Contenu du sommaire : Où en est la géographie culturelle ?

Revue Annales de géographie Mir@bel
Numéro no 660-661, 2008/2-3
Titre du numéro Où en est la géographie culturelle ?
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Où en est la géographie culturelle ?  : Introduction - Paul Claval, Jean-François Staszak p. 3-7 accès libre
  • La géographie culturelle en question

    • La géographie culturelle dans les pays anglophones - Paul Claval p. 8-26 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les perspectives anglo-saxonnes sur la géographie culturelle changent rapidement. Une révolte contre la géographie de Sauer se produit aux alentours de 1980. Elle s'inspire de la critique littéraire et des Cultural Studies britanniques comme de l'anthropologie américaine. Ces remises en cause donnent une dimension plus critique à l'approche culturelle en géographie. L'attention accordée aux femmes, aux jeunes, aux minorités s'accroît. Les échelles se modifient : la place du local et du domestique s'affirme. La dimension historique est réintroduite par le courant postcolonial, en même temps que le postmodernisme insiste sur les faiblesses et contradictions inhérentes à l'idée même de science. La géographie se rapproche des humanités, puisqu'elle traite comme elles d'une matière première faite de mots, de discours et d'images. On en vient à parler du tournant culturel de la discipline.
      Cultural geography in english-speaking countries Anglophone perspectives on cultural geography have evolved rapidly. A revolt against Sauer's geography occurred around the 1980's. It was fuelled by British literary criticism and “cultural studies” as well as by American anthropology. As a consequence, cultures are studied according to more critical perspectives. Growing attention is given to women, young people or minorities. The scales change : the significance of localities and domestic space is underscored. The historical dimension is reintroduced thanks to the postcolonial movement. Post-modernism insists on the weaknesses and contradictions inherent in the idea of science. Geography becomes closer to the humanities, since it covers, just as they do, a field made of words, narratives and images. Geography is experiencing a cultural turn.
    • La géographie culturelle a-t-elle un sens ? - Jacques Lévy p. 27-46 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Innovante en apparence dans son énoncé, la géographie culturelle pose un double problème épistémologique. D'abord, s'agit-il d'une nouvelle branche de la géographie ou d'une école de pensée qui prétend réorganiser l'ensemble des savoirs de la discipline ? Le projet d'une géographie culturelle reprend et endosse les ambiguïtés du mot « culture » dans les sciences sociales contemporaines. Ensuite, le mot « culture » correspond le plus souvent à une version faible de la notion de société, en particulier dans les travaux anglophones. Cette géographie, qui aborde les sociétés sans le dire clairement, a-t-elle forgé de nouveaux outils pour explorer la dimension spatiale de ces sociétés ? Si le « tournant culturel » a certainement contribué à faire avancer notre regard sur le monde social dans certains domaines, la réponse à cette question n'est pas toujours consistante. Au bout du compte, deux caractéristiques, qui pouvaient paraître périphériques, se révèlent essentielles pour éclairer les logiques de ces hésitations. L'une, théorique, concerne la mise en place éventuelle d'un paradigme du social qui se passerait d'un concept de société. L'autre, effet pratique du premier, concerne l'usage de discours universitaires prétendant fonder le « multiculturalisme » sur le respect des « cultures » pour légitimer le communautarisme contre la « société des individus ».
      Whither cultural geography ? Cultural geography proposes an apparently innovative project but it actually raises a dual epistemological issue. First of all, is it a new field inside geography or a school of thought that contends to redesign the overall geography's disciplinary layout ? The perspective of a “cultural geography” encompasses and endorses the ambiguity of the word “culture” in contemporary social sciences. Secondly, “culture” is predominantly used as a weak version of “society”, namely in English-speaking literature. Cultural geographers address societies but do not explicitly admit it. Have cultural geographers built fresh tools to explore the spatial dimension of these societies ? The answer to this question is not easy to give, even though the “cultural turn” has certainly helped social sciences to move forward in the understanding of social worlds. Two topics, which might seem peripheral, eventually turn up to be essential to enlighten the rationale of these hesitations. The first one, theoretical, is related to the possibility of a paradigm for social sciences that would pass over the concept of society. The second one can be seen as a practical output of the former. It affects the use of academic discourses that pretend fond “multiculturalism” on scientific arguments to legitimate communalism and reject a “society of individuals”.
