Contenu du sommaire : Appropriations ordinaires des idées féministes
Revue | Politix |
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Numéro | vol. 28, no 109, 2015 |
Titre du numéro | Appropriations ordinaires des idées féministes |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Éditorial
- Éditorial - p. 3-4
Dossier : Appropriations ordinaires des idées féministes
- Pour une approche microsociologique des idées politiques : Les appropriations ordinaires des idées féministes - Alban Jacquemart, Viviane Albenga p. 7-20 En prenant appui sur les travaux de plusieurs sous-champs des sciences sociales, cet article plaide pour une microsociologie des appropriations des idées politiques à travers l'exemple des idées féministes. La notion d'appropriation, empruntée à la socio-histoire de la lecture, permet d'envisager les reformulations et transformations des idées politiques à l'occasion de leurs circulations dans différents espaces sociaux. Elle conduit également à prêter une attention particulière aux conditions et modalités de réception ordinaire des idées politiques et aux logiques de politisation au principe de ces processus. À ce titre, les idées féministes constituent un terrain d'investigation particulièrement éclairant au regard de la multiplicité des formes de diffusion dont elles ont fait l'objet depuis les années 1970.For a micro-sociological approach of political ideas
Combining the insights of several research fields in social sciences, this paper advocates a micro-sociological perspective on the appropriations of political ideas, taking the case of feminist ideas. The notion of appropriation, coined by socio-history of reading, enables to consider how political ideas are transformed and reshaped when they spread throughout different social spaces. It also allows to pay specific attention to the conditions and types of the ordinary reception of political ideas as well as to the politicization processes at play. In this sense, feminist ideas are a fruitful fieldwork to be investigated regarding the multiple forms of dissemination that they have taken since the 1970s. - Des ouvrières en lutte dans l'après 1968 : Rapports au féminisme et subversions de genre - Fanny Gallot, Eve Meuret-Campfort p. 21-43 À partir du cas des ouvrières de l'usine Chantelle de Saint-Herblain, cet article revient sur la manière dont des femmes syndicalistes d'entreprise – CGT et CFDT – envisagent le féminisme en théorie et en pratique. Tandis que les deux confédérations marquent leurs distances vis-à-vis du féminisme qui se massifie alors, des militantes d'extrême gauche établies en importent les idées et les pratiques à l'usine. Alors même que la plupart des ouvrières en rejettent l'appellation, notamment pour marquer leur appartenance à la classe ouvrière, dans le quotidien de l'usine les ouvrières échangent sur leurs vies privées, faisant de ces moments de travail des moments d'entraide et d'échange. Lors des grèves, elles mettent en avant leur dignité d'ouvrières de Chantelle, tout autant travailleuses que femmes, contre des discours stigmatisants, et conquièrent par l'action une nouvelle identité, individuelle et collective, associée à la lutte et à l'insoumission. L'article analyse ainsi le déploiement d'une agency parmi les ouvrières, c'est-à-dire d'une capacité à s'arranger avec les normes de genre qui pèsent sur elles, notamment leur assignation au travail domestique.Female workers struggling in the years after May 68By studying workers from the Chantelle factory in Saint-Herblain, this article focuses on how women union members considered feminism in theory and in practice. These union members belonged to both the CGT and the CFDT. The two confederations distanced themselves from the universalizing notion of feminism, as well as from established militants of the exteme-left. Nonetheless, they imported some of their ideas and practices in the factory. Most female workers rejected the name of feminism, notably to privilege their specific membership in the working class. However, in the everyday life of the factory, these workers discussed their private lives which made moments of work into moments of mutual assistance and of exchange. During strikes, these workers foregrounded their dignity as laborers of Chantelle. They fashioned themselves just as much as workers as women to combat stigmatizing discourse. By this action, they conquered a new individual and collective identity associated with struggle and insubordination. Thus, this article analyzes how workers deployed their “agency”, that is to say their capacity to position themselves via the gender norms that confined them, notably their normative assignment to domestic work.
