représentants des citoyens dans la cité. Si la géopolitique urbaine ne dit pas toujours son nom, elle est bien présente en ordre dispersé dans les publications géographiques. D'essence éminemment critique, elle ne peut rester indifférente aux réalités vécues par les citoyens et aux luttes urbaines dans lesquelles ils sont engagés. De plus, les lieux de la contestation constituent des sources fécondes de connaissance du terrain et du rôle des acteurs. Force de remise en cause du système politique qui gère et aménage le cadre de vie dans les villes et les agglomérations, la géopolitique urbaine est aussi une force de proposition.Depending upon their demographic and economic weight, cities play a more or less important political role ranging from the local and regional level to the national and international one. This competition between cities is but a single aspect of urban geopolitics which develops in multiple forms within the agglomerations, particularly with respect to the dialectic relationship between the territory and power of municipalities comprising them. Actors, power relationships and political struggles, location conflict and planning issues are elements of geopolitical analysis in urban space. This analysis can be illustrated by four images: theatre or staging; battlefield where various strategies are deployed; a construction site where the agglomeration takes on the form of a geopolitical construct; a renewal project represented by territorial reform. In addition to being a geography of actors, issues and territorial conflicts, urban geopolitics is a geography of representations, i.e., of perception and image of the city, as well as geography of selection processes and distribution of political representation among the citizenry. Although urban geopolitics may not always be called such, it is nevertheless present in dispersed fashion throughout geographic publications. Eminently critical, urban geopolitics cannot remain indifferent to what citizens face and to the urban political struggles in which they are involved. In addition, the places where conflict occurs constitute rich sources of information about field work and the role of the actors. As a weapon to oppose the political system which manages and plans the quality of life in cities, urban geopolitics is also a means to formulate urban policies.
- Production de l'espace urbain et mise en scène du pouvoir dans deux capitales « présidentielles » d'Asie Centrale - Adrien Fauve, Cécile Gintrac Cet article s'intéresse à Achgabat et Astana, respectivement capitales du Turkménistan et du Kazakhstan. Ces deux études de cas permettent de recenser les instruments à disposition pour analyser les rapports entre espace (objet de la géographie) et pouvoir (objet de la science politique). Dans chacune des deux villes, le chef d'Etat se fait architecte et urbaniste ; son influence sur les projets d'aménagement est considérable. Dans le même temps, l'espace urbain y sert d'outil pour mettre en scène le pouvoir présidentiel : la figure du souverain est glorifiée par nombre de monuments et le discours venant légitimer le régime s'appuie sur une architecture identitaire. Etudiant l'urbanisme autoritaire centrasiatique dans sa double dimension – production de l'espace et mise en scène du pouvoir – les auteurs proposent une grille de lecture pour analyser le pouvoir dans la ville. En incitant science politique et géographie à adopter une démarche commune et à envisager d'autres cas et échelles d'analyse, cet article plaide pour une étroite collaboration entre les deux disciplines. Par cet enrichissement mutuel, la science politique pourrait investir l'espace des sociétés, tandis que la géographie se doterait d'outils pour examiner les acteurs qui font la ville et les représentations qu'ils produisent.This article deals with the capitals of Turkmenistan and Kazakhstan, respectively Ashgabat, and Astana. These two studies provide the opportunity to carry an inventory of the tools available to help analyze the relations between ‘space' (the object of geography) and ‘power' (the object of political science). In each of these two cities, the head of state has promoted himself to chief architect and urbanist, exerting significant influence on city planning. At the same time, the city is used as a showcase for political power: the figure of the ruler is glorified with an ever-increasing number of monuments, and the ‘neotraditional' architecture serves as an illustration and a justification of a nationalistic agenda. The authors investigate the double aspect of Central Asian authoritarian urbanism, as a way both to produce space and uphold the regime. In the process of doing so, they offer keys to understanding and analyzing the relations between power and the city. By urging political science and geography to devise a common approach, this article wishes to promote closer collaboration between the two fields of research. Through this mutual enhancement, political science could fully apprehend the space of human societies, while geography would be provided with new tools to scrutinize those who construct the city and its representations.