    • La géographie culturelle : quelle approche sociale ? - Guy Di Méo p. 47-66 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Une nouvelle géographie culturelle s'impose, depuis les années 1980, dans le paysage de la géographie française. Profitant du « tournant culturel » et du « retour du sujet ou de l'acteur », deux tendances enregistrées depuis un peu plus d'une vingtaine d'années dans les sciences de l'homme et du social, elle est parfois présentée comme une alternative à la géographie sociale, d'inspiration marxienne, apparue quelques années avant elle. Le but de l'article est de montrer que, d'une part, ces deux géographies sont inséparables et que, d'autre part, la dimension sociale de toute géographie prend nécessairement le pas sur sa composante culturelle. Tout fait culturel naît dans un creuset social et se constitue dans le tissu des rapports sociaux et spatiaux ; même si, en retour, les contenus culturels façonnent les contextes sociaux et spatiaux qui les produisent et les expriment. En face d'une géographie culturelle qui n'échappe pas toujours au culturalisme, une géographie cognitive et critique, à la fois sociale et culturelle est proposée.
      Cultural geography ? Not without a social approach Since the 1980s, a cultural geography has emerged within French geography. Benefiting from two trends of the human and social sciences in the last twenty years (the cultural turn and the return to the subject or the actor), this cultural geography is sometimes described as an alternative to the Marxian-influenced social geography that had appeared a few years before. This article intends to demonstrate that those two geographies are inseparable, and that in any geography the social dimension necessarily prevails over the mere cultural dimension. Every cultural fact appears in a social crucible and develops in a network of social and spatial relations — even if, in return, the cultural contents of existence shape the social and spatial contexts producing and expressing them. Cultural geography is not always immune from culturalism ; therefore, a cognitive and critical geography, both social and cultural, is proposed.
    • L'espace, le réel et l'imaginaire : a-t-on encore besoin de la géographie culturelle ? - Christine Chivallon p. 67-89 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article propose d'analyser les répercussions de la définition du sous-champ disciplinaire constituée par la « géographie culturelle » sur la définition de l'objet géographique. Une première partie s'intéresse au contexte de la discipline, à ses incertitudes toujours actuelles quant à une définition stable de son objet. Elle conforte ce diagnostic au travers d'une approche critique des définitions de l'espace faites au cours des dernières années et destinées à stabiliser le socle théorique de la géographie. La fragilité conceptuelle du couple idéel et matériel est abordée comme l'obstacle majeur de cette stabilisation. Elle est alimentée par la distribution des compétences dans des secteurs spécialisés qui attribuent à la géographie culturelle le domaine du « subjectif ». Déclarer l'existence d'un secteur « culturel » revient ainsi à déclarer l'existence d'un objet géographique qui ne le serait pas. C'est s'appuyer implicitement sur les grands clivages fondateurs des sciences sociales au premier rang desquels figurent le couple du subjectif et de l'objectif. La deuxième partie propose d'investir le domaine le plus réservé à la compétence « culturelle », celui de l'imaginaire. En s'appuyant notamment sur les écrits de C. Castoriadis, elle développe l'idée selon laquelle le réel est toujours un imaginaire parvenu à s'incarner dans la matière. Ce principe fonde la géographie comme une science sociale de l'espace — une spatiologie ? — qui devrait enfin être en mesure de ne plus douter du contenu théorique minimal qui la distingue : l'espace est puissamment codifié, symbolisé, pour servir à la construction de nos mondes sociaux.
