Contenu du sommaire : Sous le foncier, la politique

Cet article analyse la portée et les limites des politiques de protection du foncier agricole face à l'urbanisation mise en œuvre en Provence et en Toscane, en tenant compte des évolutions législatives et institutionnelles. Il compare les normes réglementaires et la manière dont elles ont été appliquées dans sept communes périurbaines depuis 1960 à travers le dépouillement des archives municipales et des entretiens. Les résultats permettent de nuancer l'effet de la décentralisation des compétences d'urbanisme. Ils montrent le primat de l'urbanisme municipal, par-delà les différences de cadre institutionnel entre la France et l'Italie, avant même les décentralisations, puis l'effet différencié du contrôle par les échelons intermédiaires (département, région). La diversité des trajectoires communales souligne les limites de la planification et le poids des négociations avec les acteurs locaux dans la régulation de l'urbanisation du foncier agricole périurbain.

Le tournant néolibéral de la politique turque depuis l'arrivée au pouvoir de l'AKP en 2002 et les projets de transformation urbaine de ce gouvernement à Istanbul ne marquent pas la fin du clientélisme comme forme de dynamique politique, mais transforment profondément aussi bien ses moyens que ses fins. Notre hypothèse est que longtemps les habitants des quartiers précaires ont pu influencer la structure du champ urbain et capter une partie de la rente de situation foncière à l'aide des relations clientélaires. Mais désormais la dynamique s'est retournée et le clientélisme, recentré sur les politiques sociales, sert désormais de support à la pédagogie politique du parti dominant en faveur de sa politique urbaine néolibérale. Dans le présent article, nous examinons cette hypothèse dans le cas de Şahintepe, un quartier précaire de l'arrondissement de Başakşehir.

Les ressources foncières sont des ressources politiques. À l'échelle mondiale, la conversion de terres agricoles en terrain urbain est plus qu'une évidence : c'est aussi l'objet d'une lutte entre pouvoirs rivaux, une ressource inégalement répartie et symbolique ainsi qu'un enjeu juridique. Dans ce domaine, les différences de cultures, de traditions juridiques et de politique publique passent pour être considérables. Ces différences sont au cœur de notre étude comparative sur les enjeux et les processus d'urbanisation et de suburbanisation en France et aux États-Unis. Nous comparons deux configurations qui, à première vue, semblent aux antipodes. Depuis ce point de départ, nous cherchons à comprendre l'ampleur et la signification concrète de ces différences, et à déterminer des convergences qui pourraient nous permettre de tirer des leçons communes sur les enjeux de politiques foncières et de l'utilisation des terres dans les processus d'étalement urbain.

La nature du développement urbain et suburbain est habituellement considérée comme très différente dans chaque grande région du monde. La plupart des chercheurs se sont intéressés à la ville « américaine », ou « africaine », ou « chinoise », sans mentionner l'aménagement suburbain dans d'autres régions. De ce fait, ils laissent entendre que le pays ou la région en question connaît un développement caractéristique et que toute comparaison avec d'autres régions du monde est impossible ou simplement inutile. Cet article propose un référentiel d'étude systématique des sujets et des problématiques de développement suburbain à travers trois axes d'analyse : (i) les processus qui façonnent le développement suburbain et le réaménagement consécutifs, (ii) les formes prises par le développement et le réaménagement, et (iii) les questions politiques / les enjeux de planification liés. Dans un premier temps, nous aborderons les conditions que les chercheurs, étudiant le rôle de la terre dans l'aménagement suburbain, doivent prendre en considération. Puis nous démontrerons que, malgré les spécificités locales et régionales, ce référentiel peut être utile dans tout contexte urbain, y compris ceux auxquels il est parfois fait référence comme le « Nord » et le « Sud ».

Les transformations qui se sont produites au sein du militantisme ont fait l'objet d'une diversité d'analyses et d'explications. Cette problématique est ici abordée à partir de l'analyse d'un cas concret : celui de la Nouvelle Action française, fondée en 1971, devenue en 1978 la Nouvelle Action royaliste. Le choix d'une échelle d'analyse réduite tant du point de vue de l'objet empirique que de son développement temporel, donne accès aux évènements, aux enjeux et aux difficultés qui poussent une organisation nationaliste à modifier les dispositifs et les espaces de la pratique militante. L'analyse d'un cas concret d'engagement militant permet d'analyser le politique non pas tant à partir de ses variables idéologiques que sur la base d'un ensemble de pratiques, d'obstacles et de conflits qui traversent la vie militante d'une organisation. On se situe au point d'articulation entre, d'une part, un processus de maturation générationnelle des acteurs du militantisme radical qui, d'autre part, se déroule dans un contexte général qui tend à limiter de plus en plus les phénomènes de radicalisation politique. Si le passage du militantisme radical vers les réseaux associatifs peut illustrer de manière simpliste ce processus de transformation, la mutation des tissus militants constitue un phénomène devant être analysé en fonction des spécificités de chaque objet.

Cet article propose une étude socio-historique du détournement des cérémonies mémorielles du Bizkargi et de l'Albertia Eguna au Pays basque par le nationalisme radical. À travers l'analyse détaillée de l'histoire contemporaine de l'Acción Nacionalista Vasca (ANV), ainsi que des symboles de plusieurs affiches, il souligne comment les nationalistes radicaux cherchent à détourner la signification historique originelle de ces fêtes populaires, à savoir la commémoration des gudaris (« soldats ») de la guerre civile espagnole, au profit de la légitimation de la violence et du culte des « martyrs » de l'ETA. La réinvention du sens de ces cérémonies permet à la mouvance nationaliste radicale de créer et d'entretenir une mémoire propre et des mythes fondateurs. En replaçant la lutte des membres de l'ETA d'aujourd'hui dans une continuité historique supposée avec les gudaris d'hier, les nationalistes radicaux visent non seulement à légitimer leur lutte et l'usage de la violence, mais cherchent aussi à entretenir un lien générationnel fictif afin de renforcer la cohésion de leur groupe social et de recruter de nouveaux militants.

Le PASOK et le PSOE, deux des plus éminents partis de la social-démocratie européenne ont vu leur puissance électorale décroitre de façon dramatique ces dernières années. A partir de ce constat on mesure l'ampleur des conséquences de leur gestion de la crise de la dette de l'après 2009. Cependant il ne s'agit là que d'une part de leur histoire. Au cours des deux dernières décennies le PASOK et le PSOE ont établi un paradigme socialiste reposant sur une articulation de politiques économiques néo-libérales avec un progrès social et des réformes culturelles. Alors que ce panachage leur a permis de dominer les élections, il a permis la reproduction d'un modèle problématique de production et de répartition peu à même d'écarter la crise. Ce sont ces échecs, encore plus patents en Grèce, qui sont à la racine des difficultés actuelles et qui semblent signifier la fin du traditionnel paradigme socialiste de l'Europe méridionale.

Un retour sur l'issue des élections municipales de 2008 à Pau permet d'éclairer le poids du deuil sur l'issue de la succession. À la suite des premières phases d'abattement engendrées par la disparition du leader politique, le travail de deuil permet tout autant la réorganisation de la compétition politique encadrant le choix du successeur, que le retour à une routine rendue possible par la disparition du gatekeeper. Les variables du temps qui permet les obsèques définitives du leader, et de la composition du corps électoral (huis clos du conseil municipal puis élection) influencent fortement le choix du successeur, dont la figure même interroge le lien entre hérédité et légitimité. Le deuxième corps du roi ne survit finalement pas à l'espace circonscrit par le deuil, y compris dans les représentations sociales de la fonction politique endossée par le défunt.