- Le féminisme en héritage ? : Enfants de militantes de la deuxième vague - Camille Masclet p. 45-68 À partir d'une enquête sur les féministes de la deuxième vague en France, cet article porte sur la diffusion du féminisme dans la sphère familiale des militantes, un espace de transmission relativement peu exploré par la littérature. Il s'intéresse plus particulièrement aux processus de réception et d'appropriation d'un « héritage féministe » chez les enfants de militantes. Après une présentation générale de ces héritages et des mécanismes de leur transmission, l'analyse de quatre portraits d'enfants de militantes met en évidence des modalités variées de réception, allant de la simple intériorisation de contenus à des appropriations politiques et militantes. Informée par les autres cas rencontrés dans l'enquête, cette analyse permet de dégager des éléments plus généraux pour comprendre les variations observées.Inherited Feminism ?
Drawing on an empirical study on French second-wave feminist activists, this article examines the spread of feminism in their families, a dimension that has received little attention in the literature. More precisely, I examine how a « feminist legacy » is diversely received and appropriated by the feminists' offspring. The first part provides a general overview of these legacies and their mechanisms of transmission. The second part explores four cases of feminists' children in order to illuminate different forms of appropriation, ranging from the interiorization of some feminist contents to political and militant appropriations. Drawing also on the data coming from other cases encountered in the investigation, the analysis points out some general elements that account for the observed variations between the children in the appropriation of the feminist legacy. - Appropriations des idées féministes et transformation de soi par la lecture - Viviane Albenga, Laurence Bachmann p. 69-89 En s'inscrivant dans la sociologie de la réception, cet article analyse les effets de la lecture comme support à la diffusion d'idées féministes chez les femmes des classes moyennes. En comparant les cas de lectrices issus de deux enquêtes de terrain, l'une sur des cercles de lecture lyonnais majoritairement féminins, l'autre sur des femmes sensibilisées aux questions de genre à Genève, nous proposons de comprendre comment des textes littéraires, de sciences sociales ou de développement personnel soutiennent des trajectoires de transgression, voire de subversion du genre. Ces processus sont rendus possibles par deux formes différenciées d'appropriation des idées féministes : la contestation des normes liées à la féminité hétérosexuelle et l'autonomisation matérielle et symbolique à l'égard des hommes.Appropriation of feminist ideas and self-transformation through reading
This article takes a sociology of reception approach in order to analyse the role of reading in disseminating feminist ideas among middle-class women. By comparing the cases of women readers taken from two field surveys, one of primarily female reading groups in Lyon, the other of women in Geneva who are sensitive to gender issues, we propose to identify how literary, social sciences and personal development texts encourage the process of gender transgression, or even subversion. This process is made possible by the appropriation of feminist ideas in two differentiated forms : the challenging of norms associated with heterosexual femininity, and women's material and symbolic independence from men. - Des héritages sans testament : L'appropriation différentielle des idées féministes dans la lutte contre la violence conjugale en France et aux États-Unis - Pauline Delage p. 91-109 En s'appuyant sur une enquête menée en France et aux États-Unis sur les évolutions de la lutte contre la violence conjugale, cet article montre comment des idées et des pratiques permettant de comprendre le phénomène de la violence conjugale sont diffusées, transformées et parfois rejetées dans les associations héritières du féminisme des années 1970. Cet héritage féministe prend des formes distinctes en France et aux États-Unis. Il est d'abord façonné par l'ancrage des associations dans le secteur du travail social en France, et dans celui de la santé mentale aux États-Unis. En outre, le rapport au mouvement féministe diffère en fonction des contextes institutionnels et politiques, nationaux et locaux. Si l'identité féministe est « évitée » aux États-Unis, elle est plus clairement mise en avant en France. Toutefois, de part et d'autre de l'Atlantique, la question des hommes demeure un point de clivage dans les associations.Inheritance with no testament