      Space, reality, imagination : cultural geography of no use ? Focusing on geography's cultural subfield, this article analyses the consequences of dividing the discipline according to its “object”. A first part describes the context in which geography has evolved and focuses on the current uncertainties about its definition. It confirms the uncertainty diagnostic through a critical approach of the most recent definitions that aimed at giving a stable theoretical basis to the discipline. The lasting conceptual weakness of the mental/ material — subjective/objective — is seen as the major obstacle to a possible stabilization. Among other things, it continues to ascribe to “cultural geography” the realm of the subjective expressions. To thus assert a cultural quality to the geographical object is to declare that this “object” has no such quality. The second part enters the reserved realm of “cultural geography” that is : “imagination”. Using Cornelius Castoriadis' approach to society, it shows that the “real” is always the product of imaginary expressions that has become concrete through embodiment in the material environment. This principle could be at the foundation of geography as the social science of space — a “spatiology” ? —, which will question any more its theoretical basis as a social science. For space is powerfully codified and symbolised to serve the constructions of our social worlds
  • La géographie culturelle en action

    • Construits identitaires et imaginaires de la territorialité : variations autour de la figure du « montagnard » - Bernard Debarbieux p. 90-115 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'histoire des variations de l'acception de la notion de culture et des problématiques de la géographie dite culturelle est bien connue ; elle a conduit à un désaveu des perspectives naturalistes et écologiques, au rôle croissant donné à l'intersubjectivité et aux rapports de force politiques et sociaux dans la construction des identités. Mais le renouvellement des paradigmes académiques ne doit pas oblitérer le fait que beaucoup ont pris racine dans nos sociétés contemporaines comme autant de figures imaginaires, capables d'instituer des formes sociales et géographiques. Cet article propose de montrer, à l'aide d'une analyse des enjeux identitaires et territoriaux propres aux régions de montagne dans le monde, la présence et le rôle pratique de ces figures imaginaires dans les sociétés contemporaines. Pour ce faire, il suggère de voir dans une série de paradigmes scientifiques autant de registres imaginaires et pratiques de la territorialité, susceptible de se renforcer mutuellement ou de se concurrencer selon les contextes dans lesquels ils sont mobilisés.
      Territorial construction : variations on the “montagnard”'s identity and image The historical variations in the definition of the notion of culture, along with the ones of the so-called cultural geography are well known ; it led to the disapproval of naturalistic and ecological perspectives, and to a greater consideration of intersubjectivity and of political and social processes in the construction of identity. But this renewal of academic paradigms should not blind us to the fact that many of them sprung from contemporary societies as imaginary figures, enabling social and geographical forms to take place. In looking trough identity and territorial tensions in mountain regions in the world, this papers aims at showing the presence and role of those imaginary figures in contemporary societies. To do so, it proposes to see scientific paradigms as imaginary and real (resulting from practices) of a “territoriality”, that can at time compete, otherwise reinforce each other, following the context in which they are at play.
    • Décoloniser les représentations : esquisse d'une géographie culturelle de nos « Autres » - Claire Hancock p. 116-128 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article propose d'appliquer les méthodes et axes de réflexion de la géographie culturelle (analyse des discours et représentations, attention à la formation discursive d'identités socio-spatiales) à certains des enjeux de notre société post-coloniale, et notamment aux identités et territorialités contraintes qu'elle octroie aux populations dites « issues de l'immigration ». Il suggère également de reposer « au féminin » certaines des interrogations sur ces identités.
      Decolonizing representations : attempting a cultural geography of our “Others” This paper applies methods and concepts familiar to cultural geographers (analysis of discourse and representations, discursive identity formation) to some issues of French post-colonial society, with particular reference to the constrained identities and territorialities granted to people of non-French origin. It considers the problems of “banlieues” in this perspective and raises some questions about the “indigènes de la République”, natives of the Republic, movement. A reference to Mexican natives, and the forms of the encounter between Europeans and American indigenous populations, helps to shed some light on this, and the Malinche is discussed as a possible symbolic figure from which to reconstruct our understanding of the Other. This figure suggests in particular that reframing some of our understandings of identity to incorporate the feminine experience may prove worthwhile.
    • Danse exotique, danse érotique. Perspectives géographiques sur la mise en scène du corps de l'Autre (XVIIIe-XXIe siècles) - Jean-François Staszak p. 129-158 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La danse exotique, qui fascine les hommes occidentaux dès le XIXe siècle, s'inscrit dans le cadre d'une société coloniale et patriarcale. Elle possède une dimension plus ou moins explicitement érotique, consubstantielle à son exotisme. C'est dans cette logique que l'expression exotic dance en vient à désigner le strip-tease dans les années 1950 aux États-Unis. La danse exotique/érotique n'est pas que la manifestation secondaire de la colonisation : elle en est la métonymie, voire le vecteur. Le processus colonial est lié à la domination et à la mise à disposition du corps de l'autre, dont la danse exotique est une forme importante. Elle peut aussi être l'occasion pour la danseuse de transgresser les normes et de s'imposer à travers le rôle qui lui est donné.