- Migrants and urban rights: politics of xenophobia in South African cities1 - Brij Maharaj Ces dernières années, des réflexions critiques émanant d'intellectuels ont émergé sur la question du droit à la ville et sur la façon dont ce droit peut s'exprimer. Comme les discours concernant les droits prennent de plus en plus d'importance, les groupes de population, tels les migrants, déjà exclus de la participation à la vie sociale, économique et politique de la ville, s'affirment de plus en plus et deviennent très exigeants sur la question de leur intégration. Dans le processus de franchissement des frontières comme dans celui de la définition et de la revendication des droits, des luttes sociales et politiques existent sur l'appropriation des espaces par les migrants. La citoyenneté n'est pas toujours automatique et, inévitablement, des discriminations raciales, ethniques ou encore religieuses apparaissent. Cet article examine les épreuves et les tribulations de migrants internationaux dans la municipalité de eThekwini (néotoponyme de Durban). Il fait valoir qu'en raison de leur situation illégale, les migrants à Durban sont soumis à des niveaux élevés d'exploitation, subissent la xénophobie et mènent une existence précaire. A Durban, l'autorité locale ne s'est pas encore engagée de manière constructive pour résoudre les problèmes des migrants et des réfugiés, et la réponse politique est allée d'une négligence bénigne à une hostilité active. La quasi totalité des principaux textes politiques émanant de la municipalité d'eThekwini ne font aucune référence aux migrants. Ceux-ci survivent ainsi grâce au soutien des organisations religieuses, des ONG et des réseaux informels. Toute discussion sur les droits de l'homme et sur l'occupation de l'espace soulève inévitablement des questions d'éthique, de moralité et de justice sociale. L'expérience des migrants à Durban et dans d'autres lieux d'Afrique du Sud accrédite l'idée que la question des droits de l'homme n'est envisagée que d'un point de vue purement rhétorique et qu'elle révèle un manque de volonté politique pour la rendre opérationnelle en termes d'avancées réelles.In recent years there has been some critical intellectual reflections about who has rights to the city, and how such rights are realised. As the rights based discourse gains momentum, groups that have been previously excluded from participating in the social, economic and political life of the city, for example, migrants, are becoming more assertive and demanding inclusion. In the process of crossing borders and defining and claiming rights, there are social and political struggles over the appropriation of migrant spaces. Citizenship is not always automatic, and inevitably there is race, ethnic or religious discrimination. This paper examines the trials and tribulations of international migrants in the eThekwini municipality (or Durban). The paper argues that as a result of their illegal status migrants in Durban were subject to high levels of exploitation and xenophobia, and they led a tenuous existence. A key contention in this paper is that in Durban the local authority has yet to engage constructively in addressing the problems of migrants and refugees, and the policy response has ranged from one of benign neglect to active hostility. Almost all the major policy documents of the eThekwini local authority make no reference to migrants. Migrants survive through support from religious organisations, NGOs and informal networks. Any discussion of human rights and space inevitably raises questions of ethics, morality and social justice. The experience of migrants in Durban and other parts of South Africa gives credence to the view that human rights operate at the rhetorical level and that there appears to be lack of political will to translate them into tangible benefits.
- Géopolitique de Francfort-Sur-l'Oder/Słubice, ville-doublon sur une frontière en déconstruction - Quentin MACKRÉ Quelques mois après l'élargissement de l'espace Schengen à la Pologne en décembre 2007, cet article analyse l'effet de l'ouverture de la frontière germano-polonaise sur les relations transfrontalières au sein de la ville-doublon de Francfort-sur-l'Oder/Słubice. Les dernières barrières politiques tombées, il montre que d'autres obstacles entravent encore une coopération plus approfondie entre les deux rives. Notre analyse géopolitique s'appuie sur une enquête de terrain menée dans la ville-doublon, portant notamment sur les barrières culturelles et le vécu des habitants en relation avec la frontière.A few months after the Schengen zone's enlargement to Poland, on December 2007, this article analyses the impact of the German-Polish border's opening on the transborder relations between the twin cities of Frankfurt-upon-Oder and Słubice. Although the last political barriers have been wiped away, other obstacles still hampers further cooperation between these two sides. Our geopolitical analysis is based on a field survey conducted within the twin cities, with particular attention drawn on the cultural and the individual practices of the inhabitants towards the border.
