Contenu du sommaire : Variations sur l'Égypte

Le présent article se propose d'étudier comment des chaînes satellitaires coptes, a priori vouées au message religieux, ont introduit la parole politique au sein de leur grille. Il s'interroge sur les enjeux d'une telle introduction, surtout en ce qui concerne le double rôle qu'elles sont supposées assumer. Le premier est lié à l'affirmation et à la consolidation identitaire d'une communauté longtemps accusée de repli et le second, en définition, se situe au sein de l'espace public national égyptien. Partant des différents contextes de naissance de deux chaînes chrétiennes en Égypte, CTV et MESat, nous procédons à l'examen des émissions politiques de ces dernières et des implications de la situation politique post-révolutionnaire sur l'évolution de leur parole médiatico-politique.

Le journal Al-Tahrir, fondé au printemps 2011 dans l'enthousiasme général de la révolution et censé être l'héritier du célèbre quotidien Al-Dustour – symbole de la résistance contre le régime de Hosni Moubarak – a perdu la majeure partie des journalistes qui ont fait la gloire de celui-ci dans les années 2000. Entre démissions successives, conflits internes et difficultés financières récurrentes, Al-Tahrir semble aujourd'hui concentrer les travers d'une presse qui a pourtant joué un rôle central dans le processus révolutionnaire égyptien. Cet article a pour ambition d'étudier l'émergence de la presse privée et la crise qu'elle connaît actuellement à travers le récit de l'expérience du journal Al-Tahrir et de ses journalistes. Par la même occasion, l'auteur espère aussi mettre en lumière certaines dimensions du fonctionnement de la presse privée égyptienne, notamment la problématique de la précarité des journalistes.

Cet article analyse la relation entre les révoltes des paysans et le mouvement national depuis 1919 jusqu'à 2011. L'article fournit une lecture sociohistorique des révoltes paysannes, leurs causes et leurs rapports avec les élites urbaines. Même si les révoltes paysannes sont toujours invisibles ou non reconnues par les élites urbaines, cette étude montre comment les soulèvements des paysans égyptiens, menés pour protéger une économie agricole menacée, sont des actions d'avant-garde qui affectent grandement le mouvement des masses en milieu rural et urbain.

Les analyses les plus courantes de la révolution égyptienne de 2011 ont négligé le rôle joué par les paysans dans la cristallisation de la révolte populaire qui a conduit à la chute de Hosni Moubarak. Depuis plus d'une vingtaine d'années pourtant, les campagnes égyptiennes ont été secouées par de violents conflits et mouvements de protestation qui ont connu un regain d'intensité avec le déclenchement de l'insurrection de janvier 2011. Jusqu'à la reprise en main du pouvoir par l'armée, agriculteurs et paysans ont continué de se mobiliser à travers différentes actions et autour de revendications pour l'accès à la terre et aux ressources, prenant également une part active dans le mouvement de renouveau syndical. Cependant, malgré un certain écho auprès des forces politiques de l'opposition, la voix des fellahs est restée peu entendue dans l'Égypte post-révolution. Les configurations politiques et les rapports de force issus des élections qui ont suivi mais aussi l'éclatement et la politisation des syndicats agricoles qui empêchent une coordination efficace des actions de défense des intérêts des fellahs sont autant de facteurs qui limitent la capacité de cette composante sociale à se transformer en force politique et à s'imposer comme un interlocuteur crédible auprès des autorités publiques.

L'armée égyptienne est une institution au-dessus des autres bureaucraties étatiques, plus efficace que ces dernières. Elle est le garant de la survie de l'État, son bouclier et l'une des sources approvisionnant en personnel la haute fonction publique et les pouvoirs locaux. Le grand récit qu'elle a produit sur son propre rôle et sa composition est une légende dorée qui induit des normes ainsi que des comportements. L'article expose les thèses de ce récit et s'efforce d'en mesurer l'écart avec la réalité. Il évoque l'évolution des relations entre la présidence, le peuple et l'armée mais aussi son attitude vis-à-vis du soulèvement de janvier 2011 et de la transition.

L'article pose l'hypothèse selon laquelle les particularités organisationnelles des Frères musulmans égyptiens sont les sources de leur force mais également de leur faiblesse. Il se propose d'analyser les caractéristiques de leur socialisation militante en étudiant deux types de documents : les témoignages publiés par des ex-Frères musulmans qui ont raconté leur parcours d'entrée et de sortie de l'organisation et les documents portant sur la prédication individuelle qui expliquent les modes d'entrée et d'activités au sein de l'organisation. L'article défend l'idée que l'organisation des Frères musulmans est elle-même une entreprise de fabrication du « vrai » musulman. Il lie une telle originalité à l'idéologie qutbiste, active au sein de la partie dominante de la direction de l'organisation, qui a radicalisé la pensée du fondateur Hassan al-Banna.

La mise en relation des processus pluridimensionnels d'intégration régionale et des vulnérabilités peut se faire selon trois éclairages complémentaires, celui macroéconomique des économies nationales, celui micro et mésoéconomique des acteurs, des filières, des réseaux et des territoires et celui des crises systémiques des sociétés et des États fragiles renvoyant à une économie politique des trappes à vulnérabilité.

L'insertion croissante de l'agriculture familiale dans des réseaux commerciaux à rayon d'action très variable agit fréquemment dans le sens d'un renforcement des inégalités tout en réduisant l'autonomie des petits paysans. C'est ce que montre l'analyse comparative de deux ensembles régionaux très différents (Ouest Cameroun, Sud tunisien) : des sociétés rurales très hiérarchisées, liées à un système agroexportateur dont l'évolution est diamétralement opposée. Dans chaque cas on note une compétition aiguë pour les ressources naturelles et un clivage brutal entre une minorité de gros exploitants et la masse des producteurs familiaux, ainsi qu'à une différenciation croissante au sein de celle-ci.