      Exotic dance, erotic dance. Displaying the Other's body (18th-21st centuries) Since the 19th century, Occidental males have been mesmerized by exotic dancing. The colonial and patriarchal society made of this exotic show an erotic one, and, in the 1950's, exotic dance came to mean strip tease in the USA. Exotic/ erotic dance is not just a symptom : it is also a metonymy and a process of colonization. Exotic dance is a way to control the Other's body, and to put it/her at the colonizer's disposal. Nevertheless, it gave to some dancers the opportunity to challenge colonial and gender stereotypes... and their white male public.
    • Cultural cartography : maps and mapping in cultural geography - Denis Cosgrove p. 159-178 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les cartes et la cartographie en géographie culturelle Au cours des trois dernières décennies, des tournants importants se sont produits tant dans la pratique cartographique que dans les théories qui la concernent, et qui ont transformé le rôle de la cartographie en géographie, alors même que la fabrication des cartes faisait l'objet d'études qui font ressortir les liens actuels existant entre la géographie culturelle et différentes pratiques artistiques. Le présent essai se penche sur ces développements en portant une attention particulière au cas anglophone. La critique de la prétention scientifique de la cartographique et l'approche historique révisionniste de l'art seront d'abord discutées, suivront des remarques sur les relations changeantes entre la géographie et la cartographie, ainsi que sur l'impact des nouvelles technologies sur la fabrication et l'usage des cartes comme on peut s'en rendre compte par la généralisation des cartographies virtuelles. La dimension artistique de la recherche et de la documentation sur les questions spatiales et environnementales qui ont recours à ces nouvelles cartographies, est replacée dans son contexte historique et est mise en relation avec les changements survenus récemment dans les pratiques géographiques.
      Over the past three decades, significant shifts in both the theory and practice of cartography and indeed in the definition of the map itself have transformed the role of mapping within geography, while maps and map making have become a focus for important contemporary connections between cultural geography and various art practices. This essay reviews these developments, paying special attention to Anglophone examples. The critique of cartography's claims to science and revisionist art historical scholarship are first discussed, followed by comments on the changing relations between geography and cartography and the impacts of new technology on map making and use as these have been democratised through virtual cartographies. Growing artistic interest in researching and documenting spatial and environmental questions that involve use of many of these mapping practices is set in its historical context and related to geography's changing academic practices.
    • Ville et création artistique. Pour une autre approche de la géographie culturelle - Boris Grésillon p. 179-198 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans le vaste champ des études de géographie culturelle, la création artistique et les lieux de culture n'ont, jusqu'à maintenant, que peu retenu l'attention des géographes. Cela s'explique en partie par l'acception très large du vocable « culture » communément retenue par les tenants de l'école de géographie culturelle française. Cependant, les artistes s'avèrent non seulement des acteurs à part entière de l'organisme urbain, mais surtout, leur regard sur la ville éclaire celui du géographe. Par ailleurs, l'éclosion récente de « nouveaux territoires de l'art » dans des lieux inattendus — friches industrielles, entrepôts abandonnés, terrains militaires délaissés, etc. —, souvent localisés en situation péricentrale dans les agglomérations, incite à prendre en considération ces « objets culturels non identifiés » : catalyseurs de développement local, vecteurs de requalification urbaine, ils entretiennent avec leur quartier d'appartenance des rapports ambigus et suscitent l'attention des pouvoirs publics. La présente contribution ne poursuit pas seulement pour but de réhabiliter les lieux de culture en tant qu'objet géographique. Elle a également pour ambition de proposer une autre approche de la géographie dite culturelle, au moment où celle-ci s'interroge sur son objet et sur son avenir.
      City and artistic production. A cultural geography approach In cultural geography, artistic creation and places of cultural expressions have not been of much interest by (French) geographers. This can be explained by the broad definition the French school of geography attributes to the term “Culture”. However, artists can be regarded as true actors of the urban space, and more, their conception of the City can enlighten the geographer's. Moreover, the recent hatching of “new art territories” in some unexpected places — brown fields, abandoned sheds, derelict military areas, etc. — located mostly on the margins of cities, incites to consider these “UCO” ( “Unidentified Cultural Objects”), that are local development catalysts, urban renewal paths. As such, they maintain an ambiguous relationship with their districts and catch the attention of the local authorities. This paper's objective is not only to rehabilitate the place of culture in the field of geography ; it has the ambition of proposing another approach to the so-called cultural geography at a time it is been questioned on it's very purpose and future.
  • COMPTES RENDUS - p. 199-200 accès libre