- Politiques urbaines et gentrification, une analyse critique à partir du cas de Paris - Anne Clerval, Antoine Fleury Cet article s'inscrit dans le renouveau de la littérature sur la gentrification en étudiant le rôle des politiques publiques dans le processus de gentrification à Paris intra-muros. L'approche choisie se garde d'être seulement technique pour proposer une analyse critique de cette question et dévoiler les enjeux politiques de l'action publique telle qu'elle y est menée aujourd'hui. Une fois présentés les acteurs, les facteurs et les dynamiques spatiales de la gentrification depuis les années 1980, l'article s'intéresse plus particulièrement aux politiques publiques menées depuis le passage à gauche de la municipalité en 2001. Face à l'ambiguïté plus ou moins entretenue par les pouvoirs publics quant aux objectifs et aux destinataires de leur action, il s'agit de clarifier les enjeux et les effets de différentes politiques – logement, espaces publics, culture – en mettant en évidence leur cohérence dans l'accompagnement de la gentrification. Nous verrons que le renouveau de l'action publique promu par la nouvelle municipalité n'est pas en mesure d'arrêter le processus de gentrification dans l'habitat et contribue au contraire à l'accompagner par l'aménagement des espaces publics et la politique culturelle.This paper contributes to the reappraisal of the issues approached in gentrification studies. It focuses on the role of public policies in the gentrification of the Paris inner city and, in addition to presenting technical aspects, it provides a critical analysis of this phenomenon, aiming to shed light on the political meaning of public action occurring there today. The paper gives an overview of the actors, factors and spatial dynamics involved in the gentrification process since the 1980s and then focuses in more detail on public action since 2001, when the left (Parti socialiste) took over the Paris municipality. While political goals still remain relatively ambiguous, the authors of the present paper set out to clarify the global consequences of public policies in housing, public spaces and culture. In spite of the city Council's will to overhaul public policies, its action has been unsuccessful so far in stopping the gentrification process in Paris. It has indeed actually contributed to it by transforming public spaces and by the modes of cultural action implemented.
- Some reflections on the limitations to public participation in the post-political city - Ronan Paddison Les pratiques néolibérales sont la nouvelle orthodoxie en matière de gestion urbaine par les autorités municipales (« gouvernance urbaine »). Elles imposent des limites à la participation citoyenne et à des formes plus démocratiques d'engagement dans la ville, en particulier lorsque ces dernières remettent en question les discours officiels selon lesquels les villes s'efforcent d'être des espaces compétitifs dans l'économie mondialisée. Cet article présente une approche théorique de ces limites suivant deux propositions connexes. La première postule l'adoption d'une configuration post-politique par la gouvernance urbaine. La deuxième, reflétant en cela une telle configuration, avance que « l'esprit d'entreprise en milieu urbain » se définit désormais par un nouveau genre de politique, le « néo-populisme urbain ». Contre l'impératif consistant à créer la ville compétitive, le néo-populisme se définit par l'élaboration d'une politique du consensus, dont l'effet est de marginaliser les contestations et les dissensions.Neoliberal practices are the new orthodoxy within urban governance imposing limits to participatory and more democratic forms of engagement in the city, particularly where they challenge the official discourses through which cities strive to be competitive spaces in the globalizing economy. This paper offers a theoretical understanding of these limits through two related propositions. First, that urban governance has assumed a post-political configuration; second, and reflecting such a configuration, urban entrepreneurialism is becoming defined by a new style of politics, urban neo-populism. Against the disciplining imperative of creating the competitive city, neo-populism becomes defined around the manufacture of consensus politics, the effect of which is to marginalize protest and dissensus.
- Territoire et construction du pouvoir collectif intercommunal – enseignements issus de la périphérie clermontoise - Ludovic Méasson Ce texte traite de la construction du pouvoir collectif en milieu urbain dans une perspective de développement durable. Celle-ci requiert l'émergence d'une capacité d'action collective à partir d'un ensemble d'entités territoriales – ici les communes – regroupées dans un espace commun - ici les territoires de projet. L'étude de la communauté de communes Volvic Sources et Volcans dans l'aire métropolitaine clermontoise met en évidence deux phases dans ce processus – l'établissement de la compatibilité entre les entités, puis l'établissement d'une interdépendance – qui se distinguent par leur mode de territorialisation : fragmentation, puis réinvention du territoire. Il ressort que ce processus engendre paradoxalement une forme de détachement territorial qui s'explique par les inégalités territoriales de pouvoir. L'efficience des territoires de projet comme outil de développement durable sera alors discutée. Nous suggérons que l'approche territoriale du développement durable s'accompagne d'une prise en compte des inégalités territoriales de pouvoir qui pourrait donner lieu à une ingénierie territoriale politique.This text concerns the construction of a political collective capacity in urban areas. This process involves the emergence of a collective action capacity from different territorial components, here the municipality councils gathered in a common area of planning called "the territory of project". The case of Volvic Sources et Volcans in Clermont-Ferrand metropolis context (Massif central, France) shows two phases of this process: implementation of compatibility and, then, interdependence building between stakeholders. Each of them is distinguished by a specific territorialisation mode: fragmentation and, then, invention of a common territory. This process results from the disparities of political power through the area and leads to a kind of disconnection from the content of the territory. This study opens a discussion on the efficiency of the "territories of project" as a sustainable development tool. We think that a territorial approach of sustainable development needs to work on territorial disparities of political power, and we suggest that political territorial engineering could be elaborated.