Based on a research addressing the transformations of the struggle against domestic violence in France and in the United States, this article shows how feminist ideas and practices that help to understand the phenomenon of domestic violence are spread, used, transformed, and sometimes rejected by non-profit organizations that inherited from the 1970s' feminist movements. This feminist heritage takes different forms in France and in the United States. Firstly, it is rooted in the mental health professional sector in the United States, and in social work in France. Moreover, the relationship to the feminist movements differs according to institutional and political contexts, both on a national and local level. If a feminist identity is “avoided” in the United States, it's clearly highlighted in France. However, on both sides of the Atlantic, the issue of men remains a conflicting point in the organizations. - L'objectif d'égalité des sexes dans la mise en œuvre des politiques d'emploi à Berlin : De la diffusion professionnelle aux difficiles réappropriations profanes - Gwenaëlle Perrier p. 111-133 Le gender mainstreaming est une méthode de promotion de l'égalité des sexes portée par l'Union européenne, participant d'une forme d'institutionnalisation du féminisme. Dans quelle mesure sa mise en œuvre a-t-elle permis la diffusion de l'objectif d'égalité dans les politiques publiques, en dehors du champ du féminisme d'État ? L'article s'attelle à cette question en analysant la politique d'emploi à Berlin durant les années 2000. Il montre que si le travail des avocates du gender mainstreaming a permis une forme d'institutionnalisation du thème de l'égalité au sein du secteur de l'emploi, sa réappropriation par les professionnel·le·s de l'emploi reste très limitée, pour des raisons liées à la fois aux modalités concrètes du processus de mise en œuvre du gender mainstreaming et à l'existence de freins normatifs et cognitifs chez ces professionnel·le·s.The goal of gender equality in the implementation of the employment policy in Berlin“Gender mainstreaming” is a method of promotion of gender equality goals carried out by the European Union, institutionalizing feminist approaches. To what extent has this method fostered the diffusion of gender equality goals in public policies, outside the boundaries of state feminism ? This article tackles this question by exploring the implementation of employment policy in Berlin during the 2000s. It shows that even if the work of some “gender mainstreaming advocates” has led to a certain institutionalization of the theme of equality in the employment sector, the re-appropriation of this goal by employment policy actors remains limited. This can be accounted for by the concrete modalities of gender mainstreaming implementation and by the existence of normative and cognitive resistances from the employment sector actors.
- Féministes ou postféministes ? : Les jeunes femmes, le féminisme et les rapports de genre - Pamela Aronson, Hélène Boisson p. 135-158 Contrairement à une idée communément admise et aux recherches jusqu'ici consacrées à la génération « postféministe », cette recherche étatsunienne montre que les jeunes femmes sont conscientes de l'évolution récente des opportunités ouvertes aux femmes, mais aussi de la permanence des inégalités et des discriminations. Les résultats mettent en lumière à la fois un large soutien envers les objectifs féministes et une attitude ambivalente concernant la notion elle-même. Si certaines femmes s'inscrivent dans un continuum d'identification au féminisme, la moitié se présentent comme « ni pour ni contre » ou ne sont pas en mesure de formuler une opinion. Leur positionnement varie en fonction des catégories sociales et raciales, mais aussi des différentes trajectoires sociales.Feminists or “Postfeminists”?
In contrast to popular presumptions and prior research on women of the « postfeminist » generation, this study found an appreciation for recent historical changes in women's opportunities, and an awareness of persisting inequalities and discrimination. The findings reveal support for feminist goals, coupled with ambiguity about the concept of feminism. Although some of the women could be categorised along a continuum of feminist identification, half were « fence-sitters » or were unable to articulate a position. There were variations in perspectives among those with different life experiences, as well as by racial and class background.
- Pour une approche microsociologique des idées politiques : Les appropriations ordinaires des idées féministes - Alban Jacquemart, Viviane Albenga p. 7-20
Lecture critique
- Le féminisme entre genre, classe et capital culturel : À propos de Des femmes respectables de Beverley Skeggs - Viviane Albenga p. 159-165
Notes de lecture
- Notes de lecture - p. 167-172